dimanche 16 décembre 2018

Narbonne, le syndrome du Dr Ferroul


Mai 1907  - la révolte des vignerons
Le Docteur Ernest Ferroul haranguant la foule

C’est le 5 mai 1907 que commence à Narbonne la révolte des vignerons. Dans une région dont la main d’œuvre est presque essentiellement dédiée à la viticulture, l’importation massive de vins peu coûteux en provenance d’Algérie et la concurrence déloyale de vins trafiqués provoquent une crise sans précédent. Les cours s’effondrent, l’emploi est directement menacé. Soutenus par le Docteur Ernest Ferroul, maire de la ville, près de 80 000 vignerons se rassemblent à Narbonne pour défendre leur cause. Le mouvement s’étend vite à l’Hérault, provoquant des manifestations d’une ampleur sans précédent depuis le début de la 3ème République.

Gilets Jaunes avant l'heure
Le gouvernement ne répondant pas, le mouvement se prononce pour la désobéissance civique, encouragé par les maires de plus de 400 communes du Languedoc-Roussillon Les drapeaux tricolores font place aux drapeaux noirs. Clemenceau, alors Président du Conseil, traite d’abord la révolte avec mépris avant d’envoyer l’armée pour la mâter. Les organisateurs des comités viticoles sont arrêtés, ce qui provoque la colère des manifestants jusque là pacifiques. Le 19 juin à Narbonne, la sous-préfecture est prise d’assaut. Des barricades sont élevées. En réponse, l’armée tire sur la foule. On compte deux morts dont un garçon de 14 ans. Le lendemain, c’est de nouveau la confusion. Débordée, l’armée reçoit, une fois encore, l’ordre de tirer sur la foule. On dénombre 5 morts (dont Cécile Bourrel, une jeune fille de 20 ans) et plus de 30 blessés. L’émotion suscitée par ces évènements met un terme aux manifestations mais il faudra attendre 2 mois et la force de persuasion de Jaurès avant que la Chambre des Députés adopte le décret attendu pour sortir de la crise.

La réponse de Clemenceau aux manifestants
Le Nord face au Sud, les cicatrices du passé toujours prêtes à se rouvrir
Il y a tout juste un mois, j’ai croisé un couple de touristes du côté des Barques. Ils cherchaient la direction de la  cathédrale. Ils ne m’ont pas caché qu’ils étaient impressionnés par le calme radieux de la ville. Le mot était juste. La lumière diaphane du matin et le silence qui régnait à cette heure sur les quais de la Robine conféraient au cœur de la ville un air de paix et de douceur presque intemporel.   

Mais depuis, les Gilets Jaunes sont passés par là. Et ils ont le sang chaud à Narbonne. 3000 manifestants il y a 3 semaines dans une ville d’à peine plus de 50 000 habitants, ce n’est pas banal. On n’y est jamais loin de la crise vigneronne de 1907. On a encore en mémoire la fusillade du pont de Montredon en 1976 et les importantes manifestations des viticulteurs l’année dernière. Le secteur est régulièrement en crise, concurrencé par les citernes clandestines de vin espagnol bon marché dopé aux pesticides. Les vins trafiqués, toujours et encore. Les CAV s’efforcent de veiller au grain mais les autorités ferment les yeux. Alors, il n’y a jamais qu’un pas à franchir pour que les Narbonnais s’enflamment à nouveau. Le prix à la pompe, par exemple.

Ici, la majorité des véhicules arbore un gilet jaune sur le tableau de bord. L’ambiance est à la solidarité. On soutient les Gilets Jaunes. Mais le mouvement bon enfant du début a changé avec la liste de ses revendications. La guillotine érigée à la barrière de Croix Sud maculée de peinture rouge symbolisant le sang du président Macron en apprend sur la haine qui anime l'esprit de certains. Il y a aussi des fauves parmi les Gilets Jaunes. Et pourtant, nous sommes loin de l’époque où le gouvernement faisait tirer sur la foule, même si on évoque à tout bout de champ les violences policières gratuites. Les Forces de l’Ordre seraient plutôt à féliciter pour leur sang-froid. 

La violence, on la retrouve aussi à Narbonne. Et elle finira par discréditer les Gilets Jaunes. Le député Alain Péréa de la REM les a exhorté à fonder un vrai mouvement politique pour faire valoir leurs idées et, qui sait, gagner le vote des Français après avoir gagné leur coeur. Un appel manifestement resté lettre morte. Pas plus tard qu'hier matin, on a mis le feu à une vingtaine des voitures de la Concession Renault, route de Perpignan. Le péage de Narbonne sud a été incendié pour la seconde fois. Hier soir, les cars de Gendarmes Mobiles tentaient de calmer les GJ au rond-point de l'Amphore. Un filtrage policier avait été mis en place à Carrefour Bonne Source, suite à des débordements. Un climat délétère régnait en ville.

Narbonne  - le Canal de la Robine en Automne
Je crois qu’il est temps d’aller faire un tour le long de la Robine, histoire d'oublier un peu. Zut! il pleut.

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