mardi 26 février 2019

Algérie, la bombe à retardement ?


L'Algérie, terre de prédilection de la vigne déjà sous les Romains
La vigne a été arrachée sous Boumédienne, laissant depuis les
terres à l'abandon







L’Algérie est pratiquement à l’arrêt depuis 30 ans, avec à sa tête un clan qui, en sa qualité d''exécuteur testamentaire du FLN, s'est attribué le droit de confisquer à son profit, les ressources d'un pays de 40 millions d'habitants, évoquant pour cela une légitimité soi-disant irrévocable. L'annonce de la volonté du président Bouteflika de briguer un nouveau mandat n'est en fait qu'un montage inique, une opération de diversion destinée à mettre en lieu sur les avoirs peu avouables de la faction mafieuse qui détient les clés du palais.
 Tenu d’une main de fer par les anciens cadres du FLN, une brochette de généraux aux tempes blanchissantes et un quarteron de businessmen dont le moindre défaut n'est rien moins que la cupidité, le pouvoir parvient certes encore à anesthésier une large partie de sa population mais ne fait que retarder une échéance qui, le jour venu, risque de faire voler en éclats l’équilibre tout en apparence de son système autocratique hermétique.

Comment ne pas comprendre que l’oeil hagard du président moribond constitue pour son clan l'espoir d'une impunité alors que commence à gronder la menace d'une déflagration dont la France subira nécessairement les retombées explosives. La candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel, même si lui-même n’en est peut-être pas conscient, est révélatrice de l'angoisse pour l’oligarchie au pouvoir de se trouver face à une alternative démocratique. Le pays va dans le mur d’une manière presque inéluctable et la réélection programmée de Monsieur Bouteflika constituera pour son cercle bunkerisé un ultime ballon d’oxygène avant les grands tourments, le temps pour les familles qui gouvernent dans l'ombre, cette smala de privilégiés qui a érigé la corruption en valeur d'Etat de faire les valises pour les paradis fiscaux où ils ont déjà détourné une part des richesses du pays.

Abdelaziz Bouteflika, paralysé depuis  2013 suite à
un AVC. Prêt à se lancer dans la course pour
un nouveau mandat présidentiel.
Muet, le regard fixe, la  main incapable d'écrire.
Est-ce bien là l'image idéale pour un pays qui mise sur sa jeunesse? 
Mais après! une fois que Monsieur Bouteflika aura achevé ce dernier mandat, totalement momifié si jamais il parvient à son terme, l’Algérie va voir se briser devant elle le dernier miroir aux illusions. Deux grandes questions domineront alors le débat : le rôle de l'armée face à la résilience des islamistes et l'avenir de la jeunesse, impatiente de tourner la page FLN. Il sera temps, enfin, de liquider les derniers relents de la guerre coloniale, de clore près de 60 ans de choix politiques et économiques souvent erratiques, motivés par une volonté viscérale d’effacer de la mémoire 130 ans de vie commune avec la France, l’ennemi que l’on aime détester mais dont on ne peut se passer. 

Deux générations ont passé, mais selon un calcul politique plus ou moins raisonnable, l’Algérie se refuse encore à regarder la colonisation de manière dépassionnée, sacralisant une guerre qui, bien qu’ayant été particulièrement meurtrière parmi les rangs de ses combattants, aurait dû, avec les années qui passent, rejoindre le champ critique des historiens au lieu de continuer à alimenter des polémiques devenues stériles. Dans ce registre, le gouvernement français a mis du temps à faire son mea culpa, mais il l’a fait et de la bouche même de son président lorsque celui-ci a reconnu la colonisation comme une crime contre l’humanité. Il serait temps de mettre un terme à cette infortune du destin selon laquelle aucune coopération économique ni même un simple partenariat entre l’Algérie et la France ne seraient possibles sans raviver à chaque fois les griefs du passé. Le FLN a fait son fonds de commerce de cette approche et s’en est abondamment nourri depuis des décennies sans jamais parvenir à doter en échange son pays d'une réelle vision d’avenir.

Alger dans les années 70
On peut dans ce cas reconnaître que c'était bien mieux avant
Revenons pour cela quelques années en arrière. Le FLN (Front de Libération Nationale) qui occupe le pouvoir d'une façon monolithique depuis l’indépendance acquise en 1962, n’est plus depuis longtemps une force vive mais plutôt une oligarchie sénile qui a, au fil des ans, confondu les intérêts du pays avec les siens propres. A force de ne pas vouloir panser les plaies de la guerre et refuser leur cicatrisation, trouvant plus judicieux d'entretenir les rancœurs de la colonisation, les dirigeants algériens ont souvent préféré les mauvais choix à une véritable réconciliation avec la France. 

Le pays n’a, pourtant, jamais rompu ses profondes attaches avec l’ancien colonisateur, ne serait-ce que par le biais d’une importante communauté algérienne installée en France, francisée même en majorité, tout en conservant des liens familiaux avec ceux restés au bled. Les échanges commerciaux n’ont, en revanche, pas suivi comme cela aurait dû être le cas entre deux partenaires classiques. 
Il persiste, en effet, depuis les années 60, la crainte de voir se réinstaller des entreprises battant pavillon français, considérées comme la tentation d'une recolonisation a posteriori. Fort de cette volonté de consommer le divorce, le président Houari Boumédiene s’est jeté au cours des années 70, dans les bras de l’Union Soviétique, en tirant alors un avantage politique non négligeable assorti d'une aide financière substantielle. En quelques années, l'Algérie a connu un sursaut économique de forte ampleur, avec pour conséquence une hausse significative du revenu moyen par habitant. Le vaste plan de nationalisations conduit par le gouvernement algérien de l’époque chassa les derniers intérêts français dans le pays, provoquant un climat réciproque de guerre économique. C’est ainsi qu’en réponse à la décision française de bloquer l’importation de vins d’Algérie, Boumédiene lança une campagne massive d’arrachage des vignes qui, faute de contrepartie, contribua surtout à l’appauvrissement du monde paysan. On a aujourd'hui tiré la leçon de ces grandes planifications décidées par le centralisme communiste dont les résultats n'ont fait qu'accélérer la ruine des économies vivrières. L'Algérie n'a pas dérogé à la règle, prise au piège dans le miroir aux alouettes. Ce fut l’époque où tous les efforts se portèrent vers une industrialisation du pays à marche forcée, appuyée par les Soviétiques mais aussi par tous les intellectuels qui voyaient, d’un œil attendri, l’avènement en Afrique du Nord d’un modèle réussi de société socialiste.
Cet aboutissement, dû pour une large part à la hausse historique du prix des hydrocarbures, a permis de masquer les faiblesses structurelles de l’influence russe, faute de capacités financières à long terme et du fait, également, que les pays de l’Est ne constituaient jamais qu’un débouché économique très limité.  
Boumédiene disparu prématurement, son successeur Chadli Benjedid dut reconnaître que le manque de perspectives du bloc soviétique pourrait déstabiliser son pays si la main protectrice de Moscou devait faillir. 

Au cours des années 80, la chute des cours des hydrocarbures dont l’Algérie était un gros exportateur a rapidement entraîné le pays dans la crise. Le paravent de l'industrialisation s'est étiolé tandis que le monde rural, exsangue, s'enlisait dans le marasme. L’Etat a, alors, tenté d’en minimiser les effets en privatisant les monopoles datant de l'ère Boumédiene, dévaluant de surcroît la monnaie et entreprenant une ambitieuse réforme des institutions visant à la démocratisation de la vie politique. Il s’agîssait, pour le moins, d’une véritable révolution dans un pays placé depuis son indépendance sous la tutelle du Parti Unique. Le pari était, toutefois, d’autant plus risqué qu’après avoir bâillonné toute opposition pendant près de trois décennies, il eût été miraculeux de voir sortir des urnes une assemblée semblable à la Chambre des Communes ou à celle des Représentants. La seule force constituée, dès lors qu’elle a été autorisée à se muer en formation politique a été celle des mosquées. Au printemps 1991, le Front Islamique du Salut parût en passe de remporter les élections, une situation intolérable pour des autorités formées à un idéal social hérité de l’ancien grand-frère russe. L’armée bloqua alors le processus électoral mettant un terme brutal au rêve démocratique. 

C’est alors que le pays sombra dans la Guerre Civile. L’armée resserra les libertés tandis que des groupes islamistes semèrent la terreur, massacrant sans discernement, inaugurant la notion de Jihad et provoquant les premiers attentats suicide. En juin 1992 le nouveau président Mohamed Boudiaf qui plaidait pour la réconciliation  et une Algérie tournée à nouveau vers la modernité, faisant sienne la lutte contre la corruption qui gangrénait le pays, fut assassiné en plein discours. Le chaos s’installa jusqu’à la fin des années 90 faisant plus de 200 000 morts. 

Après des années de tergiversations, les autorités sont, enfin, parvenues à organiser en avril 1999 la première élection présidentielle pluraliste. Abdelaziz Bouteflika, ancien ministre de Boumédienne, est sorti vainqueur des urnes. Son projet comportait trois volets : restaurer la concorde nationale, relancer l’économie et assurer le retour de l’Algérie sur la scène internationale. Il allait réussir à apaiser le pays au prix d’un grand nombre de concessions en direction des islamistes, toujours actifs et prompts à verser une fois de plus dans la violence aveugle. 

Ouvriers chinois sur le chantier de la future Grande Mosquée d'Alger
Et pourtant, il n'y a pas de travail pour les Algériens
Malgré quatre mandats successifs, le bilan des années Bouteflika reste en deçà des rares espoirs qu’il avait suscités au départ. Hormis la manne pétrolière sujette à de fréquentes fluctuations, la production industrielle et agricole  n'a jamais vraiment redécollé, même si l’arrivée tonitruante des investisseurs chinois a concouru à faire croire à une embellie salutaire. Donnant donnant, la Chine a fait main basse sur le pays. Elle a réalisé les grands projets énergétiques, elle fournit pratiquement tout l’armement, elle est présente dans tous les grands travaux, imposant sa main d'oeuvre, ses méthodes et son style, cachant comme elle sait si bien le faire derrière une neutralité bienveillante l'âme d'un prédateur implacable.  

Or, que reste-t-il aujourd’hui de l’Algérie des années 70, modèle miracle d’un socialisme à l’africaine, un pays confiant qui attirait alors le tourisme. Que reste-t-il à présent ? L’ennui, la résignation, la débrouille, l’attente, peut-être le miracle ou alors le départ vers le nord, retrouver la famille qui vit en France. Quelle perspective ! Le règne de Bouteflika a vitrifié le pays. C'est comme si depuis 20 ans, tout un peuple s'était mis au ralenti, regardant impuissant, le rouleau-compresseur chinois y faire son laboratoire d'influence en Afrique. Nul n’attend finalement plus grand-chose en Algérie. Les généraux et leurs ouailles continuent de se partager les miettes du gâteau, y ajoutant quelques dividendes issus de trafics en tous genres, dont celui de la cocaïne, fort rémunérateur. La corruption est solidement installée à tous les niveaux d’une bureaucratie arrogante qui jouit avec avidité de son pouvoir de tracasserie. Les islamistes règnent en maîtres sur les esprits, forts de l’amnistie que leur a offert le pouvoir en échange de la paix sociale. Le gouvernement a laissé faire, préférant une islamisation insidieuse et indolore aux actions violentes. La police religieuse a dès lors eu les coudées franches pour imposer sa norme rigoriste. Telle est devenue la société algérienne, soumise à l'appel pluri-quotidien du muezzin, tenue en laisse par un système coercitif, s'habituant à la discrimination des sexes, rêvant en somme d'une autre vie, plus loin, plutôt de l'autre côté de la Méditerranée.

A la veille de l’élection présidentielle, l’Algérie dont la moitié de la population a moins de 25 ans semble vouloir sortir de sa catalepsie. Les jeunes sont descendus dans la rue pour dire non à un 5ème mandat, les opposants discutent mais ils ne représentent qu’eux-mêmes. En majorité inconnus, à la tête de mouvements ou de partis réduits depuis des années au silence, ils ne pèseront d’aucun poids. Un opportuniste comme Rachid Nekkaz est prêt à faire ruisseler ses dollars pour séduire l'opinion, lui qui a déjà plusieurs fois annoncé la mort de Bouteflika,  mais il y a fort à  parier que sa candidature sera invalidée.

Et quand bien même, l’un des opposants à Bouteflika viendrait à être élu à sa place, aurait-il seulement une chance de propulser le pays vers l’avenir après tant d'années d'immobilisme, oserait-il limoger ses généraux narcotrafiquants ou encore mettre à la retraite des milliers de fonctionnaires corrompus jusqu’à la moelle? Se permettrait-il de traiter les Chinois comme des partenaires et non plus comme des maîtres? Aurait-il le courage de demander aux imams de retourner dans leurs mosquées et de laisser le peuple algérien retrouver le goût de la liberté de penser? Recevrait-il l'allégeance de l'armée dont on sait qu'elle n'est jamais autant l'alliée de l'Etat que lorsqu'elle en retire un bénéfice? Rien n'est moins sûr. 

l'Algérie en 2019
Une islamisation insidieuse qui s'abat exclusivement sur les filles. Un lourd tribut
à payer pour en  finir avec le terrorisme
De ce côté là, l'hiver ne le cédera pas à un hypothétique printemps
Un nouveau mandat de président pour Abdelaziz Bouteflika est certainement pour l’Algérie un mauvais signe de plus du destin, venant s’ajouter à tant d’autres depuis 1962 mais le temps est peut-être venu pour la jeunesse de ce pays pourvu d’un nombre considérable d’atouts, de se préparer à prendre le pouvoir, malgré la menace toujours latente d'une répression brutale. Il faudra pour cela transgresser l'esprit fataliste qui paralyse la société algérienne et se lancer à corps perdu dans la vie politique. Attention seulement à ne pas retomber dans le piège d’une démocratisation trop rapide qui, une fois, encore ne profiterait qu’aux ennemis de la démocratie. Il n’est peut-être plus si éloigné que cela le temps où l’Algérie cessera d’être une forteresse délabrée repliée sur ses drames existentiels pour ouvrir ses portes à un monde impatient de contempler ses richesses. Alors ? L’Algérie ? une bombe à retardement ? Seulement si les Algérien.nes le veulent. Faute de s'être préparés à la relève, le risque est, en effet, grand de voir une partie de la jeunesse chercher un avenir ailleurs, attirée par ce qui reste du mirage européen, formant cette fois une vague migratoire autrement plus submersive que les précédentes. Une telle éventualité risquerait de remettre en cause les équilibres géopolitiques de la région, générant des tensions redoutables.
Réélu ou pas, Bouteflika ne lâchera pas le pouvoir, du moins pas tout de suite. Le tout sera de gagner du temps pour passer le témoin à celui que le clan choisira pour convaincre le peuple qu'il n'y a plus rien à voir. Mais patience, cela ne durera pas toujours, la fin de l'hiver n'a jamais été aussi proche.     

jeudi 21 février 2019

Gilets Jaunes, le jour du soleil noir


Le billet du jour d’un planton des Gilets Jaunes


La route en toute liberté
Finis les 80km/h, finis aussi les 90km/h
D'aucuns même ont rajouté un 1 devant le 80.
Retour à Mazamet 1972 ?
Dans mon département, plus aucun radar ne flashe les excès de vitesse. On y retrouve la griserie des années 60 avant l’apparition des panneaux de limitation. On peut même dire que ça décoiffe sur la Minervoise. 
Dans mon pays, en ce moment, tout est permis. On manifeste où on veut, quand on veut, on peut régler leur compte aux élus, on peut balancer n’importe quoi sur les réseaux sociaux, on peut mettre le feu à des palettes un peu partout, c'est l'impunité la plus totale. On peut même frapper la police si çà nous chante. A l’arrivée, nous n’avons rien à craindre, tout juste une petite remontrance, voire un petit sursis, pas plus. Pourvus que ça dure, qu’est-ce qu’on s’amuse. Il suffit de mettre un gilet jaune, de crier « Macron Démission » et vous êtes le nouveau roi du pétrole. Il y a en a qui disent qu'on ne nous écoute pas mais c'est de la pure tactique. Ils disent eux-mêmes qu'ils mentent pour la bonne cause. Depuis trois mois,  plus on en demande et plus on nous l’accorde, à quoi bon s’arrêter en si bon chemin.

Il n’y a qu’une chose qui ne va pas aussi bien. Aux ronds-points, ce ne sont plus les mêmes qu’au début. Il y a des nouveaux. Ceux-là, au moins, ils savent ce qu’ils veulent. Ils ont une stratégie. On les écoute. Ils parlent de lutte armée, de maquis, de coup d'état. Ils veulent nous tester mais comme on est là depuis le début, on ne veut pas passer pour des pleutres, on ne lâchera rien. Ils peuvent compter sur nous. D’accord avec eux, il est temps de renverser le gouvernement. On va y arriver. D’ailleurs les sondages sont là. Les Français sont derrière nous en majorité. Macron n’a donc plus aucune légitimité. Virons-le.

Alain Finkelkraut, philosophe et académicien
Adepte de la polémique, se singularisant par un argumentaire sans complaisance
 il s'est souvent heurté à la pensée dominante du moment, se faisant
des ennemis aussi bien à gauche qu'à droite.
Humaniste critique, excellent débatteur il anime tous les samedis sur France Culture
son émission Répliques, à ne rater sous aucun prétexte
Sauf que samedi, ça ne s’est pas passé aussi bien que prévu. A Paris, ça a tourné au vinaigre. Des violences ? Non, des mots. Juste des mots, ça ne doit pas être aussi grave qu’ils le disent. Finkelkraut, l'académicien, insulté par des Gilets Jaunes. Et alors, ce gars-là fait partie de l’élite, c’est un bourgeois, en plus c’est un provocateur, bien fait pour lui après tout. Comment ? Un des types qui l’injurient, un islamiste ! Pas possible. Il faut vite aller voir les images, c’est forcément un complot, on nous ment. Un islamiste en gilet jaune ? Vraiment, ce gouvernement ne sait plus quoi inventer pour discréditer le mouvement. Après l'attentat de Strasbourg, on a compris que Macron (il n'a pas de prénom) et ses barbouzes étaient prêts à tout pour faire diversion, quitte à accuser à tort l’Etat Islamique d’être derrière tout cela. Chacun sait que Daech c’est fini, alors cette histoire de terroriste au Marché de Noël, c’est vraiment prendre les gens pour des naïfs.

A la télé, ils repassent en boucle les images d'un homme barbu qui profère des insultes à l’égard d’Alain Finkelkraut. Il porte un gilet jaune. Ils sont plusieurs à s’en prendre au philosophe. Là, c’est grave ! Qu’est-ce qu’on entend ? « Sale sioniste de merde, retourne dans ton pays, la Palestine, c’est l’enfer qui t’attend, Dieu te punira, on est chez nous, la Palestine »…
Mais c’est quoi ce délire. A lui tout seul, ce type bouffi de haine est en train de tuer le mouvement. Il signe en direct la mort des Gilets Jaunes. C’est le pire qui puisse arriver. On est confronté d’un coup au pire antisémitisme qui soit, même Dieudonné sait se tenir à carreau dans la rue. Mais ce n’est pas croyable, cet individu, brandissant un keffieh de fedayin, s’en prend violemment à Finkelkraut au nom de l’islam avec un gilet jaune sur lui. Pire, il s'appelle lui-même Benjamin, tout comme Nethanyau, on nage en pleine absurdie. Parti comme c’est, il n’y aura pas d’acte XV, il n’y aura plus rien. 

Ingrid Levavasseur
"Dans la tire qui mène au Palais Bourbon, vous deviez savoir qu'il faut jouer
des coudes
Les Gilets Jaunes et les fans de Drouet
vous coinceront Ingrid
dans la nuit européenne".



On les entend d’ici, les Macronistes. Ils vont en profiter pour condamner les Gilets Jaunes, tous des antisémites ! des salafistes ! Bien sûr que c’est une minorité. Mais à force de dire que les casseurs sont une minorité, que les homophobes sont une minorité, que les racistes sont une minorité, tout cela finit par faire une majorité. Et maintenant, c’est au tour d’Ingrid Levavasseur de se faire traiter de « sale pute », elle, un des symboles du mouvement. Déjà que sur les réseaux sociaux, cela fait un moment que ça dérape, maintenant on ne se cache même plus derrière un pseudo pour cracher de la haine.

On s’est fait infiltrer par des voyous, des extrémistes ultra-dangereux. On va tout perdre à force d’en avoir trop voulu. Macron peut dire merci aux islamistes, ils lui sauvent la mise, malgré eux. Quant à nous, si on continue à ce rythme, on ne sera plus seulement assimilés à une secte comme le prétendent déjà certains mais c’est tout le mouvement qui passera pour une sorte de Jihad Jaune. Rien de moins qu’un sabordage en règle, un affreux soleil noir. Il est peut-être encore temps de participer au Grand Débat sans quoi dans un mois, l’histoire de France parlera des Gilets Jaunes au passé.


Les Gilets Jaunes attaquant un fourgon de police
Tout juste une minorité
Il est sur qu'avec 41 000 manifestants dans toute la France, on est face à une minorité
Et voilà que ce n'est pas fini, c'est à présent la goutte d’eau qui fait déborder le vase, mais dans l’autre sens, cette fois. A Lyon, un fourgon de police caillassé en direct par des Gilets Jaunes. Une jeune femme flic au volant avec son collègue qui filme tandis qu’on voit les pavés qui s’écrasent contre les vitres. Cette fois, c’est trop, je raccroche. On va encore dire que ce ne sont pas de vrais Gilets Jaunes, que c’est une minorité. Ils commencent tous à me gonfler. Ils veulent tuer du flic, c’est ça ! Ils veulent la guerre. Et bien moi, je déserte.

Et les radars pourront de nouveau à fonctionner. Tout ça pour ça ! On aura quand même vaincu la Taxe Carbone. 

dimanche 17 février 2019

La ligne jaune est franchie

Qu'est-ce qui s'est passé? Rien de grave, il n'avait qu'à pas se trouver sur la route des Gilets Jaunes.
Et qui va payer? Vous, bien sûr. Ceux qui ont fait ça sont tous insolvables.

Pas de député ! Pas de président ! Voilà ce que les Gilets Jaunes ou les paramilitaires masqués qui viennent s'ajouter à leurs rangs ont inscrit sur les murs de la permanence du député du Mans, Damien Pichereau. Damien Pichereau, un fils de paysans, juste titulaire d’un baccalauréat, représentant de commerce, député depuis 2017 comme beaucoup de gens de la société civile qui sans appartenir à l’élite ni à la bourgeoisie se sont lancés en politique avec l’espoir de contribuer à la modernisation de la France. Seulement voilà, le fait qu’il ait été élu fait de lui, selon la nouvelle norme imposée par les Gilets Jaunes, un ennemi du peuple et un pourri à abattre. 
Ces gens là sont décidément tombés dans une forme de délire narcissique à tendance paranoïaque. Il est tout juste temps que ce cauchemar s’arrête et que le pays reprenne sa marche. Plus la pratique du chaos va crescendo, moins elle séduit la foule. Elle a aussi lassé l'opinion qui juge qu'il est temps, à présent de remiser les gilets au clou. Les désertions dans les rangs du mouvement montrent bien qu'ils sont nombreux à s'être rendu compte des dérives dangereuses du discours d’aujourd’hui, bien loin de ce qu'il était à l'origine. 


Christophe Chalençon : "on a des paramilitaires prêts à s'emparer du pouvoir!"
On a compris que certaines officines, peut-être extérieures à la France, se sont infiltrées au sein du mouvement et que ce sont elles qui en tirent à présent les ficelles, visant à créer une situation insurrectionnelle dans la perspective d'un coup d’état. Un porte-parole des Gilets Jaunes, Christophe Chalençon, habitué des plateaux télé ne se cache même pas pour réclamer la guillotine pour Macron l’usurpateur, annonçant que les paramilitaires sont prêts à s’emparer du pouvoir. Il évoque un climat de guerre civile, une situation explosive. Il parle même de prendre l’Elysée d'assaut et de liquider ceux qui l’habitent.
Il en est un autre, Eric Drouet, un leader si sûr de la médiatisation dont il jouit auprès des réseaux sociaux grâce à ses vidéos à l’adresse des petits cerveaux, qu’il n’a de cesse d’appeler au soulèvement général. Il s’est même plaint dans un de ses derniers tweets de la mollesse de ses partisans, insistant sur l’urgence de destituer Macron. 
Il y a aussi Maxime Nicolle, aka « Fly Rider » (mdr) qui, après avoir appelé à prendre les armes joue à présent les « chochottes » en portant plainte parce qu’il ne pourrait plus manifester. Il y a vraiment de quoi rêver. Qu’il aille voir ailleurs comment ça se passe quand on en appelle à la violence. 

Au moment où des dizaines d’élus sont menacés de mort, voient leurs maisons taguées d’insultes, dégradées ou en partie incendiées, ce sont ceux-là mêmes qui ont mis le feu aux poudres qui vont maintenant se plaindre qu’on les empêche de déverser le chaos. Et ne voilà-t-il pas que la France Insoumise, si empressée de comprendre qu’on puisse réclamer la tête de Macron, chose, selon elle, des plus légitimes s'agissant d'un vulgaire imposteur, persiste et signe demandant, à, présent, que l'on accorde le pardon aux coupables.

Ivres de la violence auxquels ils s'adonnent avec une forme de délectation, nourris de l'arrogance que leur permet l'effet de meute, les Gilets Jaunes sont devenus la parfaite illustration d’un mouvement néofasciste composite se reconnaissant au gré du vent dans les discours d’ultra-droite ou d’ultra-gauche, considérant la démocratie comme un mal à conjurer. Il est nécessaire selon eux d’éliminer (physiquement si nécessaire) tous les élus afin de les remplacer par une gouvernance directe du peuple, entendons-nous, de représentants choisis à main levée, dans leur ensemble les figures de proue de l’insurrection ou les plus conformes à l’idéologie qu’ils revendiquent.


Question à 1 Euro : en quoi le pouvoir du peuple est-il différent de la démocratie,
un mot venu du grec qui signifie "le pouvoir du peuple"
Le Grand Débat a constitué l’ultime tentative du pouvoir pour renouer avec le dialogue entre Français. Apparemment, c’est trop tard. Les Gilets Jaunes ne supportent pas le débat, qu'ils voient comme du bla-bla. Selon leur doctrine, il ne doit exister qu’une seule voix, celle de la haine, de l'invective, de l'anathème, le tout téléguidé avec une discrète complaisance par la grande muette, non pas l’armée mais Marine la blonde. Elle envoie ses sbires faire le coup de poing et compte les points, engrangeant pour un avenir qui, décidément, lui sourit de plus en plus.


Le philosophe et académicien Alain Finkelkraut insulté par un
Gilet Jaune islamo-gauchiste
La fin des temps n’a jamais été aussi proche pour la démocratie française. Il suffit pour cela de regarder les images télé montrant l’Académicien Alain Finkelkraut pris à partie par des Gilets Jaunes visiblement très en phase avec le discours islamo-gauchiste de la France Insoumise. La scène filmée est d’autant plus choquante qu’en tant qu’habitué de France Culture et de sa formidable émission Répliques, je trouve à titre personnel, stupéfiantes les injures antisémites des Gilets Jaunes à l’égard d’Alain Finkelkraut, au nom de la Palestine. Le discours de l’extrême-gauche n’a pas évolué depuis la restauration de l’état d’Israël mais le voilà qui s’installe ouvertement dans la rue, crachant sans retenue sa haine profonde de l’Amérique capitaliste considérée comme le socle du complot juif international. Elle peut toujours inverser les rôles et justifier ce qu’elle appelle opportunément de l’antisionisme par son soutien au peuple palestinien, mais cela n’est rien de plus qu’une formule. La cause palestinienne, en fait, elle s’en moque. On comprendrait d’ailleurs mal, en effet, comment l’extrême-gauche pourrait se sentir proche d’un mouvement islamiste radical comme le Hamas qui se sert de femmes et d'enfants comme boucliers humains, à moins que ce ne soit rien d'autre que du cynisme. Ce qui unit, en fait, ce petit monde n’est rien d’autre que son antisémitisme idéologique, le rejet des juifs et de tous ceux qui prennent leur parti, quels qu'ils soient. Dans ce registre, la France Insoumise ne manque pas de culot en demandant l’amnistie pour des gens qui, déjà non contents de montrer qu’ils ne respectent pas leur pays, s’en prennent aussi à ceux qui en assurent le rayonnement de par le monde. Quand on pense qu’Alain Finkelkraut avait de la sympathie pour les Gilets Jaunes, qu’il avait soutenu leurs revendications. « Nobody’s perfect ».


la "parka" jaune,  histoire de prendre un peu de hauteur
On peut dire, au terme de l’acte XIV que la ligne jaune est bel et bien franchie. Il ne faudrait tout de même pas que la 5ème République connaisse le destin tragique de la République de Weimar. Prenons garde à ce que la doublure du jaune ne se révèle pas d’une nauséabonde couleur rouge-marron. Nous sommes plus près des couleurs de la fange que de celles de la France.

P.S. Les Gilets Jaunes étaient 41 000 à manifester en France le 16 février tandis qu'ils sont 4 000 000 de Français à partir faire du ski pour les vacances. C’est bien là le paradoxe.

mercredi 13 février 2019

Ainsi cassent, cassent, cassent, les petites marionnettes!



Si l’on excepte les soulèvements qui ont affecté les cités des banlieues à l’automne 2005, les manifestations des Gilets Jaunes s’accompagnent d’une violence inaccoutumée, telle qu’on n’en avait plus vu en France depuis au moins 50 ans. Certains se souviennent de mai 68 et des barricades érigées au Quartier Latin mais la comparaison ne va pas bien loin. Mai 68 fut en effet autant marqué par les heurts entre étudiants et CRS que par la Grève Générale qui a bloqué pendant près d’un mois toute l’activité économique du pays. 
Ce furent aussi dans les rues plusieurs centaines de milliers de manifestants, salariés, ouvriers, fonctionnaires, gens des syndicats, gens de universités avec à l’appui des slogans réclamant de l’air à une société empêtrée dans ses codes d’avant-guerre. Rien à voir avec les quelques dizaines de milliers de Gilets Jaunes qui se rassemblent chaque samedi, bien loin de la mobilisation générale que revendiquent leurs leaders au travers de leurs vidéos. 
Mai 68
A l'époque on ne pillait pas les magasins. Il  y avait, pourtant, beaucoup
de monde dans la rue

Né dans les campus étudiants parisiens à la faveur de manifestations contre la guerre au Viet-Nam, le mouvement du printemps 68 se propagea comme une traînée de poudre. La jeunesse brûlait d’impatience de se libérer du carcan que lui imposait la vieille génération, en ce temps où la majorité était encore à 21 ans. C’était l’ère de ce que les parents appelaient la musique de sauvages, des Stones mais aussi du Flower Power, des mini-jupes, du printemps de Prague et du col mao.  Nul n’a, depuis, oublié les noms des figures emblématiques de la contestation dont Daniel Cohn-Bendit, Dany le Rouge, bête noire du pouvoir d’alors.

50 ans plus tard, les jeunes soixante-huitards ont, dans l’ensemble, pris leur retraite. Le rock a fait place à The Voice, les mini-jupes ont été rallongées de 30 cm et Mao bel et bien enterré. La génération du baby-boum a pris le pouvoir, en effet, mais le rêve s’est dissipé car le monde n’a pas suivi la marche attendue. Les deux blocs qui séparaient le monde par un rideau de fer ont été absorbés par la mondialisation sans pour autant répandre sur le monde la paix et le bonheur. D'autres idéologies ont, en revanche, surgi, encore plus radicales, plus terrifiantes. De nouvelles technologies sont apparues, bouleversant le quotidien de chacun d’entre nous, nous autorisant à communiquer dans la seconde avec la planète entière tout en faisant de nous les esclaves d'un écran tactile, incontournable miroir aux illusions. Le XXIème siècle dont on espérait naïvement qu’il ferait oublier toutes les horreurs commises lors du siècle précédent allait pourtant d’emblée imposer son empreinte un certain 11 septembre, annonçant à la manière d’un film catastrophe que le pire restait à venir.

A gauche la vraie manif des Gilets Jaunes
A droite ce qu'on vend sur Facebook comme la manif, sauf qu'il s'agissait
d'un rassemblement des supporters clermontois en mai 2017
Ce siècle n'a encore que 19 ans mais il révèle déjà combien l’aventure humaine reste un cheminement incertain entre chimère et chaos. La philosophie des Lumières, celle des Rousseau, Locke ou Lessing, marque le pas devant la poussée de l’obscurantisme et du négationnisme. Et comme si cela ne suffisait pas, les théories complotistes et conspirationnistes les plus alambiquées viennent à présent systématiquement se coller à l’évènementiel, manipulant à qui mieux mieux les esprits fragiles dans le but de promouvoir une vision du monde fondée sur la hiérarchie discriminante des races et des croyances. On ne veut plus entendre que le propos qui va dans notre sens de lecture. Dans le registre, les réseaux sociaux jouent le rôle d’un amplificateur universel On est passé de la rumeur locale et des querelles entre voisins à l’intox en 3D. Dès lors, tout est prétexte à une remise en cause de la réalité, voire de l’évidence si celles-ci viennent desservir votre doctrine. Tout est passé par le filtre de la fabrique à fake news. Ce qui est blanc n’est en fait pas blanc ; on nous fait croire que c'est blanc mais on nous ment ; celui qui ose prétendre que c'est effectivement blanc n’est que le valet de ceux qui veulent nous détourner de la vérité, en l'occurence le fantasmatique groupe Bilderberg ; le blanc qu’on nous vend cache forcément une autre couleur, le blanc a-t-il même seulement existé  ! C’est Facebook qui l’a dit et tout ce qui se dit sur Facebook est parole d’Evangile. «Ce que tu vois, le ciel, la nature, l'horizon, tout cela n'est que pure illusion, la vérité est dans tout ce que tu ne vois pas  ».

S’il y a complot, c’est pourtant simple, regardez comment s’est opérée la mutation des Gilets Jaunes. Fini le mouvement spontané, l’expression du ras-le-bol des taxes, le soulèvement de la province en souffrance. Qu’il est loin le 17 novembre où toute la France, la laborieuse autant que l’assistée, s’était retrouvé dans les ronds-points pour dire d’une seule voix « Assez de payer, au diable la taxe carbone, ici on n'a pas le métro, c'est l'auto ou la mort. Alors, assez de nous faire crever au nom de la sauvegarde de votre planète (si tant est que la planète aie jamais eu besoin des hommes pour être sauvée ; elle a eu raison des dinosaures, pourquoi devrait-elle craindre les hommes, elle était là avant eux). Le mouvement a capitalisé sur le consensus de popularité dont il a bénéficié au départ pour s’autoriser un grand n’importe quoi. Le gouvernement a plié devant les revendications, mettant pour cela dans le rouge total les finances du pays, ce dont les Gilets Jaunes se moquent en vérité vu qu'ils ne payent pas ou peu d’impôts (un truc réservé uniquement aux riches, si tant est que ceux-ci soient encore fiscalisés en France, rien n’étant moins sûr, cf Carlos Gohn). La courbette de l'exécutif à l'adresse des Gilets Jaunes a eu pour effet de leur faire croire que désormais « le Samedi, tout est permis ». Permis de manifester où on veut, comme on veut, permis de casser, d'invectiver, de mettre le feu, de menacer, de s’en prendre à la classe privilégiée des élus, à leurs biens, voire à leur famille. Permis de s’en prendre aux journalistes accusés d'être à la solde du pouvoir, des collabos comme au temps regretté de la Milice. Permis de s’en prendre aux flics, responsables de toutes les violences, accusés d’agresser de façon délibérée les promeneurs inoffensifs venus là pour emmener les enfants au manège, et de les avoir sauvagement mutilés. En conclusion, images à l’appui, la France basculerait dans le totalitarisme (dixit Jean-Luc Mélenchon), devenue un état policier, fascisant, sans considération pour la voix du peuple (quel peuple ? celui des 60000 excités qui foutent le bordel ou les soixante six millions restant!), un pays où il fait mal vivre, comme dit Maxime Nicolle, qui faute d'avoir été suivi lorsque'il a appelé à prendre les armes ne cache plus son envie de fuir vers de meilleurs cieux, le Donbass ou le Minas Gerais probablement.

Russia Today
plebiscitée par les GJ pour son objectivité
Et pendant ce temps, pendant que la haine se déverse en toute anonymat sur Internet, les chaines d’information aussi bien radio que télé sont là, relativisant, justifiant les exactions, cherchant à minimiser, trouvant même de bons prétextes à la violence. Leur discours tragiquement complaisant envers les fauteurs de trouble, par crainte probable de représailles en dit long sur l'incapacité d'une démocratie comme la France à juguler un mouvement qui, parce qu'il jouit d'une certaine popularité dans l'opinion, se permet allégrement de franchir la ligne rouge. Comble de mauvaise foi, c'est encore aux médias que l'on reproche de tronquer l'information en fabriquant des reportages manifestement pas assez élogieux envers les Gilets Jaunes. Il faudrait donc que l'information ne soit plus que de la propagande. Si l'on écoute les Gilets Jaunes, ils ne jurent plus que par Facebook où ils se passent tous la brosse à reluire, ne supportant plus aucune info qui n'aille pas dans leur sens. On croit rêver ! Il est donc devenu impossible dans ce pays d’appeler un chat un chat sans se faire un tombereau d'ennemis, tous des trolls sans nom mais excités à l'idée de voir une tête tomber en place publique .
Frottez-vous un tantinet aux Gilets Jaunes en les retrouvant dans les baraquements où vous êtes invités à parler avec eux des revendications citoyennes. Le RIC, la panacée, le pouvoir de dire non à tout érigé en mode de gouvernement. Pas de projet mais le couperet ! Si vous souhaitez discuter avec les Gilets Jaunes sans leur faire allégeance, allez-y bien masqués car si jamais vous êtes soupçonné d’un quelconque soutien au Président, vous vous retrouvez viré manu militari du débat au cri de « Connard, traitre, collabo, suppôt des Juden, tu vas voir…., fais attention à toi, on sait comment tu t’appelles…t’es mort ...» Dans les repères des Gilets Jaunes, on vote Le Pen et personne d’autre. Le gaucho Mélenchon a beau faire la danse du ventre pour en récupérer une partie, c’est Marine qu’il leur faut. Anti-Europe, anti-immigration, anti-élite, anti-musulman, anti-juif, anti-progrès, anti-démocratie, anti-parlementaire, le programme du RN dans toute sa splendeur. Que du bonheur ! Avec ça, la France peut y croire ! Forza Rossia !

Pendant ce temps, les manifestations s’enchaînent avec de moins en moins de participants mais un bon goût de sang comme autrefois parmi les Croix de Feu. La satisfaction des revendications ne suffit plus, une étape a été franchie. Le mouvement compte à présent profiter des faiblesses inhérentes à toutes les démocraties en proie à la violence, pour créer une situation insurrectionnelle permanente et renverser le pouvoir en place à, l'avantage  de l’unique parti susceptible de remettre de l’ordre. Inutile de faire un dessin. « Maréchal, nous voila !!! » Marion, Steve ! Der Sieg des Glaubens ! Le Juif Süss ! Leni Riefenstahl ! le Dutzendeich ! A bas l’Europe des banques, Rotschild, Fugger, Morgan Stanley !

Berlin années 30
Faudra-t-i revoir ça un jour?
C’est étrange, mais cette situation, on en a connu les prémices dans l’Allemagne des années 20. A cette époque, un certain Adolf Hitler, intellectuel au rabais, peintre sans succès, avait fait de ses frustrations une idéologie vengeresse, imaginant pour s’en convaincre la supériorité d’une race dite aryenne dont la mission eut été de dénoncer le complot juif visant à se servir de l’humanité pour réclamer sa livre de chair. Son parti s’est signalé par un enchaînement effréné de violences antisémites, avec pour cible, la finance internationale, n’hésitant pas à « faire le coup de poing », s’en prenant aux personnes et aux biens jusqu’à tuer, profitant surtout de la faiblesse de l’Etat pour jouir d’une véritable impunité. Stratégie gagnante au bout du compte car le NSDAP, l'archétype du bon vieux parti d'extrême-droite en quête de respectabilité, est arrivé au pouvoir par l’intimidation et le complotisme. Malgré la défaite finale du national-socialisme, le contexte n’est pas si différent aujourd’hui. La France a, en effet, été confrontée depuis 30 ans au plus grand désastre industriel jamais imaginé. Un drame pourtant presque passé inaperçu du fait des amortisseurs sociaux sans lesquels les effets de la crise auraient été cent fois plus dévastateurs qu’en 1929.  Merci à l’Euro d’avoir maintenu, malgré les écarts Nord-Sud une stabilité économique entre états, faute de quoi c’eût été la fin dite « des haricots ».

Phénomène cependant endémique à la France : le chômage. Enfin si l’on veut, parce qu’on connaît la recette miracle, gage de paix sociale : un taux d’indemnisation conséquent et durable. Le choix est coûteux et payant à la fois même s’il plombe les finances de l’Etat. Mais que ne ferait-on pas pour quelques voix de plus. A l’arrivée, on n’est pas loin du mur mais ça tient encore. La part contributive de l’Etat ralentit l’économie faute de servir de levier à une dynamisation de l’emploi. De toute façon, le travail intéresse peu et paye mal. Alors à quoi bon ! Il vaut mieux que les gens restent chez eux plutôt que de descendre dans la rue.

Reste la baisse ressentie du pouvoir d’achat ! Un problème de faux riches ou de vrais pauvres ? Mais un problème, en somme, qui profite bien aux opportunistes, à ces bras raccourcis de la politique qui n’espèrent qu’un chose, l’échec de la France. Ils en ont fait leur fonds de commerce mais prennent garde à ne pas accéder au pouvoir, tant ils savent que leurs recettes ne sont que de la poudre de Perlin Pinpin.

Les bras raccourcis de la politique ? Inutile d’aller les chercher très loin. Il suffit de regarder, selon le vieil adage, à qui profite le crime. Malgré toutes les gesticulations et les débats qui s’organisent ça et là, le gouvernement ne parvient pas à juguler l’incroyable complaisance médiatique dont bénéficient les Gilets Jaunes. Paradoxe ! Plus les Gilets Jaunes détruisent, plus ils brûlent, plus ils sapent les bases de la République, menacent ses élus de mort, s’il le faut, plus les médias les excusent, prétextant que toutes les exactions ne sont pas le fait des Gilets Jaunes, tous des saints, mais de minorités non identifiées. J’ai envie de dire : allez-y les Gilets Jaunes, foutez le feu partout, les médias sont derrière vous !  

Merci les GJ
Continuez comme ça.
Surtout ne dites rien de mal sur les Gilets Jaunes, ce n’est pas leur faute s’il y a des violences; ce n’est pas leur faute si les flics leur tirent des grenades en pleine figure; ce n’est pas leur faute si on tague des propos haineux ; ce n’est par leur faute si tous les samedis on casse et on fait l’apologie de l’antisémitisme, salut de Dieudonné à l’appui. La France est devenue un pays raciste et homophobe mais surtout, ne dites pas que les Gilets Jaunes sont mêlés à ça. Il y a des gays et des juifs parmi les Gilets Jaunes ! Alors, qu’ils tiennent bon parce que dans les ronds-points (ou ce qu’il en reste) c’est Marine puissance 10. La moindre allusion à Macron enclenche un tollé de cris injurieux tandis que le seul nom de Marine génère l'adhésion et l’admiration.

Le Rassemblement National compte les points. Ses sergents recruteurs sont là, bien en place pour faire passer leurs idées auprès des indécis, les persuadant que seul un changement de régime peut répondre à leurs problèmes. Encore mieux que les imams dans les prisons, les émissaires du Rassemblement National savent user du bon discours pour séduire les âmes en peine, leur garantissant des lendemains qui chantent, une retraite heureuse et un compte en banque garni, grâce à la fin des allocs et de l’AME aux clandestins.

L’immigration, parlons-en. Que celui dont les ancêtres n’ont jamais immigrés jette la première pierre. Nous sommes tous des immigrés, Gaulois, Francs, Burgondes, Wisigoths, Normands et autres, tous refondus dans la creuset de l’intégration. Pourquoi en serait-il aujourd’hui autrement?
Cela me rappelle au passage, qu’en 2001, Steven Spielberg a imaginé dans Intelligence Artificielle, un film étrange et visionnaire, la ville de New York déserte, à moitié recouverte par les glaces. Et si, un jour, les Européens devaient migrer vers l’Afrique pour échapper à un terrible refroidissement climatique? Le début d’une nouvelle colonisation ou l’avènement d’un monde plus solidaire ? Plus surement une guerre exterminatrice, « On n’aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire…. On aurait pu vivre plus d’un millions d’années.» Tel est le destin tragique des humains.......

samedi 9 février 2019

Ne nous trompons plus de combat

Une brève histoire des révoltes populaires imaginée par Frédéric Deligne

Le mouvement des Gilets Jaunes vient de confirmer, une fois de plus, les maux semble-t-il incurables de la société française. Nul ne contredira, cependant, que cette révolte des territoires est autant une jacquerie paysanne qu’un sursaut de type poujadiste tel qu’on l’a vécu dans les années 50, anti-élus, anti-élites et surtout anti-fiscalité. Non plus une insurrection conduite par des métayers affamés, des charbonniers des bois ou des coureurs de grand chemin, mais d’abord une mobilisation de gens du finage, souvent propriétaires, artisans, commerçants ou salariés, incapables désormais de se projeter dans l’avenir, sauf à se voir déclassés et comble de l’échec, poussés à la rue. Pour ces gens habitués, depuis environ trois générations, à un certain confort de vie, la société numérisée et mondialisée au sein de laquelle ils craignent de ne pouvoir s’intégrer, concentre toutes leurs angoisses.

La ville nouvelle des années 60
Le temps révolu des HLM et du poulet aux hormones
On s’est trop longtemps satisfait du diagnostic selon lequel le problème existentiel de la société française était uniquement lié à la banlieue, à ces cités façon « Pays de l’Est » des années soixante, devenues un univers concentrationnaire réservé aux populations immigrées. En braquant constamment les projecteurs sur les ZEP, ce sont de vastes zones périurbaines, elles aussi en difficulté, qui ont été jetées aux oubliettes ! Plus qu’une bourde politique, nous devons déplorer de nos édiles un manque peu glorieux de clairvoyance malgré la multiplication de signaux faibles. Voilà qui interroge sur la capacité de nos élus, pourtant réputés intelligents, à avoir une vision à long terme, trop accaparés qu’ils sont peut-être par les bobos du quotidien. Comment conjuguer la patience qu’exige la construction d’un projet d’avenir et l’impatience de le voir achevé.

La France lointaine
Alet-les-Bains, ses thermes, son casino, jadis siège d'un évêché florissant
Aujourd'hui, même la gare y est fermée
Au cours de ces dix dernières années, on s’est largement focalisé sur les quartiers « dits » perdus de la république, sur la jeunesse en déshérence de ces mêmes quartiers où règnent en maîtres la pauvreté, le chômage, les trafics et la délinquance. On n’a pas lésiné sur les moyens. Ces quartiers ont avalé des milliards à coup de plans successifs sans pourtant résoudre aucun des problèmes. D’une part parce que, malgré les violences criminelles dont ils sont le corollaire, les trafics rapportent trop pour que la jeunesse retrouve le goût du SMIC et de l’autre parce qu’une idéologie créationniste extrêmement dangereuse a profité de l’échec scolaire de toute une génération pour y semer son venin. Et tandis que les crédits et les subventions pleuvaient à fonds perdus sur les banlieues défavorisées, c’est comme par un effet de balancier que la France des territoires s’est vue vidée de sa substance. Les hôpitaux fermés, les médecins devenus rares, les usines délocalisées, les commerces disparus, la nécessité d’aller jusqu’à la ville pour retrouver les services publics ou au moins une banque et de quoi faire les courses, avec en conséquence l’obligation d’avoir une voiture, une vie à l’arrivée de plus en plus coûteuse. Vivre au pays est redevenue comme aux pires heures de la crise viticole du début du siècle dernier, une lutte pour survivre, en d’autres termes « a struggle for life ». 
Loin de la Silicone Valley, des progrès phénoménaux de l’Intelligence Artificielle, des milliards de valorisation d’Amazon, des voitures autonomes d’Elon Musk ou de la France Insoumise avec ses hologrammes dignes de Star Wars, la question qui se pose pour des millions de Français est de savoir comment on va nourrir les minots quand dès le 20 du mois, la carte bleue est bloquée par la banque.  

Les outils se sont tus. La vie a disparu
Un usine désaffectée dans l'Oise

Mais comment la France qui se vante d'être encore la 6ème puissance mondiale a pu se retrouver dans un tel état de délabrement. La faute à Macron, diront, sans hésiter, ses détracteurs. Sous-entendu parce qu'avant lui, c'était mieux. Il serait plus judicieux de reconnaître qu'il n'est que l'héritier d'un pays qui courait tout droit vers la mise en liquidation.
On a fermé nos usines parce que considérées trop aliénantes pour les classes laborieuses, y préférant un monde coopératif, solidaire, autogéré, égalitaire, un monde prolétarien généreux et altruiste, un monde de Bisounours auquel l'Education Nationale préparait insidieusement nos chères têtes blondes. Préférant l'idéologie au pragmatisme, on a donc détruit, sans même se poser de question, ce qui constituait la vraie force vive des territoires et tout simplement participé à l'éradication de la classe ouvrière. La désindustrialisation accélérée de la France, à la fois incompréhensible pour ses acteurs et dramatique pour toute une population dont elle constituait l'essence vitale, a contribué à faire du pays ce champion du pessimisme que l’on connaît, sans horizon, sans issue. L’usine concentrait certes toutes les aigreurs envers le patronat et l'image que celui-ci renvoyait d'une bourgeoisie hautaine et condescendante mais elle fournissait surtout du travail au plus grand nombre, de l’ingénieur à l’ouvrier spécialisé; elle était un lieu de vie, de fierté même. On travaillait à l'usine de père en fils, de neveu en cousine. Celle-ci constituait le gage de la sécurité familiale, on y passait sa vie, toute sa vie active. Or, on a peu à peu rayé les usines de la carte pour sceller la fin de la dynastie des maîtres de forges. Nos professeurs d'école ont alors crié victoire, proclamant la victoire de l'humain d'abord!. Au bout du compte, … ce qui constituait la manne nourricière d’un quart de la population s’est étiolé, parti ailleurs sous des cieux où l’ouvrier.ère ne coûterait presque rien et ne réclamerait rien.
On ne reprochera jamais assez à nos gouvernants d’alors, que ce soit Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy d’avoir laissé filer à l’étranger des pans entiers de notre industrie, affichant leur impuissance face à la disparition d’emplois vécue comme une fatalité de la post-modernité. On se consolait en imaginant que la France du futur serait d’abord un pays de services, pas fâché de troquer ses cols bleus à des pays de crève-la-faim contre un col blanc bien mieux seyant. En voyant les usines tirer le rideau, on s’est dit que finalement tout cela n’était pas grave tant que l’amortisseur social compensait par des allocations substantielles la mise au chômage ou en pré-retraite. On a de la sorte entériné avec bienveillance les plans sociaux des PME tant elles ne représentaient chacune que quelques centaines d’emploi, ne préférant se mobiliser que pour quelques grands fleurons symboliques. Sauver 1000 emplois d’un coup en injectant des millions s’est avéré effectivement si rentable, en terme politique, qu’on a pu se permettre d’en sacrifier 10 000 autres dans la plus parfaite indifférence.  Pour toute une catégorie de gouvernants se méfiant comme de la peste du secteur privé après avoir été formatée au rejet du capitalisme sur les bancs des lycées de la République, il n’y avait pas péril en la demeure du moment qu’on préservait le service public.  On ne peut aujourd’hui que constater les dégâts. La friche, le terrain vague, la rouille, la triste diagonale du vide ! La France est certes le paradis du fonctionnariat, mais elle n’est plus rien d’autre.
 Franchissez à présent le Rhin pour voir ce qui se passe chez nos voisins. On peut sourire des cartes postales « chromo » où s’épanouissent les géraniums aux balcons des maisons à pans de bois, mais la France n’a pas de quoi être fière. En Allemagne autant qu’en Suisse d’ailleurs, les PME fonctionnent à plein régime, affichant une santé enviable. Patriotisme économique ? Mort de Rire. La responsabilité à l’Etat ? Aux syndicats ? A la culture ? A l’histoire ? Disons simplement qu’en France, on n’aime pas l’entreprise, sauf peut-être quand elle est publique. On ne récolte au final que ce qu’on a mérité avec nos yeux pour pleurer. 

2018 - K-Line a ouvert à St Vulbas (01) un nouvelle usine
de fenêtres en aluminium 
Chers Gilets Jaunes qui pensez que c’est en virant le Président que vous allez ressusciter le rêve français, il est peut-être temps d'atterrir et d'avoir la décence de reconnaître qu’on nous a fait, à tous, avaler des couleuvres depuis des années sans que cela n’ait provoqué de tollé. Vous vouez Emmanuel Macron aux gémonies parce qu'il a, selon vous, usurpé le trône promis à Marine, mais son projet est de tous les politiques celui qui possède une vraie cohérence et une vision. Personne n'en veut mais il est bien le seul à pouvoir redonner de l'élan à l’activité industrielle en France, en y attirant les entreprises étrangères et en y favorisant les investissements. Les autres projets dont celui du Rassemblement  National ne sont que des enfumages électoralistes, des recettes miracle dépendant essentiellement d'un signe du ciel ou d'une bonne combinaison astrologique.
Avec 60 nouvelles usines sorties de terre en 2018, les résultats sont déjà là mais encore trop fragiles pour qu’on puisse dire que le pari a été réussi. Alors qu’il devrait rencontrer une large adhésion tant son ambition est de tirer la France par les cheveux, s’il le faut, du gouffre dans lequel elle s’est précipitée, on dirait que ceux qui se prétendent le peuple cherchent à s’assurer que le chaos est bien là. Ils veulent d’abord un changement de régime, que ce soit une 6ème république ou un nouvel Etat Français, sûrs que tout ira mieux après. Alors, bienvenue au Pays des des Jouets et des désillusions annoncées. Mais à quoi bon se faire autant de mouron, Facebook ne veille-t-il pas sur nous ?  


dimanche 3 février 2019

La France et l'illusoire république idéale


Le Grand Débat a fait ressortir le souhait exprimé par de nombreux Français d’adapter nos institutions afin de les rendre, si c'est encore possible, plus efficaces.
Inutile pour cela d’aller vers une 6ème République comme le voudrait la France Insoumise. Parce qu’une 6ème République ne résoudrait pas plus que celles qui l’aurait précédée l’instabilité chronique dont souffre la France depuis la 1ère.  D’une 6ème, on irait vers une 7ème et ainsi de suite tout en reproduisant à chaque fois les mêmes maux. La France est périodiquement agitée de soubresauts qui en disent, en fait, davantage sur le cours tumultueux de son histoire que sur les remous de son actualité. Contrairement à ce qu’on entend d’ordinaire, il n’y a jamais eu en France de « c’était mieux avant », ni de « bon vieux de temps », c'est tout juste une figure de style de bon aloi. Peut-être qu’en prenant de l’âge, on regarde avec tant de nostalgie les images du passé que même les pires moments deviennent de bons souvenirs. Mais changer de titre ne suffit pas à changer le contenu. En dignes héritiers des Gaulois et de peuples autochtones encore plus antiques dont ils sont pour la plupart issus, malgré le pelliculage des vagues migratoires, les Français se nourrissent de la discorde, préférant les routes sinueuses parsemées de nids de poules aux larges avenues bien tracées où l’on s’ennuie. C’est leur qualité autant que leur défaut. Depuis 1776, les Etats-Unis vivent sous la même constitution et en sont fiers. Les Anglais ont fait leur révolution en 1689 après avoir chassé le roi Jacques II et ne changeraient pour rien au monde leur système de gouvernance. Ne parlons même pas des royaumes scandinaves que l’on cite comme les meilleurs élèves de la démocratie et qui affichent une stabilité à la limite de la provocation. En France, rien de tout cela. On n’arrivera jamais à créer un système de gouvernement durable. Mais pourquoi ? Sommes-nous donc condamnés à faire en permanence la révolution ?

Richelieu, l'Etat avant toit
 Il nous faut peut-être pour cela remonter à Richelieu, le fameux ministre de Louis XIII. Même s'il restait convaincu que "labourage et paturage" étaient les deux mamelles vivrières de la France, ce pays qui n’en finissait pas de se déchirer après plus de cinquante années de guerres fratricides entre Catholiques et Protestants ne parviendrait, selon lui, à la paix que par la coercition. C’est grâce à lui ou à cause de lui, selon le point de vue que l’on adopte, que l’Etat est devenu la machine à broyer toute-puissante destinée à mettre en bon ordre un pays sans cesse secoué par de féroces querelles de clocher. Désormais, la seule voix qui comptera sera celle du pouvoir d'en haut, toute velléité d’émancipation se voyant immédiatement réprimée. Ce sera le temps du grand nivellement, dont l’achèvement permettra, quelques décennies plus tard, à Louis XIV de proclamer « l’Etat c’est moi ». En ces temps où la noblesse provinciale était prompte à contester l’autorité, revendiquant des privilèges hérités de l’époque féodale, l’influence de Richelieu, implacable, voire impitoyable, envoyant à l’échafaud les moindres récalcitrants, détruisant leurs murs et rayant leurs citadelles de la carte, aura refaçonné un pays au nom de la raison supérieure de l’Etat, sans même une once de considération pour son peuple, le grand absent qui, le jour venu, saura se faire valoir, sans pour autant, d'ailleurs, renier le principe de l'Etat "omnipotens". Face aux sautes d’humeurs récurrentes de la Nation, le système Richelieu a instauré la prépondérance de l’Etat en tous lieux et en tous temps, scellant ainsi et pour longtemps, le sort de la France.

La Révolution de 1789 décapitera la monarchie sans toutefois remettre en cause le pouvoir décisionnaire de Paris (ou de Versailles; pour un paysan des Basses Plaines de l’Aude, tout cela, c’est du pareil au même) comme seul et unique lieu où l'on légifère au nom de la France tout entière. On appelle cela le Jacobinisme, du nom d'un couvent désaffecté où se réunissaient, en 1793, les conventionnels qui, de leur estrade, estimaient que ce qui était bon pour Paris, l'était tout autant pour les populations de la Thiérache, de l'Aunis, de la Margeride, de l'Escandorgue, du pays de Sault, de Caux, de Bray,  d'Olt ou d'ailleurs.  Le 19ème siècle ne fera qu'entériner la concentration des pouvoirs au profit de la capitale comme en attesteront les révolutions de 1830, de 1848 et la Commune de 1871. Celles-ci auront totalement effacé des radars le reste du pays. 
Bien que populeuse, multiculturelle, multilingue, La France aura cédé à Paris tous le pouvoirs de décision. Il suffit de regarder la carte du réseau ferré pour comprendre que celui-ci rayonne presque exclusivement à partir de la capitale. Paris a été désigné par le destin comme le cœur, le poumon et le ventre de la France. 
Les années ont passé et les Républiques se sont succédé sans que la problématique ne change. Il y a toujours Paris et la province. Et c’est bien là le problème. Paris symbolise l’Etat et dans un pays aussi centralisé que la France, toute contestation, remise en cause, réclamation, récrimination se concentrent nécessairement sur les organes du pouvoir qui siègent à Paris, uniquement à Paris, nulle part ailleurs en France.

Les temps changent vite, cependant. L’hypercentralisme décisionnel se voit à présent contesté par la transversalité des réseaux sociaux, de nouveaux outils de citoyenneté pour le meilleur aussi bien que pour le pire, sur lesquels le pouvoir ne parvient pas à mettre la main, sauf peut-être en Chine. En Chine ! Si le temps des Maoïstes façon mai 68 a bel et bien disparu, le monstre dont a enfanté leur idéologie de référence, labellisé Parti Communiste Chinois, a survécu, devenu l'hydre qui a infiltré les cerveaux, conditionnant jusqu'à la meilleure façon de penser. On a du laisser filer un épisode de la saga car il y a bien longtemps que Mao ne fait plus rêver personne dans les caveaux du Quartier Latin. L'avait-il seulement jamais cherché? Qu'importe à présent la France pour un riziculteur du Yang Tsé?

Revenons-en au mouvement des Gilets Jaunes. Il vient de démontrer que le cœur de la contestation s’est déplacé. La province, vue de haut depuis si longtemps par Paris se réveille d’un sommeil digne de la Belle au Bois Dormant. Pas ou peu de Parisiens parmi les Gilets Jaunes et encore moins de gens des faubourgs, fait interrogateur s’il en est tant il fut un temps où c'était dans ces mêmes faubourgs que prenaient naissance les insurrections. Où sont donc passés les Gavroche, Marius, Enjolras, Combeferre et autre Courfeyac ?  On monte à présent du fin fond de la France manifester à Paris tandis qu’à Paris, les Parisiens se murent dans leurs immeubles hausmanniens de crainte d’être contaminés par le virus de la rusticité bouseuse. 

Représentant en mission
Un costume de carnaval pour cacher les zones d'ombre
d'une entreprise génocidaire
Moins troublant qu’inquiétant, voilà la preuve d’un divorce bien réel entre tout ce que peut représenter la capitale en matière de pouvoir, d’autorité, de cécité et de surdité face au sentiment d’abandon qu'expriment ceux qui vivent au-delà de l’Ile-de-France. Paris a pu représenter le peuple il y a deux cents ans mais ne représente plus aujourd’hui que l’Etat. Dans ce pays aux paysages d’une beauté féroce, sublime parfois, on ne s’attarde plus à contempler les vielles pierres et les landes escarpées, tant le mal de vivre y est criant. 
Mais là encore pourquoi ? Richelieu, encore et toujours lui. En voulant imposer coûte que coûte la puissance écrasante de l’Etat central sur ces provinces à la nuque raide, il a instauré un système qui uniformise, nivelle, sans aucun respect pour la diversité qui, au contraire, alors qu’elle formait le creuset de la nation, aurait pu être son atout maître pour l’avenir. Robespierre et son Comité de Salut Public ont certes tranché la tête d’un roi mais ils n'ont fait que renforcer le système. Paris a été confirmé comme le seul lieu où se trace l'avenir du pays. Chargés de porter la bonne parole, les représentants en mission, imbus du mépris que leur inspirait la province inculte et superstitieuse, ont cru que leur prérogative leur permettrait de se comporter en criminels sous prétexte d'être vêtus comme des héros d’opérette. Ils ont surtout affiché un mépris insolent pour les populations, persuadés d’être les représentants du vrai peuple. De quel peuple, en fait ? Du peuple de Paris, assurément, mais pas de celui de Lyon, de Marseille ou de Nantes. Le mépris, voilà ce que la province ressent depuis plus de deux siècles à l’égard de ses gouvernants. Ce sentiment d’infériorité qu’éprouvent les gens du terroir face aux intellectuels BCBG qui habitent les beaux quartiers du West End parisien, a depuis l'avènement des Gilets Jaunes, comme du plomb dans l’aile. Juste retour des choses. On se moque moins des péquenots du Quercorb et des petites caissières du Razès. Les réseaux sociaux leur ont permis de donner de la voix. Et quelle voix ! On ne les arrête plus.

Une mesure passée en force
Péché de jeunesse d'un gouvernement qui pense qu'on peut faire le bonheur du
peuple malgré lui
Leçon n°1 : On n'impose pas le bonheur à son peuple
Les 80 km/heure sont, à titre d’exemple, le dernier exemple en date de l’autoritarisme bien pensant du pouvoir central. Sous prétexte qu’à Paris, on roule à 70 sur le Périf, il n’y avait pas de raison qu’on aille plus vite sur la Minervoise ou la D 118 reliant Carcassonne à Perpignan. Or, le message n’est pas passé. Ce n’est pas de Paris qu’on va décider de ce qu’on vit chaque jour à 800 km de là. Ce n’est même pas le fait de la mortalité, tout le monde souhaite voir moins de morts sur les routes mais il s’agît d’une question de méthode. La voiture en province, c’est tout simplement l’assurance de ne pas crever entre ses quatre murs, sans facteur, sans épicier, sans école, sans médecin. Messieurs et Mesdames du gouvernement, si vous voulez priver les habitants des Corbières de leur bagnole, installez-leur le tramway. Non ? Ça coûterait trop cher ! Alors réduisez leurs impôts puisque vous ne pouvez pas leur garantir le maintien des services publics ! Non plus ?  Alors, arrêtez de les emmerder et filez leur l'indépendance. Il n'y a pas de raisons pour qu'ils payent pour les autres ce qu'on ne peut leur offrir. Après tout, qu'ils se proclament indépendants ne serait pas la pire opportunité, au point où ils en sont. Ils ont déjà l'autonomie énergétique, pourquoi pas l'indépendance politique. Cela ne se fera pas, tout simplement parce que Paris a plus besoin de ses territoires que l'inverse.

Il semble enfin que le message des ronds-points soit arrivé jusqu'aux palais de la République. Il était temps. Il n’était, en effet, pas nécessaire d’être un analyste politique pour comprendre que les Gilets Jaunes roulent en majorité pour le Rassemblement National. Il suffit pour cela de voir comment sont traitées les rares brebis égarées qui oseraient former une liste dans la perspective des prochaines Européennes. Bombardées d’insultes et de menaces en tous genres, elles renoncent les unes après les autres, conscientes de ne pouvoir résister au formidable rouleau-compresseur d'une extrême-droite qui tient là la chance de sa vie. On 'est rendu compte, au passage, que les territoires oubliés de la République sont d’abord pour elle un réservoir de voix. 

Il n'est pourtant pas nécessaire de se laisser piéger dans la nasse des extrêmes pour penser à la façon de faire évoluer nos institutions en s’inspirant, une fois n'est pas coutume, du modèle américain. Nous disposons en France de deux chambres, les Députés et les Sénateurs. Comme tout ce qui se fait dans ce pays, on ne comprend pas à quoi servent les uns et les autres. Le Général De Gaulle a voulu supprimer le Sénat mais le référendum qu’il avait organisé à ce propos s’est soldé par un non. Donc, les Français ont préféré conserver le Sénat et virer leur président. Mais à quoi donc sert le Sénat ? A peu de chose, il ne sert qu’à faire diversion tant il n’a aucun pouvoir sur rien. Cette chambre coûteuse n’a en l’état guère d'intérêt.

Le Sénat, la chambre des territoires
2 sénateurs par département, pour Paris comme pour la Lozère
Le bicamérisme paraissant toutefois inhérent aux démocraties, si les Députés représentent leur peuple en nombre, le Sénat (et c’est là la leçon américaine) est censé représenter les territoires.  aux USA, ce sont les Etats mais imaginons en France que ce soient les départements: ils sont deux sénateurs par état aux US, ils pourraient être deux sénateurs par département en France, de la Seine Saint Denis à la Lozère, soit 200 sénateurs. Peu importe la population, il n’y a plus de métropoles hyper-représentées et de départements perdus, il y a juste un respect et une juste égalité territoriale. Elus pour 6 ans, renouvelés par tiers tous les deux ans, le rêve en somme !
Quant aux députés, imaginons un élu pour 150 000 habitants, deux mandats au plus de cinq ans chacun, une chambre renouvelée par moitié tous les 30 mois, une façon de réduire d’un tiers le nombre d’élus et surtout de procéder à une élection à mi-mandat tel un juge de paix pour le président. Attention toutefois à ce que l’élection reste encore attractive, faute de quoi la démocratie s’éteindra d’elle-même par manque de candidats, laissant la place à tous les populismes. On veut bien comprendre que les Gilets Jaunes estiment que les élus devraient exercer leur mandat à titre bénévole mais cela suppose en contrepartie qu’ils renoncent eux-mêmes à la CAF et à Pôle Emploi. Le feront-ils ? Non, bien sûr ! Devra-t-on-en conclure que ce grand mouvement citoyen n'aura été qu'une autre Journées des Dupes pour ne pas dire une farce. Telle est parfois la France, un pays en trompe l'oeil, tout en promesses, des promesses, toujours des promesses. Et comme disait un ministre haut en couleur "les promesses n'engagent jamais que ceux qui les croient".

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