lundi 3 décembre 2018

Gilets Jaunes, l'ivresse de la colère


Malgré toute la sympathie qu’a suscitée cette protestation issue de la France périurbaine, exprimant un fort ressentiment à l’égard d’un pouvoir central qui ne s’intéresse à elle que pour la taxer, l’honorant le reste du temps du mépris que peuvent avoir ceux d’en haut pour ceux d’en bas, la radicalisation de ce mouvement risque de virer au péril jaune.

C’est, à l’origine, une hausse de quelques centimes des carburants qui a mis le feu aux poudres. Nos chères élites gouvernementales ont péché par orgueil, persuadées que les Français allaient, sans broncher, courber l’échine sous le joug de la fiscalité écologique, annoncée comme vitale. C'est raté. Car par delà la nécessaire transition écologique, l’essence n’est pas un luxe pour le monde rural, elle est simplement vitale. C’est peut-être paradoxal, mais c’est ainsi. Faute de transports en commun adaptés, voire en l’absence totale de transport public, la voiture est indispensable à tous les déplacements de la vie, que ce soit bien sûr pour le travail mais aussi les courses, la santé, l’école, la famille.... Les métropoles veulent bannir la voiture parce qu’elle pollue. Elles possèdent pour cela des solutions alternatives. Dans les petites villes et les campagnes, ces solutions n’existent pas et seraient de toute façon trop coûteuses si l’on venait à tenter d’en mettre en place.

La guillotine
Parmi les revendications, le retour de la peine de mort !
Force est à présent de reconnaître qu’après 3 semaines agitées, le prix du carburant est devenu accessoire dans la liste des revendications. On y trouve d’ailleurs à boire et à manger, depuis la dissolution de l’Assemblée Nationale jusqu’à la hausse significative du SMIC. Le slogan qui revient toutefois le plus souvent concerne le président de la République. Au cri de « Macron Dehors », les Gilets Jaunes ont semble-t-il trouvé un terrain d’entente, quelque soient leurs différences politiques. Pas plus tard qu’hier, vêtu d'une étole tricolore, François Rufffin, apparenté à La France Insoumiseenfonçait le clou exigeant le départ en exil d’Emmanuel Macron, au plus vite. La démarche est simpliste pour ne pas dire primaire. C’est comme si une fois parti le Président maléfique, celui qui a entraîné la France dans un trou noir, la lumière allait jaillir de nouveau et le bonheur inonder la France. Pauvre peuple d’arriver à croire de telles stupidités.

Destruction du Musée de l'Arc de Triomphe
Des images qui ne sont pas sans rappeler Daesh à Mossoul
Profitant du chaos présent, les ténors de l’opposition sont déjà dans les starting-blocks en prévision de l’Elysée, reprenant à leur compte et avec toute la mauvaise foi qu’on leur connait les demandes des Gilets Jaunes. Tous dénoncent la mauvaise gestion de la crise, l’obstination coupable du gouvernement, son insensibilité à la souffrance des gens ; ces gens qui se disent le peuple tout en n’en représentant en fait qu’une infime partie. Les sondages évoquent un vaste mouvement de soutien de la part de l’opinion mais celui-ci ne se matérialise pas sur le terrain malgré l’énorme couverture médiatique dont il bénéficie. Les représentants des partis politiques se livrent, devant les GJ, à une véritable danse du ventre, à qui sera le plus compréhensif, le plus impliqué, le plus sensible à leurs revendications dans l’unique objectif de recueillir leurs suffrages. Jean-Luc Mélenchon va même jusqu’à dire que les Gilets Jaunes se retrouvent dans son programme. En matière de récupération, difficile de faire mieux. Il faut dire que la compétition qui s’est engagée entre le Rassemblement National et lui tourne pour l’instant en faveur du premier. Ceci d’autant plus que Mme Le Pen bénéficie du secours d’un premier de cordée, en la personne  de M. Dupont-Aignan, dont les outrances verbales anti-gouvernementales sont en quelque sorte une mise en bouche dans la perspective d’une arrivée de l’extrême-droite aux commandes.

C’est toutefois oublier que la contestation est née à l’écart des appareils politiques traditionnels et des partis dont elle a dit se méfier. Au point que le mouvement s’est refusé à désigner des représentants officiels, formant de fait une véritable mexicaine, protéiforme et donc ingérable, regroupant une mosaïque de sensibilités, regroupant pêle-mêle des anciens du PCF nostalgiques de Georges Marchais, une pincée d'ex-encartés du PS, d'anciens fervents du Gaullisme et une majorité d'abstentionnistes dégoûtés des politiques de tout poil. Tout cela pour aboutir à la délicate nomination de quelques porte-paroles dont la légitimité ne cesse d’être contestée, des gens qui y ont cru en toute honnêteté mais vite devenus la cible des réseaux sociaux. Il est important pour certains que les Gilets Jaunes n’aient pas de porte-paroles, histoire de ne pas faire obstacle à leurs propres ambitions. Tiens, tiens, et qui donc ?

Les bâtiments de Vinci à Narbonne
Déjà vu à Beyrouth
Que représentent aujourd’hui les Gilets Jaunes ? Le mouvement se cristallise, phagocyté par une poignée de radicalisés qui ont troqué la colère pour la haine, moins soucieux de trouver une solution à la fiscalité écologique que de faire chuter le gouvernement. Le carburant n’est plus le sujet, d’autant qu’il a baissé, le but est désormais de chasser le président. Et pour ce faire, tout est permis, saccages, destructions, pillages, vandalisme. Les forces de l’ordre n’interviennent qu’à minima de crainte de voir se reproduire un épisode dramatique semblable à celui de Malik Oussekine, sachant que si cela devait arriver, l’ultra gauche emmenée par les Insoumis de Mélenchon parviendrait enfin à politiser le contestation et légitimer la violence, faisant passer le gouvernement pour une bande d’assassins.

En revanche, les Gilets Jaunes ont, depuis les exactions de ce week-end, perdu en popularité ce qu’il ont acquis en durcissement. Là où il y a deux semaines, on franchissait les barrages en klaxonnant joyeusement par solidarité sous les bravos des manifestants, la tension règne à présent et c’est avec la trouille au ventre qu’on voit un groupe de Gilets Jaunes. Cette couleur n’est plus attractive, désormais c’est plutôt celle du péril, de la peste. Les invectives sont plus nombreuses, les altercations plus vives.

Et les casseurs dans tout ça ? On attendrait des Gilets Jaunes qu’il les condamnent. Ce n’est pas le cas, ils assistent pour la plupart passivement à leurs violences gratuites, ou mieux, ils filment les tags, les pillages de magasins, les incendies de voitures et de bâtiments avec leur smartphone Orange ou SFR (ça leur coûte cher mais c’est une dépense consentie, donc rien à reprocher).  

Par pitié, arrêtez les conneries, ça suffit ! Vous voulez l'instauration de la loi martiale, des chars aux carrefours ou quoi ! Vous sciez la branche sur laquelle nous sommes tous assis. Bloquer les autoroutes, brûler les installations, détruire l’outil de travail, taguer partout des slogans rageurs, envahir les rond-point et traiter les automobilistes qui ne sont que des gens qui travaillent comme des sous-merdes, les obligeant à un parcours du combattant entre vos palettes en chicanes, sous vos quolibets, est plus qu’’il n’en faut pour susciter de la rancœur.

Cela fait quinze jours que dans ma région, nous subissons le bon vouloir des Gilets Jaunes, un jour sympas, le lendemain agressifs. Sauf qu’aujourd’hui la coupe est pleine. Les images de destructions et de vandalisme qui circulent en boucles sur toutes les chaînes de télévision du monde ont un effet définitivement répulsif. Les revendications s’accumulent dans tous les sens, cela devient n’importe quoi. Moins d’impôts, moins de taxes … D’accord, mais à une condition: tailler à la baisse dans les services publics. Faire payer les riches, pauvres naïfs, ils ne vous auront pas attendus pour élire domicile dans un paradis fiscal. Et la France restera l’Enfer qu’elle est déjà aujourd’hui pour ceux qui n’ont pas les moyens de la fuir.

François Ruffin
De la haine, de la rage, il va falloir que ça saigne !
Ouvrons enfin les yeux. Le gouvernement, comme les autres avant lui, n’a pas le courage de la vérité, préférant procrastiner. Or, dans un pays où ce qu’on appelle les transferts sociaux (incluant notamment la prise en charge des frais de santé, le versement d’allocations de toutes sortes, rentrée scolaire, logement, cantine, transport, prime de Noël, le RSA, indemnités chômage, etc.. etc..) se chiffre à près de 60%  du PIB alors qu’il est en moyenne de 40% chez nos voisins, il n’est pas nécessaire de sortir de Polytechnique pour comprendre qu’on est déjà dans le mur. Chers compatriotes, pensez que nous ne représentons qu’1% de la population mondiale alors que nos dépenses sociales s’élèvent à 10% de la dépense mondiale. N’y a-t-il pas quelque part une erreur de casting ?

En conclusion, prenons garde, nous vivons dans un pays de cocagne que le monde nous envie, même s’il y a encore trop de pauvres. Ne l’abîmons pas. Nous passons auprès des autres nations pour une bande d’enfants gâtés qui ne sont contents que lorsqu’ils cassent leurs jouets.    

Gilets Jaunes, vous vous en prenez à la démocratie et en éprouvez les faiblesses mais sachez que ce que vous lui réclamez restera lettre morte une fois élus ceux dont vous aurez cru qu’ils allaient la sauver. Et ceux-là n'auront que faire du syndrome Oussekine. A bon entendeur,Ciao !

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