Le sélectionneur et son équipe vus par la presse Une image que même les victoires ne parviennent pas à effecer |
1998 reste dans les mémoires comme une aventure hors-sol, un moment d'euphorie où pour une fois notre nation peu footeuse aura
bénéficié d'un alignement favorable des planètes. Faut-il cependant se rappeler
les critiques féroces dont "Mémé" Jacquet le "désenchanteur" et sa bande furent les cibles durant les
mois précédents l’évènement, une équipe sans âme, sans Cantona, donc sans créativité, sans
inspiration qui allait se faire dévorer dès la phase des poules. Après trois années assez ternes, la Coupe du Monde était surtout perçue comme un coup de projecteur sur la France auprès de la planète
foot. Nul, en revanche, n'aurait osé parier un peso sur notre équipe nationale. La vedette d’alors était le Brésil et sa star Ronaldo.
On n'avait d'yeux que pour eux, surtout à la télé. Les journalistes se bousculaient à leur entraînement, les
enfants portaient fièrement les maillots de la Seleçao et les coiffeurs se
régalaient à faire des coupes à la Ronado, crâne rasé autour d'une mêche de cheveux tombant sur le front. Qu’ils étaient beaux ces Brésiliens, élégants et virtuoses, tous des
maîtres dans leur art. Les Français, en comparaison, étaient laborieux, empruntés,
sans attrait. Et puis ils ont gagné, ils ont éliminé l’Italie après un match
au bout du bout du suspens et surtout, ils ont donné au Brésil une leçon de
football. Ce jour là, les Brésiliens jouaient sans Ronaldo, intoxiqué, victime selon la rumeur
d’un acte de malveillance organisé par le camp français, la belle excuse. On a
alors opportunément oublié les articles assassins anti-Jacquet qui avaient servi
de hors d’œuvre à cette compétition. Tant décriés au départ, les Bleus ont
conquis le cœur de l’opinion malgré une presse toujours insatisfaite.
En 1998, la star c'est lui, Ronaldo |
2006 , le geste fou. Zidane écope d'un carton rouge offrant la victoire à l'Italie |
20 ans après la victoire des Bleus en Coupe du Monde et
malgré des années de disette, alors même que nous sommes peut-être à la vieille
de réaliser un nouvel exploit, nos chroniqueurs font au mieux la fine bouche, au
pire se complaisent dans une critique à tout va de l’équipe, du sélectionneur,
de l’esprit, de la tactique, et patin couffin… Il aurait certes mieux valu que
nous soyons renvoyés à la maison au plus tôt, histoire de donner raison à leur pessimisme opiniâtre et couper court au
brouhaha des lamentations de ces spécialistes qui ne trouvent du bon que chez l’adversaire.
Inutile de citer les noms mais une chose est certaine, c’est qu’après s’être
attirés les foudres des journalistes et autres consultants lors du match contre
le Danemark pour la pauvreté du spectacle alors même qu’en finissant premiers de la
poule, nos Bleus avaient déjà rempli le contrat, la suite du parcours, malgré les victoires
contre l’Argentine, l’Uruguay et la Belgique n’a été qu’un amoncellement de
critiques.
Il y a un désamour bien installé entre Didier Deschamps et ceux qui écrivent
sur lui. Il gagne mais ce n’est pas ce qu’on attend, sauf peut-être des autres pays. On
n’aime pas le goût de la victoire française tel que Deschamps la conçoit parce qu’il y
manque ce qu’on appelle la manière, le geste noble, la magie du déhanché, l'exubérance d’un Cyrano, la fougue d’un chevalier d’Azincourt, la bravoure
d’un Roland, tous ces héros nationaux vaincus par le destin, mais tombés avec les
honneurs. Yannick Noah a dit que nous avions chez nous la culture de la loose.
Il faut comprendre par là que la défaite est perçue dans notre pays comme un art majeur. On
a toujours préféré Poulidor à Anquetil, preuve que l’on considère la victoire
comme suspecte et la défaite honnête, ou encore que la défaite révèle l’humanité
et attire l’empathie tandis que la victoire force le respect tout en suscitant la méfiance. Donc, ce qu’on n’aime pas chez Deschamps, c’est qu’il est obsédé
par la victoire au point d’en négliger la qualité du spectacle. On lui reproche de manquer de fantaisie, de ressembler un peu à l'Allemagne, sérieuse, âpre mais efficace et réaliste, tout ce qui ne nous fait pas rêver. Mais un jeu qui paye en somme, puisque c'est bien connu, "A la fin, c'est l'Allemagne qui gagne", enfin presque toujours. Une défaite dans la douleur
et le sang est préférable à une victoire trop propre, trop pure. Il n’y a rien
à raconter quand tout est trop parfait.
Il est vrai que l’agression de Schumacher sur Battiston en 82, bien qu’elle date de 36 ans, alimente encore les papiers des journalistes. Quel moment historique, mais surtout quelle injustice, quelle tragédie. "Fabuleux », titrait l'Equipe le lendemain, on avait été éliminés et c’était tout bonnement génial. Telle est la culture journalistique du foot français.
On oublie au passage de signaler
que la charge de Schumacher est intervenue après que le ballon soit sorti, c’est-à-dire
que si l’arbitre avait sifflé, il n’y aurait de toute façon pas eu
penalty. Schumacher aurait pu être sanctionné d’un carton rouge ce qui aurait
certainement déstabilisé l’équipe d’Allemagne mais le sort du match s’est joué au cours des prolongations, et l’on ne se souvient plus que la France qui menait alors 3 à 1 a été incapable de tenir cette avance de deux buts. Là encore on dira que
Forster aurait dû écoper d’un carton jaune. Je dirai plutôt que le coaching
allemand a payé. Qui a marqué pour l’Allemagne: Rumenigge, un remplaçant de luxe
rentré tout juste quelques minutes plus tôt, et qui a égalisé à 3 partout: un certain Horst Hrubesch, rentré 20 minutes plus tôt, le joueur qu’il fallait
justement serré au plus près, qui ne savait pas taper au pied dans un ballon mais absolument redoutable pour son jeu de tête percutant. Et il marque de la tête. Pour l’Equipe,
le match avait été une défaite magistrale, bien plus qu'aurait pu être une victoire.
France-Danemark, la France finit première de sa poule Une avalanche de reproches |
Il est vrai que l’agression de Schumacher sur Battiston en 82, bien qu’elle date de 36 ans, alimente encore les papiers des journalistes. Quel moment historique, mais surtout quelle injustice, quelle tragédie. "Fabuleux », titrait l'Equipe le lendemain, on avait été éliminés et c’était tout bonnement génial. Telle est la culture journalistique du foot français.
1982, Séville, Battiston dans le coma "Fabuleux", titre l'Equipe le lendemain |
Didier Deschamps est, quant à lui, obsédé par la victoire, la leçon retenue de ses années passées à la Juve. Contrairement au
« Thermopylisme » des chroniqueurs, il ressent le défaite comme une déchirure,
un échec personnel. C’est dans cet esprit qu’il a bâti son équipe, une escouade
de combat dotée d’une implacable stratégie. C’est aussi pour cela et des raisons plus personnelles qu’il ne veut plus entendre parler de Benzema, joueur à l’ego
et à l’aigreur incompatibles avec l’esprit de solidarité et sacrifice qu’il veut
insuffler à ses garçons. Défendre en bloc, contre-attaquer en meute à la vitesse de l’éclair.
Etudier le jeu de l’adversaire dans tous ses détails. Analyser ses forces pour
les neutraliser, profiter de ses faiblesses pour se créer des espaces.
Deschamps a compris que pour gagner, il était nécessaire de développer un jeu
multiforme, c’est-à-dire de cesser de chercher à imposer son propre jeu mais
plutôt de s’adapter au jeu de l’adversaire pour mieux le contrecarrer. Et c’est
ce qui a marché.
Une attaque argentine muselée, une défense uruguayenne
bousculée, une Belgique neutralisée dans sa mobilité, littéralement mystifiée, ce qui d'ailleurs n'a pas été du goût de nos voisins, mais à la guerre comme à la guerre. Et le jeu français dans
tout cela, pas besoin d’être flamboyant ni chatoyant mais tout simplement
redoutable d’efficacité. Pas spectaculaire dans les gestes, parfois même
imprécise dans les échanges mais omniprésente, harceleuse. Deschamps est un sorcier, un vrai
magicien. Comme ça ne convient manifestement pas à ses détracteurs ordinaires, ceux-ci s'en prennent à des joueurs
qui, en fait, ne font qu’appliquer les consignes du coach. Griezmann en retrait
bien qu’il ait marqué à 3 reprises et soit l’auteur de 2 passes décisives.
Giroud qui rate tout, mais peu importe, Deschamps sait que même sans ballon, il
constitue un point de focalisation pour les défenses libérant des espaces pour
les autres attaquants. Des maladresses il y en a, encore heureux que nos
footballeurs ne soient pas des robots, enfin pas encore.
France Belgique 1-0 Eden Hazard "J'ai préféré perdre avec la Belgique que de gagner avec la France" Péché d'orgueil |
Nous sommes presque au bout du chemin et dimanche aura lieu la finale.
On préférerait les Anglais, normal, c’est l’esprit crunch, mais on aura les Croates, de vrais pitbulls. Mais je dois dire
que j’ai bondi quand j’ai entendu toute la matinée à la radio vanter le jeu des
Anglais, selon Daniel Riolo, bien plus agréable, à regarder que celui des Français.
J’ai suivi les matches de l’Angleterre, on n’a pas dû voir les mêmes lui et moi.
Gentillets les Anglais. Hormis Kane qui semble maintenant s'éteindre, malgré la sympathie qu'inspire sesjoueurs, l'équipe me paraît encore en manque de créativité, parfois même timorée et trop brouillonne devant le but. Elle a cartonné en poule contre
le modeste Panama mais s’est fait battre par la Belgique sans marquer du
but. Quant à la Suède, l'équipe avait manifestement hâte de retrouver la maison.
Lloris, considéré comme le maillon faible. Surtout éviter les tirs au but Certainement le meilleur gardien de la compétition Cherchez l'erreur |
Mais ce qui compte, c’est bien de remporter la Coupe ?
Non? Ah ! c’est donc cela…. Pour que la victoire soit belle, l’aventure
doit être digne d’une épopée ! On m’a dit que le mieux est l’ennemi du
bien. En conclusion, ne changeons rien.
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