dimanche 30 décembre 2018

Les vœux du Président, et si c'était ça

Quel étrange pays que la France. On n’y aime pas grand’chose hormis peut-être ses grands plats régionaux, sa bouillabaisse, son cassoulet, sa garbure, ses pieds-paquets, son aligot, ses tielles, son kouign-amman ou sa bonne choucroute alsacienne. Autant de mets gourmands qui ravissent les papilles. Mais en cette période où tout devrait être à la fête, c’est plutôt la soupe à la grimace. 

Pour faire une bonne bouillabaisse,
il faut se lever de bon mâtin....
Visiblement, il manque un sucre dans le café ou les ormeaux sont durs à la dent. La France, première destination touristique au monde, le pays aux mille paysages, aux mille merveilles telles que le Mont Saint Michel, Notre Dame de la Garde, le château de Chenonceau, l’abbaye de Fontenay, etc…., la liste est  interminable ; la France qui se targue de posséder le meilleur système social de la planète, qui se vante d’être le pays qui offre le plus de congés payés à ses salariés pour un nombre d’heures travaillées inférieur à celui de tous ses voisins ; la France qui offre à ses chômeurs des indemnités comme nulle part ailleurs assorties qui plus est d'une prime de Noël et qui subventionne sans compter ses services publics malgré des coûts à donner le tournis ; la France qui possède encore, au monde, le plus grand nombre d'agents de l'état en pourcentage de son nombre d'habitants, un héritage d'une lointaine époque où le communisme représentait encore un avenir possible ; la France, pays des Droits de l’Homme qui a toujours été considérée comme un modèle en matière d’accueil des déshérités et d’assistance aux plus démunis ; la France enfin qui devrait assurer à ses enfants l’enseignement le plus pointu et le plus complet qui soit grâce à un nombre de professeurs supérieur à ce qu’ils sont dans les autres pays. Eh bien, nous n’en sommes plus à un paradoxe près, la France qui avait, pour sa prodigalité tous les atouts pour être le paradis sur terre, passe auprès de ceux qui y vivent pour un véritable enfer. Le pire est qu'ils n’ont toutefois pas entièrement tort. Nous sommes effectivement arrivés au point où le mensonge ne suffît plus à compenser les inquiétudes.

la France, pays aux mille merveilles
Chenonceau, un joyau que le monde nous envie 
Cette France, en effet, si généreuse, si dépensière en matière d’aides, d’allocations et de subventions à gogo n’a plus rien à offrir de plus, tant elle est désormais à la rue. La générosité a un coût qu’elle ne peut plus assumer. C’est à présent qu’il va falloir se retrousser les manches et imaginer l’avenir.
L’Etat, habitué à tergiverser, à calmer le jeu, à prôner la paix sociale a toujours esquivé, préférant la formule « Dormez tranquilles braves gens » à la sirène des pompiers hurlant qu’il y a le feu dans la maison. Sauf qu’après avoir attendu et attendu, la maison est consumée.

Les gouvernements successifs ont rivalisé de deshonnêteté, pensant que tant que le somnifère agirait, on aurait le temps de repousser la purge à plus tard. Seul François Fillon, alors premier ministre avait osé une confidence, déclarant qu’il était à la tête d’un pays en faillite. C’était en 2007. Nicolas Sarkozy, tout juste élu président, l’avait vertement rabroué, au nom de la sacro-sainte omerta sur l’état réel de la France. Surtout ne pas dire aux Français qu’on est en cessation de paiement, ça risquerait de provoquer un tsunami.

On a donc persévéré dans le déni. Dans le genre François Hollande n’a pas été mauvais non plus. Il a bien tenté de renflouer les caisses mais en se lançant dans un matraquage fiscal sans précédent, censé faire payer ses ennemis de la finance tout en ponctionnant d’abord les classes laborieuses, i.e. les gens qui travaillent. L’affaire n’a pas duré longtemps tant sa côte de popularité s’est effondrée. En annonçant un jour de printemps que ça allait mieux, il a refilé la patate au suivant.

Et les Français ont choisi Emmanuel Macron, persuadés qu’avec quelques années seulement de plus que le Christ, cet homme providentiel allait guérir les écrouelles. La déception a été d’autant plus grande que le jeune président n’a pas accompli les miracles espérés, même Jupiter peut avoir du mal à escompter les traites, faute de garanties. Il fallait bien se douter qu’après 40 ans d’un coma profond, le réveil serait explosif.  Dans un premier temps, le nouveau président y est allé avec des pincettes, promettant après une année de croissance inespérée, ramener le déficit de la France à moins de 3%, de quoi passer enfin pour un pays responsable vis-à-vis de ses partenaires. La croissance n’ayant pas suivi, maintenir les déficits en deçà des 3% n’allait pas se faire sans un nouvel effort demandé aux Français. 

Alors on a commencé à taxer d’une manière raisonnable, puis à taxer à nouveau, rognant sur les allocations aux classes modestes, accroissant les contributions des aînés, un peu par ci, un peu par-là , une ponction solidaire assortie, avec une maladresse grossière, d’un allègement fiscal sans précédent pour les moins nécessiteux. Mais quelle ignorance de l’histoire des mouvements sociaux et de leur cause ? On aurait voulu recréer les conditions qui ont conduit au soulèvement de 1789 qu’on ne s’en serait pas pris autrement. Espérons que les technocrates qui gravitent autour du président ne toucheront pas leur prime de Noël. Pour un pays qui bat tous les records mondiaux en matière de prélèvements sociaux et de fiscalité, il y a eu ce qu’on a appelé la goutte de carburant qui a fait déborder le réservoir. Malgré toutes ses qualités, Emmanuel Macron, est retombé sèchement sur terre après que son parachute soit soudain parti en vrille. L’atterrissage a été d’une rudesse douloureuse. 

Les Français sont connus pour être des grincheux et des renacleurs mais ils peuvent encore accepter de se faire plumer si on y met la forme. Or, la forme n’a été que de l’indifférence. Je me souviens avoir entendu Elisabeth Borne un matin d'octobre chez Jean-Jacques Bourdin, évoquer la hausse régulière des taxes sur le carburant comme une trajectoire fixée tout au long du quinquennat. Pour moi qui fait en moyenne 8000 km par mois pour les besoins de mon métier et surtout pour qui ces kilomètres sont une charge, je me suis « pensé » que cette affaire pourrait mal se terminer. 3 semaines plus tard, avait lieu l’Acte I des « Gilets Jaunes ». 

Il y a toujours un prix à payer pour conserver la liberté
Encore faut-il ne pas se tromper de route
On ne peut nier que nous sommes gouvernés par des gens compétents, surdiplômés, mais il parait bien curieux, pour une personne censée, que nos ministres n’aient pas su anticiper la grogne que susciterait une nouvelle hausse des taxes alors qu'au même moment, le prix du pétrole était au plus haut. Le ras-le-bol fiscal, rien à faire, nos énarques n'arrivent toujours pas à comprendre ce que ça peut vouloir dire. A croire qu'ils payent leurs impôts à Jersey ou au Lichtenstein. Les Français, tous des veaux ! disait De Gaulle. C'est ce que se sont dits nos chers bureaucrates parisiens, si addicts à leur calculette qu’ils en perdu l’ouïe, l’odorat et le toucher. Qu’ils n’aiment pas la respiration du peuple correspond certes à une forme d’idéal aseptisé mais alors, que font-ils là ? Qu’ils rendent leur passeport diplomatique et se cassent à Pitcairn ou en Nouvelle Zemble !  C’est malheureux à dire mais tous les effets d’annonce concernant la baisse de la Taxe d’Habitation et des cotisations salariales ont fait complètement Pschitt !!! Que diable, cher gouvernement, rien de tel que de faire croire à vos sujets que vous reprenez des deux mains ce que vous avez parcimonieusement accordé de l’une. De quoi se mettre à dos même les plus inconditionnels de vos militants.

Après une telle bévue, que dire à tous ces gens qui squattent les ronds-points, estimant représenter le pays légitime alors que le Président passe à leurs yeux pour le rejeton d’une élite financière internationaliste, arrivé là suite à une erreur de casting. Peut-être serait-il temps d’en finir avec les formules du style « jusque-là tout va bien ». Parce qu'au final, c’est le crash garanti.  



Alors voilà ce que je vous suggère, cher Président, au moment d’annoncer vos vœux. D’abord en finir avec la langue de bois qui, vu l’électricité ambiante, n’a plus aucune prise. Le parler vrai mais surtout le poids des mots :

« Mes chers compatriotes, vous m’avez élu il y a dix huit mois pour redonner à notre pays la place qu’il mérite au sein des grandes nations de ce monde. Je vous en sais gré et j’ai mis toute mon énergie à redonner à la France le poids qu’elle a avait perdu depuis trop longtemps au cœur des décisions qui engagent l’avenir de notre planète. Vous savez que notre monde connaît actuellement des soubresauts qui menacent sa stabilité et son avenir. Je me suis donné sans compter pour faire valoir une parole d’équilibre au sein d’intérêts nationaux divergents qui, si l’on y prend garde, peuvent s'avérer irréconciliables. 
Cette énergie à faire valoir la parole de la France , je me suis rendu compte que mon propre pays avait du mal à la suivre. L’enthousiasme ne suffit pas. J’en fais ici acte de contrition. Mais peut-être aussi qu’à l’aube de cette nouvelle année, il est temps de parler vrai. J’ai engagé un vaste débat national qui va se prolonger jusqu’en mars. Il permettra de dresser un tableau de l’état de notre pays, qui je l’espère sera le plus impartial et le plus juste possible. 
J’espère surtout que cet état des lieux permettra de nous faire prendre conscience que notre pays a surtout besoin de nos efforts à tous. Je comprends parfaitement les difficultés qui exaspèrent un bon nombre d’entre nous tant ils ont le sentiment que leurs efforts ne servent à rien. Mais je ne vous ai pas menti, même si j’en entends certains monter au créneau pour dire le contraire. J’ai hérité, je le sais d’un pays fracturé, malade et la promesse que je vous ai faite était justement de le réparer. Le réparer, cela ne se fait pas sans mal. J’ai bien conscience qu’il faudra du temps pour panser les plaies de tant d’années d’atermoiements et de louvoiements. Mon projet pour la France s’est inscrit dans la durée parce que je ne dispose, malheureusement pas de la baguette magique qui vous promettra que demain ira mieux. Cela dépend de nous tous. Mais je vous le dis solennellement aujourd’hui, si dans les trois mois qui viennent, la vague de contestation qui secoue notre pays continue de mettre à mal notre économie et nous fait perdre ce qui nous reste de crédibilité auprès de nos partenaires de l’Union Européenne, je remettrai mon mandat en jeu. 
J’ai inscrit dans mon programme la réforme de l’assurance chômage et la réforme des retraites. Je les estime nécessaires, indispensables. L'avenir même de notre pays en dépend. Cependant,  je ne supporterai pas qu'elles soient adoptées par une assemblée qui ne représenterait plus la majorité du peuple. Je convoquerai donc de nouvelles élections présidentielles et laisserai en cas de défaite à celui ou celle qui me succédera le soin d’assurer le futur du pays, rappelant simplement que je n’aurai jamais vécu que pour sa grandeur et son rayonnement. Vive la République, Vive la France  "     


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