mardi 18 décembre 2018

Le RIC, un référendum révocatoire ?

"Je demande la révocation d'un Président élu"
Voter ne sert plus à rien. Maintenant,il faut éliminer

Parmi les revendications que les Gilets Jaunes annoncent comme non négociables figure le Référendum d’Initiative Citoyenne, le RIC

Considéré comme la pierre angulaire du mouvement, il est même brandi comme un étendard à la face du gouvernement. Mais de quoi s’agit-il en fait ? Le référendum est inscrit dans l’article 3 de la constitution, présenté comme un recours direct au peuple dès lors que le pays est confronté à des choix qui engagent son avenir. Le Général De Gaulle en a usé à plusieurs reprises jusqu’à renoncer au pouvoir, faute d’avoir recueilli l’assentiment des Français lors de son ultime consultation, un an après mai 68. C’est d’ailleurs à ce propos qu’on a compris que le référendum tel que la constitution de la 5ème République l’avait institué se transformerait, à chaque fois qu’on l’utiliserait, en plébiscite pour ou contre le gouvernement.  C'est ce qui s’est passé en 1969, les Français ont dit non à la régionalisation (pourtant une bonne réforme), non à la suppression du Sénat (pourtant une réforme de poids), en fait non à De Gaulle et De Gaulle est parti comme il l’avait promis si le oui ne l’emportait pas. 
En chassant De Gaulle du pouvoir, les Français ont simplement dit non à ce qui aurait pu faire avancer le pays vers une sorte de fédéralisme. Ils ont par là-même renoncé à la fin du jacobinisme et à une centralisation génératrice d’immobilisme et de frustrations. Le projet était d'une audace folle. Trop bourrins, les Français ont éludé le sens du référendum pour dire non à De Gaulle. Dehors! le vieux, maintenant,tu dégages!

En 2005, Jacques Chirac, alors Président de la République organise, à son tour, un Référendum sur la future Constitution Européenne, persuadé que les Français vont l’approuver. Or, ils lui disent non, montrant par leur vote qu’ils ne sont pas aussi dociles qu’il l’aurait imaginé. Et ils plantent, à leur fort défendant, un premier grain de sable dans les rouages bien rodés de l’Union. Pas cool. La question a été mal posée. Les Français n’étaient pas contre l’Europe mais opposés à la manière dont elle leur était vendue. Ce référendum fut l’exemple de ce que peut être une erreur politique majeure. Les Français ont dit non à Chirac, las qu’ils étaient de l’immobilisme de leur pays, sans ressort, sans énergie, à l'image de leur "roi fainéant" de président. C’est à l’époque où Jean-Jacques Bourdin, que tout le monde connaît, avait sorti le fameux « Bougeons nous » tant la France était tombée dans une léthargie profonde. Le monde était alors dans la dynamique débridée d’Internet, des peer-to-peer comme Kazaa, de la libération à tout va de la parole via le nouveau réseau Facebook. Les Français aspiraient, comme une large partie de la planète, à plus d’échanges, de contacts, de convivialité. Et le référendum s’est traduit par un non, un non au vieux monde. Non pas à l’Europe mais à la classe politique, vieillotte, sclérosée, arc-boutée sur un trop-plein de privilèges.

 Suite à cette erreur de trajectoire, la voix de la France est passée au second plan, forcée d’admettre la primeur accordée aux intérêts supranationaux. Il n’en fallait pas moins pour que s’instaure un climat de méfiance à l’égard de la classe politique.

Depuis lors, aucun président n’a osé s’aventurer sur le terrain du Référendum tant il fût prouvé que la réponse à la question posée se transformerait à chaque fois en plébiscite.

Nous voilà, désormais, arrivés à la question brûlante des référendums d’initiative populaire (ou citoyenne). Les Gilets Jaunes en ont fait leur cheval de bataille mais ont-ils seulement fait l’inventaire de tout ce que cela peut représenter. Un référendum pour quoi ? Répondre par oui ou par non à des problèmes de société comme l’afflux des migrants, à des problèmes de sécurité comme la vitesse sur les routes, à des problèmes de criminalité comme la restauration de la peine de mort pour les terroristes, à des problèmes de fiscalité comme l’imposition des grosses fortunes, à des problèmes de compétitivité comme l’instauration de taxes douanières sur les GAFA, à des problèmes de santé comme l’interdiction du glyphosate, à des problèmes politiques comme « l’impeachment » du Président, à des problèmes de gros sous comme l’évasion fiscale vers le Luxembourg, Jersey ou l’Ile de Man, tous territoires européens. Les questions sont si nombreuses qu'on passerait sa vie aux urnes.
On verrait bien aussi des "votations" sur "la légalisation ou non du cannabis", "le droit à l'euthanasie", " le pouvoir détaché aux régions", "le port de l'uniforme à l'école", "le Revenu Universel"..

Les Insoumis ont abandonné le Rouge pour se faufiler
parmi les Jaunes
Mais il est à craindre que le RIC revendiqué ne se résume qu'à un seul et unique objectif. A entendre, en effet, ce que veulent les Gilets Jaunes au travers du Référendum d’Initiative Citoyenne, le but affiché n'est autre que la destitution du Président de la République. On devrait plutôt le requalifier en  Révocation d’Initiative Citoyenne. Tout cela ne fait pas un projet pour le pays. C’est tout juste un règlement de compte.

S’il vous plaît, les Gilets Jaunes, dépéchez-vous de former un mouvement politique et finissez d’occuper les ronds-points. Ne montez pas la France qui a encore la chance d’avoir un travail contre celle qui n’en veut plus. Ce n’est pas que la faute à Macron si on fait depuis 32 ans la queue aux Restos du Cœur.

Vous voulez croire que les Référendums d’Initiative Citoyenne seront la solution à vos revendications. Mais surtout prenez garde. Il y a de la marge entre vos désirs et la réalité. La démocratie est versatile. Elle ne donne pas toujours les résultats espérés.

Les Suisses ont une expérience de ce genre de référendums qui touchent à des questions de société, du genre "Etes-vous pour ou contre les bêtes à cornes" ou "Etes-vous pour ou contre le Gruyère au cumin". On les consulte pour un tas de choses mais en moyenne seuls 40% des électeurs se déplacent, la majorité ne se sentant pas concernée. On comprend bien qu'en France, les questions sur la couleur des vaches ou le nombre de trous dans le fromage ne risqueront pas de mobiliser. Mais lorsqu'on apprend que les Gilets Jaunes les plus ardents à défendre le RIC sont pour la plupart des abstentionnistes, on se demande si cette proposition n'est pas qu'un coup d'esbrouffe.
Ce qui voudrait dire que si les RIC étaient instaurés, ils seraient les premiers à s'en défier et à ne pas aller voter. Finalement, pour eux, la seule chose qui compte est de gueuler contre le gouvernement. En bref,le RIC ne servira qu'à faire raquer encore un peu plus ceux qui ne demandent rien.

Tanguy Pastureau et les Gilets Jaunes
Chronique France Inter 18 décembre 2018

Le Président jouit de la légitimité que lui confère une élection au suffrage universel mais faute de contre-pouvoir une fois que les Législatives lui ont accordé une majorité confortable à l’Assemblée Nationale pour la durée de son quinquennat, toute opposition se voit muselée pendant cinq ans, donnant le sentiment que le débat démocratique est confisqué, bref, qu’on a plus qu’à la fermer en attendant les élections suivantes. Il y a effectivement quelque chose à revoir, car faute de débat significatif, la démocratie est de plus en plus perçue comme ce qu’on nomme une démocrature.

Dans ce contexte, ce pour quoi se battent les Gilets Jaunes relève autant de bons sentiments que d'une forme d'ambiguïté. La démocratie participative, la gouvernance du peuple par le peuple sont des slogans pour le moins aguicheurs mais ce qu’on pourrait appeler une volonté d’autogestion politique ne s’est, par le passé, jamais terminé que dans des querelles stériles avant de finir dans l’impasse ou d'être récupéré par des larrons assez malins pour les enterrer. D.O.M.





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