Les Gilets Jaunes, trop polymorphes pour être honnêtes |
La radicalisation des Gilets Jaunes a transformé son
caractère hétérogène et spontané des débuts en un mouvement de plus en plus
idéologisé, nettement orienté à droite. On a désormais le sentiment de voir
ressurgir les clivages politiques du monde d’avant-guerre. L’espace de la
démocratie née d’une alliance tacite entre les partis traditionnels de gauche
et de droite, en passant par le centre s’est réduit comme peau de chagrin à la suite des formidables
coups de butoir assénés par les extrêmes, aussi bien à gauche avec les
Insoumis, qu’à droite avec le Rassemblement National.
La guerre de la récup' est déclarée |
L’opinion désemparée s’est
dissoute dans une mosaïque de mouvements ne représentant pour aucun d’entre eux
une quelconque majorité.
Dans cette déliquescence des classes politiques, les
formations les plus aguerries aux discours démagogiques se sont d’autant plus
senties à l’aise qu’elles n’avaient rien à perdre. Prônant des formes de
gouvernement sans passé récent, donc sans passif apparent, elles pouvaient se
prévaloir d’une sorte de modernité, voire d’une aspiration du peuple à autre
chose que cette succession de pouvoirs mous et corrompus qui les a conduits dans
le mur depuis plus de 40 ans.
A droite, le Rassemblement National, un parti
autoritaire, tendre envers lui-même mais inflexible envers les autres, teinté
de la nostalgie du « c’était mieux avant », qui n’a jamais caché sa
préférence pour le Maréchal aux dépens du Général, un parti qui déteste l’Union
Européenne et se verrait bien construire un mur pour protéger ses frontières mais
qui, en même temps, fait les yeux doux à la Russie en ne cachant pas son
opposition à l’OTAN. Pour plaire à son auditoire, il accorde sa priorité à des
thèmes qui font recette tels que la chasse aux migrants, la préférence
nationale, une petite dose de racisme et un soupçon d’antisémitisme, pas trop d’écologie, histoire de ne pas se mettre le monde agricole à dos, beaucoup plus de pouvoir
à la police et bien plus de prisons pour mieux lutter contre les voyous et les
opposants.
LFI, un mouvement Karliste |
A gauche, La France Insoumise, un parti autoritaire, tendre
avec lui-même mais inflexible envers ses contradicteurs, nostalgique d’Octobre 17 et de la Longue Marche, qui n’a jamais caché sa préférence pour le Leader Maximo
et le Che, un parti qui veut une Union Européenne à sa merci mais qui, en même
temps, fait les yeux doux à la Russie en proposant de sortir de l’OTAN. Pour
plaire à son auditoire, il accorde sa priorité à des thèmes qui font recette
tels que l’accueil sélectif des migrants, la fin du libre-échange, une petite
dose de protectionnisme et un soupçon d’égalitarisme, un peu d’écologie
histoire de ne pas froisser l’aile bobo, beaucoup plus de services publics et
de fonctionnaires dans la perspective d’un avenir en « communiste »
Il ne manquait que lui, le revoilou! |
Et les Gilets Jaunes dans tout ça ? Ils sont perdus mais sont
allés trop loin dans les exigences pour revenir en arrière. Enfermés tous deux
dans le carcan de leur idéologie, M Mélenchon et Mme Le Pen naviguent hors sol,
bien loin de leurs problèmes de fin de mois, sans aucune notion réelle du déclassement
social. Ils font croire qu'ils s'intéressent aux difficultés du quotidien, les loyers, la crèche,
les courses, les impôts, l’électricité, l’eau. En fait, c'est de la com' à l'état pur. Ils habitent tous deux dans la
capitale et ne connaissent de la France périphérique que le cassoulet de chez
Emile ou la bouillabaisse à Fonfon. La France d'en bas les ennuie mais ils se sont
arrogés un discours de proximité qui les oblige à faire solidaires, il faut souffrir pour faire peuple. Au bout du compte, l’un et l’autre s’attribuent
le programme des Gilets Jaunes, affirmant qu’il tient du leur. Dans le genre,
les partis satellites des extrêmes sont même dans la surenchère. Jusqu’à
Florian Philippot qui pour compenser l’indigence absolue de son mouvement veut
faire du Gilet Jaune une marque lui appartenant. Tout cela est consternant mais
de bonne guerre.
A force de cracher sur Macron et d’être courtisés par les
extrêmes, les Gilets Jaunes font face à un dilemme. Seraient-ils en capacité de
gouverner ? Ils ne le veulent pas. Se muer en parti ? Ils n’osent
pas. Se laisser accaparer par la droite extrême ou l’extrême gauche, c’est risquer
de disparaître. Les options d’avenir sont minces.
Entre LFI et RN le coeur des Gilets Jaunes balance |
Occuper les ronds-points est
encore une solution en attendant. Mais en attendant quoi, le déluge ? Un ange
venu du ciel ? Le Père Noël ? Pour les plus décidés du mouvement, il faut
continuer de faire pression sur le gouvernement pour obtenir de nouvelles concessions.
Mais, selon le dicton, la plus belle fille ne peut donner que ce qu’elle a. Or,
elle est déjà presque nue. Jusqu’où faut-il persévérer dans la menace ? Emprisonner Macron et sa bande comme Lula au Brésil, dépouiller les
riches, confisquer leurs biens, nationaliser les banques, interdire les
bénéfices, proscrire les actionnaires, supprimer la propriété privée, mettre
tous les salaires au même niveau, enrichir les pauvres et appauvrir les riches ! Voilà peut-être de quoi satisfaire la hargne vengeresse de certains.
Il sont en effet quelques-uns à souhaiter une dérive de la société vers un régime de type
marxiste, avec l'instauration de la dictature du prolétariat. En revanche, n’étant pas
convaincus par les vertus de ce même prolétariat, ils sont nombreux parmi les Gilets
Jaunes à préférer une dictature tout court qui se cacherait quelque part sous le masque de l’Etat
Providence idéal consolateur des petits et des gros bobos. Ce serait peut-être ça,
la gouvernance du peuple par le peuple, la loi du plus fort. Dans tous les cas, sera entérinée la mort de la démocratie.
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