vendredi 28 décembre 2018

GJ, la dictature du néo-prolétariat

Les Gilets Jaunes, trop polymorphes pour être honnêtes

La radicalisation des Gilets Jaunes a transformé son caractère hétérogène et spontané des débuts en un mouvement de plus en plus idéologisé, nettement orienté à droite. On a désormais le sentiment de voir ressurgir les clivages politiques du monde d’avant-guerre. L’espace de la démocratie née d’une alliance tacite entre les partis traditionnels de gauche et de droite, en passant par le centre s’est réduit comme peau de chagrin à la suite des formidables coups de butoir assénés par les extrêmes, aussi bien à gauche avec les Insoumis, qu’à droite avec le Rassemblement National

La guerre de la récup' est déclarée
L’opinion désemparée s’est dissoute dans une mosaïque de mouvements ne représentant pour aucun d’entre eux une quelconque majorité. 
Dans cette déliquescence des classes politiques, les formations les plus aguerries aux discours démagogiques se sont d’autant plus senties à l’aise qu’elles n’avaient rien à perdre. Prônant des formes de gouvernement sans passé récent, donc sans passif apparent, elles pouvaient se prévaloir d’une sorte de modernité, voire d’une aspiration du peuple à autre chose que cette succession de pouvoirs mous et corrompus qui les a conduits dans le mur depuis plus de 40 ans. 

A droite, le Rassemblement National, un parti autoritaire, tendre envers lui-même mais inflexible envers les autres, teinté de la nostalgie du « c’était mieux avant », qui n’a jamais caché sa préférence pour le Maréchal aux dépens du Général, un parti qui déteste l’Union Européenne et se verrait bien construire un mur pour protéger ses frontières mais qui, en même temps, fait les yeux doux à la Russie en ne cachant pas son opposition à l’OTAN. Pour plaire à son auditoire, il accorde sa priorité à des thèmes qui font recette tels que la chasse aux migrants, la préférence nationale, une petite dose de racisme et un soupçon d’antisémitisme, pas trop d’écologie, histoire de ne pas se mettre le monde agricole à dos, beaucoup plus de pouvoir à la police et bien plus de prisons pour mieux lutter contre les voyous et les opposants. 

LFI, un mouvement Karliste
A gauche, La France Insoumise, un parti autoritaire, tendre avec lui-même mais inflexible envers ses contradicteurs, nostalgique d’Octobre 17 et de la Longue Marche, qui n’a jamais caché sa préférence pour le Leader Maximo et le Che, un parti qui veut une Union Européenne à sa merci mais qui, en même temps, fait les yeux doux à la Russie en proposant de sortir de l’OTAN. Pour plaire à son auditoire, il accorde sa priorité à des thèmes qui font recette tels que l’accueil sélectif des migrants, la fin du libre-échange, une petite dose de protectionnisme et un soupçon d’égalitarisme, un peu d’écologie histoire de ne pas froisser l’aile bobo, beaucoup plus de services publics et de fonctionnaires dans la perspective d’un avenir en « communiste »     

Il ne manquait que lui, le revoilou!
Et les Gilets Jaunes dans tout ça ? Ils sont perdus mais sont allés trop loin dans les exigences pour revenir en arrière. Enfermés tous deux dans le carcan de leur idéologie, M Mélenchon et Mme Le Pen naviguent hors sol, bien loin de leurs problèmes de fin de mois, sans aucune notion réelle du déclassement social. Ils font croire qu'ils s'intéressent aux difficultés du quotidien, les loyers, la crèche, les courses, les impôts, l’électricité, l’eau. En fait, c'est de la com' à l'état pur. Ils habitent tous deux dans la capitale et ne connaissent de la France périphérique que le cassoulet de chez Emile ou la bouillabaisse à Fonfon. La France d'en bas les ennuie mais ils se sont arrogés un discours de proximité qui les oblige à faire solidaires, il faut souffrir pour faire peuple. Au bout du compte, l’un et l’autre s’attribuent le programme des Gilets Jaunes, affirmant qu’il tient du leur. Dans le genre, les partis satellites des extrêmes sont même dans la surenchère. Jusqu’à Florian Philippot qui pour compenser l’indigence absolue de son mouvement veut faire du Gilet Jaune une marque lui appartenant. Tout cela est consternant mais de bonne guerre.

A force de cracher sur Macron et d’être courtisés par les extrêmes, les Gilets Jaunes font face à un dilemme. Seraient-ils en capacité de gouverner ? Ils ne le veulent pas. Se muer en parti ? Ils n’osent pas. Se laisser accaparer par la droite extrême ou l’extrême gauche, c’est risquer de disparaître. Les options d’avenir sont minces. 
Entre LFI et RN
le coeur des Gilets Jaunes balance
Occuper les ronds-points est encore une solution en attendant. Mais en attendant quoi, le déluge ? Un ange venu du ciel ? Le Père Noël ? Pour les plus décidés du mouvement, il faut continuer de faire pression sur le gouvernement pour obtenir de nouvelles concessions. Mais, selon le dicton, la plus belle fille ne peut donner que ce qu’elle a. Or, elle est déjà presque nue. Jusqu’où faut-il persévérer dans la menace ?  Emprisonner Macron et sa bande comme Lula au Brésil, dépouiller les riches, confisquer leurs biens, nationaliser les banques, interdire les bénéfices, proscrire les actionnaires, supprimer la propriété privée, mettre tous les salaires au même niveau, enrichir les pauvres et appauvrir les riches ! Voilà peut-être de quoi satisfaire la hargne vengeresse de certains. Il sont en effet quelques-uns à souhaiter une dérive de la société vers un régime de type marxiste, avec l'instauration de la dictature du prolétariat. En revanche, n’étant pas convaincus par les vertus de ce même prolétariat, ils sont nombreux parmi les Gilets Jaunes à préférer une dictature tout court qui se cacherait quelque part sous le masque de l’Etat Providence idéal consolateur des petits et des gros bobos. Ce serait peut-être ça, la gouvernance du peuple par le peuple, la loi du plus fort. Dans tous les cas, sera entérinée la mort de la démocratie.


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