Alexandre Benalla, la "belle affaire"


Merci Monsieur BENALLA d’avoir, malgré vous, animé avec autant d'ardeur cette fin de juillet qui s’annonçait, à l'origine, bien terne après que les Bleus eurent achevé leur épopée. Avoir réussi à mobiliser à ce point tous les médias, de la presse à l’audiovisuel, et surtout avoir littéralement ressuscité l’opposition politique alors même que quelques jours avant que n’éclate votre affaire, celle-ci se déclarait totalement anéantie par le travail de l’Assemblée, retient l’admiration. D’un fait divers peu glorieux certes mais plus spectaculaire que véritablement abominable comme on l'a prétendu, sans commune mesure en tout cas avec les débordements de casseurs qui venaient d’émailler cette journée de manifestations, on est parvenu à faire monter la mayonnaise au point d’y avoir vu un scandale d’état, un Watergate à la française, une bonne raison, enfin, pour faire dégager l’imposteur monarchisant de la Vème République qui a volé la place à Mélenchon ou à Marine selon qu'on soit d'un bord ou de l'autre. M. Benalla était certes employé par l’Elysée, y jouissant visiblement de quelques responsabilités mais il ne peut lui être reproché de ne pas s’être impliqué dans les tâches qui lui ont été confiées. Que ce soit à tort ou à raison, par dévouement ou opportunisme, il est parvenu à mériter la confiance du président, parce qu’il lui est certainement apparu comme sincère dans son engagement, atypique dans son parcours et fortement concerné par les problèmes de protection. 

L’opposition de gauche comme de droite est tout à coup sortie de sa torpeur estivale pour s’emparer des micros et des caméras, dénonçant à travers une vidéo montrant M. Benalla molester deux jeunes passant là par hasard, l’existence d’une police parallèle à l’Elysée, d’une milice "barbouzière" au service du Président, bafouant les institutions françaises et démontrant les dérives d’un pouvoir ivre de la puissance que lui accorde la constitution. Les ténors de la France Insoumise se sont succédé devant les journalistes n’ayant pas de qualificatif assez dur envers M. Benalla et son employeur jugé trop protecteur et laxiste. Sanctionné, il ne l’avait pas été suffisamment, c’eut dû être la garde à vue, l’incarcération préventive, la condamnation exemplaire, et pendant qu’on y était le renvoi dans le pays de son père, voire plus encore. 

 Quand à Emmanuel Macron, on exigeait sa comparution devant la commission parlementaire, rien que cela. Mme Le Pen n’a pas voulu se faire voler la vedette et a, elle aussi, accaparé les micros, jurant en passant que jamais, si elle avait été présidente, des choses comme cela auraient pu avoir lieu tandis que son collègue M. Chenu ne se privait pas de condamner la dérive totalitariste de l'exécutif. On connaît l’ex Front National, tous des anges, doux comme des agneaux. On a aussi entendu Olivier Faure, l’austère patron du PS, s’en prendre à son ancien collègue Gérard Collomb devenu un adversaire, lui reprochant sa mémoire chancelante, apparemment pressé de le voir aux Segnoriales. Parant le quinquennat précédent de toutes les vertus (sic), il a notamment dénoncé Benalla comme un triste sire alors que ce dernier avait auparavant fait carrière auprès de personnalités de gauche telles que Martine Aubry et François Hollande. Il s’est aussi gardé de dire que le badge d’accès au Parlement dont disposait M. Benalla lui avait été accordé sous la présidence de François Hollande. Une omission bien à propos. 

Les Républicains ont pris le relais par la bouche de M. Larrivé, vice-président plus technocratique que charismatique de la commission des Lois, mais aussi par l’entremise des Pieds Nickelés, Laurent Wauquiez, Eric Ciotti, Christian Jacob. Enfin pas Laurent Wauquiez. Conscient que l’affaire montée en épingle allait accoucher d’une souris, il a sagement préféré poursuivre son prosélytisme envers les adeptes de Saint Pie X et les restes de la Manif pour Tous dont il compte se faire un socle pour ronger les fondations d’un Rassemblement National devenu bien trop séculier. 

En bref, tout ce petit monde s’est trouvé sous le feu des projecteurs, y allant de ces petites phrases dont se régalent les journaux avec pour couronner le tout la sortie d’Alexis Corbière parlant de la présidente de la commission d’enquête Yael Braun-Pivet comme de "la Benalla de l’Assemblée". Avec ce genre de propos non maîtrisé, l’affaire originelle s’est retrouvée bien loin de ce qui l’avait provoqué, offerte en pâture aux fidèles collabos de réseaux sociaux qui, soudain, las de vouloir à tout bout-de-champ couper la tête à « Micron l’imposteur » ont pu déverser leur haine sur Mme Braun-Pivet avec tout le tact et la correction qu’on leur connaît.

On a reproché à Emmanuel Macron de se taire puis on lui a reproché de parler. On a bien sûr épilogué sur le « Qu’ils viennent me chercher » soi-disant inapproprié, maladroit, provocant, méprisant, etc…. etc…. A croire que ceux qui ont confisqué les micros pendant près de deux semaines n’ont jamais dit que de bonnes choses, n’ont usé que de bons arguments, n’ont jamais détenu que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. On a dépeint M. Benella comme une brute épaisse, un « reubeu » coutumier du coup de poing, une racaille de cité qui se donnait des allures de petit chef. On en a rajouté, autant sur la taille de son appartement, que sur sa voiture suréquipée en gadgets de police, son salaire de cadre de la SNCF et bien évidemment son usurpation d’insigne. Il ne lui manquait qu’une matraque, comment a-t-on pu oublier de lui en fournir une ? Pour M. Mélenchon, la gravité de cette affaire était un nouveau Watergate, sous entendant que le président était passible d’une accusation pour haute trahison. Quant aux communistes dont la duplicité est telle qu’on pourrait croire qu’ils ont renoncé à la dialectique fondamentale de leur doctrine au profit d’un humanisme gentillet du genre « aimons-nous les uns les autres », les voilà qui ont affiché pour la circonstance un comportement de vierge effarouchée. L’hôpital n’en finit pas de se moquer de la charité.

Le cynisme voudrait que l’on dise que M. Benalla a eu raison d’intervenir à un moment où la polémique enflait, reprochant à la police sa mollesse, sa passivité devant les casseurs. Il suffit pour cela de lire les articles qui ont suivi les manifestations du 1er mai ; tous s’en prenaient aux services d’ordre, trop peu nombreux, visiblement bridés tandis que les casseurs s’en donnaient à cœur joie. On a même alors parlé d’un véritable fiasco. Le but du Ministère de l’Intérieur était d’éviter les affrontements de peur d’avoir des blessés, voire pire. Dans ce sens, le pari a été réussi mais comme d’habitude nul n’a été satisfait. 

La France Insoumise qui, tout en faisant preuve d’une bienveillante neutralité vis-à-vis des black blocs, sorte d’alliés de circonstance dès lors qu’il faut s’en prendre au gouvernement, s’était focalisée sur son terrain de prédilection, les violences policières, smartphones à l’appui. Au sortir de cette journée d’une rare violence, le bilan était pourtant maigre. Les flics s’étaient tenus à carreau et les matraques n’avaient guère fait éclater de cuirs chevelus. Par bonheur, Place de la Contrescarpe, alors qu’on allait remballer les outils, deux jeunes militants pacifistes ont trouvé intelligent de s’en prendre à un petit groupe de CRS, lançant divers projectiles accompagnés de gestes explicites. Fidèles aux ordres, les CRS n'ont pas bougé ou peu mais se sont laissés voler la vedette par un individu que l’on a cru issu de leur rang, qui avait suivi la scène, et a semblé irrité par l’absence de réaction des forces de l’ordre. Certainement fatigué d’avoir été l’observateur d’un grand laisser faire de la part de la police, d’une véritable laisser casser, ces deux jeunes jouaient pour lui la partition de trop. Il les a neutralisé, manu militari. Que l’extrême gauche y ait trouvé là du grain à moudre, c’est d’ailleurs un de ses représentants qui filme la scène, rien de plus normal, elle joue son jeu, c’est bien elle qui scande que « tout le monde déteste la police » tout en légitimant la violence du prolétariat dont elle défend les intérêts au nom de sa lutte contre le capitalisme et ses sbires. 

Là où le bât blesse, c’est lorsque l’affaire est relayée par la droite et surtout l’extrême droite, peu réputés pour leur copinage avec les ultras gauchistes. La modeste affaire Benalla peut désormais devenir une vaste affaire Macron, les ingrédients y sont et ceux qui n’y sont pas peuvent y être rajoutés. L’emballement est prêt à commencer. Le Grand Cirque de la politique va battre son plein et le sang couler. Et puis, après tout ce tapage, pour finir, on a droit à un Pschitt ! comme aurait dit quelqu’un.

L’affaire a fini par lasser faute de rebondissement significatif. La vidéo a été visionné des millions de fois mais, à force d’être vues et revues, les images ont perdu de leur piquant. C’est vrai qu’il n’y a pas de sang, pas de bras ni de nez cassé, pas de coup de matraque, pas de quoi fouetter un Benalla.

Et à l’arrivée, ce qui devait arriver arriva. Après le tohu-bohu, le big bazar, les échanges musclés, le jeu des invectives, on en a oublié que le monde avait continué de tourner sans effacer les problèmes. Les migrants n’ont pas renoncé à l’Europe; en France, le chômage persiste et signe et la croissance décroît; la Russie prépare la victoire de Trump aux élections de mi-mandat; la Grèce exsangue n’a même plus les moyens de se protéger des incendies; la Terre se réchauffe beaucoup trop vite; François Hollande prépare son retour, diable!

Mais pour clore ce qui ne fut en résumé qu’une tempête dans un verre d’eau, heureusement que nous ne sommes gouvernés, ni par la France Insoumise car ces gens sont si persuadés d’avoir toujours raison qu’ils pensent comme Saint Just rendre les Français heureux malgré eux si nécessaire, ni par les Républicains car avec les Pieds Nickelés au pouvoir surgirait le spectre d’une Sarkozie calottine avec son cortège de turpitudes, ni par le PS de crainte d’un retour d'âge hasardeux, ni par le Rassemblement National de peur de la chienlit qui s'emparerait du pays.

L’affaire Benalla s’estompe à présent. Elle a mis en évidence des dysfonctionnements mais rien à voir avec le scandale prédit. Les vacances parlementaires arrivent, ce sera dans quelques jours la trêve des marchands de glace. Après le tintamarre qu’elle a contribué à provoquer, La France Insoumise veut croire en sa force et s’autorise quelque petit débordement. Ils sont 17 à la Chambre mais font du bruit comme 200. Sûrs qu’ils seront les maîtres du pays après la chute de Macron, ils osent déjà s’accorder quelques libertés. M. Bernalicis ne s’en est d’ailleurs pas privé, accompagnant de « smacks » aussi vulgaires que bruyants l’intervention de la secrétaire d’Etat Brune Poirson suite à la question perfide d’une de ses collègues sur le « Jour du Dépassement »  (qui bien évidemment n’arriverait en France que le 31 décembre si LFI était au pouvoir). Geste déplacé, démontrant d’un homme convaincu de sa supériorité qu’il perçoit surtout la femme comme un charmant objet digne d'être flattée pour son attrait physique, mais dont la parole ne présente aucun intérêt. En somme « sois belle et tais-toi ».

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