samedi 30 mars 2019

La France continue sa descente en douceur

D'un côté la réussite insolente de quelques fleurons de l'industrie française
Le mal français serait-il donc incurable ? Les choix politiques de ces trente dernières années ont, certes, conduit le pays dans un chemin creux mais une fois le diagnostic établi, faudrait-t-il se résigner à penser que tout est perdu, irrémédiablement. Bien sûr que non s’il nous reste encore un zeste de courage pour reconnaître qu’on a fait fausse route. Le constat est dramatique sans être irrévocable.
Le fait que nous assistions depuis trop longtemps à l’effondrement les uns après les autres de pans entiers de notre industrie ne devrait-il trouver son dénouement qu’avec la fermeture de notre toute dernière usine. Nous disposons, fort heureusement de quelques fleurons nationaux tels qu’Airbus, PSA, Renault et quelques autres sans, pour autant, parvenir à masquer la déliquescence progressive de notre tissu industriel. Ce sont les aciéries, les fonderies, les constructions mécaniques, les filatures, les ateliers textiles et à présent les papeteries qui payent le prix fort des atermoiements de nos gouvernants à considérer le travail comme une matière première destinée à alimenter la formidable machine à transferts sociaux qu’ils ont instituée.
Peut-être qu’un tel système n’entrait pas dans leur conception du monde mais ils ont préféré compenser par le biais des centrales syndicales héritées des ordonnances de 1945 les revendications de la rue au nom du maintien de la paix sociale, sans d’ailleurs vraiment y parvenir. Alors que la sonnette d’alarme a été tirée depuis plus de 30 ans en voyant nos régions laisser filer ailleurs leur savoir-faire, dépecer leur outil manufacturier et se défaire d’une main d’œuvre en pleine capacité en la condamnant à grossir les rangs des demandeurs d’emploi, nul n’a osé dire stop.
Les chefs des entreprises en difficulté ont disparu, honteux à jamais d’avoir conduit leurs sociétés à la faillite. A l’époque où l’on aurait pu réfléchir et étudier les raisons des fermetures inconsidérées d’usines aux quatre coins du territoire, personne n’a bougé. Cela a commencé sous Valéry Giscard d’Estaing avec la liquidation de Lip, une pépite de l'industrie horlogère. On s’est alors moins intéressé au sauvetage des employeurs qu’à la manière d’indemniser le chômage. Bien joué ! Grâce à la pression des acteurs sociaux, on s’est mis à aider ceux qui perdaient leur emploi sans penser à préserver ce même emploi. Tout s’est dès lors accéléré.

Avec le temps, on est en droit de demander des comptes. Comment de fait-il en effet que l’Etat qui sait si bien se mêler de tout, surtout de ce qui ne le regarde pas, ait fait la sourde oreille face aux risques que représentaient la désindustrialisation accélérée de régions dont la prospérité était liée depuis des décennies, voire plus d’un siècle au secteur secondaire. Nul n’a alors prêté l’oreille au désespoir des classes laborieuses, ces fameux cols bleus, âpres à la tâche, abandonnés sans même un geste de compassion une fois l’affaire réglée au niveau des ASSEDIC. La potion était d’autant plus amère que ce n’était pas pour eux la répétition du combat perdu de la diligence contre la machine à vapeur mais simplement le transfert de leurs compétences professionnelles vers des zones lointaines où la main d’œuvre était bon marché. Et on a ajouté à l’humiliation ressentie suite à la perte de son emploi un sentiment de culpabilité dû à cette idée de coûter trop cher.

De l'autre, l'usine JOB à Toulouse fermée en 2003
Autrefois la marque incontournable du papier cigarette
Pourquoi n’y-a-t-il personne en France, du moins du côté de nos politiques, pour s’intéresser à l’extraordinaire pénalisation que représente le coût du travail. On a la plupart du temps éludé le problème en avançant que les chômeurs n’avaient pas à se plaindre d’avoir perdu leur travail vu qu’ils gagnaient presque autant à ne pas travailler. Ce genre d’argument, à la petite semaine n’a pas fait rouvrir les usines pour autant. Il semble tout de même gravement préoccupant qu’après avoir vu la France devenir un désert industriel, au même moment en Allemagne, en Autriche ou aux Pays-Bas, les entreprises, les grandes comme les petites, affichaient une parfaite santé.

Les technocrates affûtés qui gèrent notre pays ont délibérément tourné leur regard ailleurs. Malgré tous les diplômes qui ornent les murs de leurs bureaux lambrissés, ces oligarques de l’administration considèrent de haut les élus des assemblées comme de simples oiseaux de passage, eux-mêmes drapés dans la morgue que leur autorise leurs privilèges. Rien de plus normal en fait, tant ils émanent d’un milieu formé à l’école française de l’administration, coincée dans des schémas d’après-guerre, persuadée que l’économie est au service de la politique et tient ses performances d’une planification bureaucratique qui la rend plus apte que n’importe quel autre système à répondre aux aspirations du peuple. Fort de sa vision macro-économique dirigiste pour ne pas dire anticapitaliste, le pouvoir a pensé qu’il n’y avait pas de meilleur remède pour transcender la réalité que de la mépriser, préférant de la sorte idéaliser son génie intrinsèque au travers de grands projets engageant la fierté de la nation tout entière. Dans l’ensemble fort coûteux et pas nécessairement de première utilité, ceux-ci ont surtout servi à satisfaire un orgueil de classe, aux dépens de tout ce qui lui paraissait trop prosaïque, terre-à-terre. Cette volonté de voir résolument grand dans un imaginaire à mi-chemin entre la science-fiction et le monde selon Orwell a tout simplement anéanti les chances de résilience du petit univers de l’entreprise.

C’est ainsi que la France a vu s’échapper de ses mains les outils de son labeur, cédant à des inconnus l’âme même de son ingénierie. Tout cela pourquoi ? Pour quelques dollars de plus, uniquement. On a été capable d’instaurer l’Etat d’Urgence suite aux attentats terroristes, pourquoi n’a-t-on pas eu le même courage en décrétant l’Etat d’Urgence suite à la mort de notre industrie. Ce n’est pas pareil ! Des millions de vie valent donc moins que des dizaines. La triste diagonale du vide qui a fait d’une large partie de la France une terre de déclassement et de désespoir n’aurait donc que ce qu’elle mérite. Mais en quoi aurait-elle failli ? La France serait donc ce pays inégalitaire qui devrait consacrer son énergie et ses moyens au service des uns et aux dépens des autres. N’y avait-il donc rien à faire que d’assister au déménagement vers l’étranger de nos machines ? C’est certainement là que le bât blesse. Par quel opportunisme un pays qui s’était instauré pour règles économiques celles de la planification pouvait-il y renoncer par une sorte de curieuse fatalité ? La faillite vient uniquement des politiques qui ont gouverné le pays et du clientélisme qui les animent.

La planification que l’on appelle aussi l’économie administrée serait-elle donc passée à côté des difficultés de son industrie nationale, trop occupée à faire valoir la réussite de quelques grandes entreprises ultra-subventionnées. Même gouvernée par la droite, la France a depuis 1936, subi la loi des syndicats et de partis aux ordres d’intérêts supra-nationaux pour promouvoir une culture fondamentalement opposée à l’actionnariat privé, mettant dans le même panier la tête des grands financiers du CAC 40 et celle du petit patron d’une société de quelques salariés. Tous des profiteurs, tous à la lanterne. Cette litanie reprise en chœur par toutes les organisations de gauche, pour la plupart aux mains des agents de l’Etat a eu pour effet de semer l’opprobre sur tous les chefs d’entreprise quels qu’ils soient, sans pitié pour aucun. Dès lors, plus personne dans la hiérarchie au pouvoir n'a eu d'intérêt à vouloir sauver les entreprises en difficulté tant celles-ci ne devaient en fait leur mauvais sort qu’à des patrons voyous trop gourmands. Personne ne s’est donc jamais posé la question du coût du travail?  Bien sûr que si mais telle la voix qui crie dans le désert. La culture française n’a jamais eu de cesse de s’en prendre à la classe des dirigeants d’entreprise comme responsables de tous ses maux. En d’autres temps, on les aurait arrêtés et condamnés à mort pour leurs crimes, justifiant par un pacte qu’ils auraient scellé avec on ne sait quelle confrérie secrète, le fait de mettre leurs propres affaires en difficulté et d’envoyer leurs salariés au chômage.

L'usine GM&S de La Souterraine
L'aventure s'est achevée laissant bien tard à des syndicats blancs
comme neige le soin de dénoncer les patrons voyous 
Il n’y aura donc personne d’assez courageux pour engager la vraie réforme destinée à enrayer la spirale infernale. Il est impératif de réfléchir à la manière de moduler la charge qui pèse sur celui qui travaille. Celui qui a la chance de travailler doit payer à la fois pour celui qui a la malchance d’être malade, celui qui a la malchance de ne pas avoir de travail et celui qui a la malchance de ne plus pouvoir travailler. Cela fait beaucoup de monde et cela coûte une fortune. D’autant plus que moins il y a de travail, plus il faut payer de chômeurs et plus il faut faire payer ceux qui continuent d’avoir un emploi. Le système de solidarité à la Française fait preuve d’une réelle perversité en s’obstinant à faire uniquement peser sur le salarié qui, de son côté n’a souvent droit à rien, la charge de signer leur chèque à tous ceux qui attendent le revenu promis par l’Etat Providence.
On assiste, donc, bien souvent impuissants, à la liquidation, les unes après les autres de nos entreprises, non pas que leur outil de production soit totalement obsolète, non pas que leur catalogue soit archaïque, elles sont même intrinsèquement performantes, disposant de surcroît d’un personnel haut de gamme. Elles ont des coûts de production parmi les plus compétitifs, sauf qu’elles sont, selon leur activité, étranglées par le taux des cotisations obligatoires. Certains crient au scandale dès lors qu’on dénonce la part qui pèse sur les salaires mais, même si l’on nous dit que nous avons le meilleur système de santé au monde, l’addition reste salée lorsqu’on sait qu’il faut en plus y ajouter à ses propres frais une mutuelle pour obtenir en partie le remboursement des frais engagés. Malgré le poids des charges sociales dont la France détient le record du monde, il faut quand même payer pour être soigné. Un avantage cependant, certes modeste mais ne boudons pas les quelques Euros que l’on peut économiser, pour une fois, on peut choisir sa mutuelle. Dommage que ce ne soit pas le cas des organismes chargés de collecter les cotisations des entreprises. Pourquoi ne bénéficie-t-on pas de liberté choix? Pourquoi n'y a-t-il pas de concurrence et donc aucune limite aux abus au sein des organismes collecteurs ? Pourquoi faut-il que tout le monde soit logé à la même enseigne? Pourquoi ne peut-on pas bénéficier d’un système à la carte, plus adapté aux aspirations mais surtout aux réalités du tissu économique ? Pourquoi ne modulerait-on pas non plus le calcul des charges en fonction du type d’activité ? Pourquoi les agriculteurs si indispensables à la vie du pays devraient-ils payer des cotisations plus élevées que des professionnels de la haute technologie, bien moins utiles, mais qui bénéficient dans le cadre de leur activité d’une forte valeur ajoutée. Oui, pourquoi ?

Molex à Villemur
La fabrication est partie en Chine. L'Assurance Garantie des Salaires et
Pôle Emploi prennent le relais. A l'arrivée, les emplois ont disparu
L’Etat ne bouge pas là où il faudrait. Nos hauts fonctionnaires savent bien que le mal de l’industrie française réside dans la part surréaliste des cotisations obligatoires qui pèsent sur les salaires. D’un côté, nous avons les Gilets Jaunes qui se plaignent de gagner trop peu pour vivre décemment et de l’autre les employeurs qui n’en finissent pas de passer à la caisse pour nourrir des caisses de recouvrement gloutonnes dont le moindre défaut n’est pas l'empathie. Il faut payer ou disparaître. Sauf qu’à la fin, c’est à la fois payer puis disparaître.

On a dit que la France était un pays communiste qui avait réussi. A ce rythme, il va finir par échouer comme les autres, à l’exception bien évidemment de la Chine mais est-ce encore un régime communiste ? Dans ce contexte, pourquoi ne pas tous devenir des salariés de l’Etat, finissons-en avec l’entreprise privée et faisons de la France un nouveau modèle de société socialiste. Cette idée devrait convenir aux Gilets Jaunes, eux qui à chaque semaine qui passe, proclament leur haine du capital et des capitalistes. Au moins plus de jaloux ni de mécontents, plus de manifestations et tous les dimanches en famille. Nous aurons au moins la sécurité de l’emploi et il n’y aura plus de faillites. Jean-Luc Mélenchon en a rêvé, la CGT et SUD s’en sont fait les porte-parole, peut-être les Français sont-ils murs pour franchir ce pas. Et on verra ce qu’on verra.

Thomas Hollande, l'avocat du papetier Arjowiggins annonce la mise en liquidation de l'entreprise
La série continue. Encore du travail pour Pôle Emploi



     

lundi 25 mars 2019

Brexit : quand le Référendum tourne au cauchemar

Londres le 16 mars
Près d'un million de manifestants pour la Marche anti-Brexit

Tandis qu’ils étaient près d’un million à Londres à défiler pour revenir sur le résultat du référendum qui a sonné, il y a 3 ans, la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne, ils étaient 40 000 en France à vouloir faire du référendum un mode de gouvernement.
David Cameron, le 1er ministre britannique qui a déclenché le Référendum sur la sortie du Royaume Uni de l’Europe était persuadé que les sujets de Sa Majesté diraient non au Brexit. Or ceux-ci ont dit oui. Oui au grand saut dans l’inconnu par une sorte de haine de l’Europe ou plutôt des fonctionnaires de Bruxelles. 
L’Europe, mère de tous les maux, certes, mais desquels en particulier ? Difficile à dire, tout se joue parfois dans la tête. L’Europe bouc émissaire facile, c’est sûr. On connaît bien ce genre d’argument en France. L’Angleterre avait tout gagné de l’Europe. C’était grâce à l’Europe qu’elle était sortie de la crise des années 70, après avoir connu une dégradation sociale sans précédent, une désindustrialisation vertigineuse et une impuissance politique critique. C’était aussi grâce à l’Europe que Margaret Thatcher, la Dame de Fer avait pu bénéficier des aides nécessaires à la mutation de son économie et à la reconquête de son statut de grande puissance. Aucun des pays de l’Union Européenne n’avait jamais été autant choyé que le Royaume Uni. Ingratitude de l’enfant gâté, cela n’a pas suffi. Même l’accord du Touquet par lequel la France acceptait de stopper le flux migratoire à destination de l’Angleterre s'est avéré insuffisant. 
Et pour remercier l’Europe et les Européens d’avoir autant fait pour eux, les Anglais ont dit qu’ils iraient beaucoup mieux seuls, oubliant simplement que l’Europe avait été là pour leur éviter le chaos 40 ans plus tôt. 
Les Irlandais du Nord et les Ecossais, plus sensés, ont compris qu’une sortie de l’Europe serait une calamité mais en Angleterre, on a voulu croire au conte de fée une fois libéré du diktat de Bruxelles. 

Theresa May, Première Ministre
Conduire le Brexit à son terme est devenu Mission Impossible
On sait que la plupart des villes voulaient rester à l’intérieur de l’Union mais que ce sont les campagnes qui ont voté pour le Brexit. Rien de moins que le syndrome du chien qui mord la main de celui qui le nourrit. L’agriculture et le monde rural anglais ont souvent évité la faillite grâce à l’Europe. Le discours des Brexiters, ceux-là même qui ont promis un avenir en rose, n’a été qu’une machine à fake-news, une formidable escroquerie, un montage téléguidé entre autres par des intérêts extra-nationaux dont l’objectif était de fragiliser voire d’abattre l’Union Européenne. 
On constate à présent le mutisme ou la désertion de ceux qui ont réussi à convaincre l’opinion britannique de sortir de l’Union. Ils se taisent ou sont tout bonnement sortis des écrans radar, une fois leur forfait accompli. 
Mais qu’en est-il à présent ? Nos amis britanniques sont suspendus au bord de la falaise, voyant à l'horizon s’éloigner les côtes françaises. Ils ont le sentiment que leur île depuis toujours adossée à l’Europe va bientôt dériver vers on ne sait quel improbable longitude. D’aucuns parlent d’un rapprochement avec le fils prodigue américain. Depuis Yorktown, l’ancienne colonie qui n’a de cesse de s’émanciper de ses Pilgrims Fathers considère avec condescendance sa vieille tutrice, s’enorgueillissant de lui donner à présent l’aumône après l’avoir extirpé du carcan européen. Quel intérêt les Etats-Unis auraient-ils eu à vouloir faire sortir le RU de l’UE hormis l’envie de briser cette même union. Unie, l’Europe pouvait être une redoutable compétitrice pour les deux hyperpuissances que sont les Etats-Unis et la Chine. Sauf qu’englués dans leurs querelles intestines habituelles, les Européens n’ont pas vu le "Raminagrobis" pékinois s’immiscer à pas feutrés dans leurs petites affaires et planter ses griffes. Point gagnant, à ce jeu, la dictature aura le dernier mot sur la démocratie.

Boris Johnson au centre
Champion du Hard Brexit, il se verrait bien Premier Ministre
Le Royaume Uni vit ses derniers jours au sein de l’Union Européenne. Ce que les Britanniques ne considéraient jusque là que comme une émancipation voire une libération se révèle soudain être un vrai tremblement de terre. Enfin libres certes mais seuls, le réveil est compliqué, la gueule de bois ne fait que commencer. Certains s’obstinent à démontrer que tout ira mieux après mais, comme dans tout divorce, le partage des biens entre les ex-époux ne se fait jamais dans la sérénité. C’est même comme un mouvement de panique qui secoue le gouvernement britannique, contraint de demander un délai supplémentaire après avoir eu trois ans pour préparer sa sortie. Les Brexiters acharnés que sont Boris Johnson ou Jacob Rees-Mogg piaffent surtout d'impatience à l'idée de faire bientôt tomber Theresa May et prendre sa suite. Les ficelles sont cependant si grosses que le peuple britannique sort à présent de sa torpeur, convaincu que la manœuvre en préparation risque de conduire le pays à la catastrophe.

Brexit or not Brexit, That is now the question
La patience des 27 ayant atteint ses limites, c’est le Royaume Uni qui va bientôt se retrouver nu. Il est loin, en effet, le temps où Margaret Thatcher réclamait avec fracas son chèque à Bruxelles. Cette fois ci, plus de chèque mais assurément un coût à payer très élevé. Le retour des anciennes frontières va bientôt dresser un mur entre le Royaume Uni et le continent européen, ramenant en quelque sorte le pays au même niveau que la Turquie ou la Biélorussie. Les échanges commerciaux vont retrouver leur complexité d’autrefois, douanes, transitaires, taxes. Les Européens seront de nouveau des foreigners une fois entrés sur le sol britannique et les Britanniques des foreigners en Europe, rien d'autre que des ressortissants lambda venus d’autres continents. Quant à la Livre Sterling, elle risque d'être fortement dévaluée, entraînant une forte hausse des produits alimentaires.

Une insularité risquant de devenir un véritable casse-tête en cas
de Brexit dur
On entend à Londres les anti-Europe parler du Commonwealth comme de la solution pour l’avenir du pays. Une façon de déplacer le problème mais certainement pas une solution. Le Commonwealth regroupe tant bien que mal les anciennes colonies britanniques et si la Reine en est le chef symbolique, cette communauté disparate n’a plus guère qu’une vocation culturelle. Les anciennes colonies ont eu non seulement le temps de s’éloigner de leur ancienne dominatrice mais des pays comme l’Inde, le Canada ou l’Australie ne verraient assurément aucun intérêt à lui servir de roue de secours. Ne parlons même pas des pays africains.


D’où peuvent venir les solutions une fois le divorce prononcé avec l’Union Européenne?
Les Etats-Unis ? Est-ce que nos amis britanniques souhaitent vraiment devenir le satellite à part entière de Washington. Le fiston américain pourrait faire du Royaume Uni son 51ème Etat, une sacrée revanche d’un côté, une jolie humiliation de l’autre.
La Chine ? L’Empire du Milieu serait très honoré d’agrafer la Reine d’Angleterre à son tableau de chasse. Ce serait peut-être pour lui une bonne occasion de finir de mettre en miettes l’Union Européenne et pour le Royaume Uni celle de faire entrer le big bad wolf dans le gentil cottage.
La Russie ? Après l’affaire Skripal, ce serait un bon coup pour Vladimir Poutine. Mais la Russie n’a rien à apporter à la Grande Bretagne hormis de bons espions. Et pour Moscou, un rapprochement avec les 27 vaut mieux qu’un improbable marché avec Londres.

Et si l'Ecosse faisait sécession pour rester dans l'Union
A quelques jours du Brexit, la panique s’est emparée du peuple britannique. Le résultat du Référendum en faveur de la sortie de l’Union est perçu comme la conséquence inattendue d’une monstrueuse tromperie, d’une série funeste de mensonges dont ont profité une bande d'opportunistes pour égarer l’opinion. A n’en pas douter, un nouveau référendum sonnerait le glas du Brexit. Ils sont déjà plus de cinq millions à avoir signé la pétition pour in fine le maintien du Royaume dans l’Union. Ils seront peut-être cinq millions de plus dans quelques jours. Déjà l’Ecosse menace de briser l’unité du Royaume consciente que le Brexit aura pour conséquence la suppression des aides européennes dont elle bénéficie grassement. Il en est de même pour l’Irlande du Nord avec un risque de tensions entre communautés lorsque va être rematérialisée la frontière avec les cousins du sud restés eux dans l’Europe.

S’il y avait une leçon à tirer d’un tel épisode, ce serait de revoir la façon de donner la parole au peuple. On a tendance à percevoir le référendum comme un choix absolu, incontournable, irrévocable. En fait, un référendum est un peu comme un sondage ; il donne une situation de l’opinion à un moment donné sauf que contrairement au sondage qui n’est qu’une statistique, le référendum fige cette situation semblant ignorer que l’opinion fait preuve de versatilité.
Peut-être faudrait-il envisager un référendum comme un match et le jouer en deux manches avec en cas d’égalité une prolongation. Si la première réponse est confirmée lors de la seconde consultation, le résultat serait validé. Si en revanche elle était infirmée et qu’un oui victorieux lors du premier vote fasse la place à un non lors du second, on procéderait alors à un troisième vote dont le résultat serait acquis comme définitif. Ceci pourrait permettre à chacun de faire valoir ses arguments et surtout de ne pas tomber dans le piège des passions ou des « infox » qui semblent aujourd’hui avoir trop d’influence sur les scrutins. Le processus serait bien sur plus long mais le temps perdu au départ éviterait par la suite des déboires interminables.

Conséquence du Brexit
Un Royaume plus désuni que jamais


dimanche 24 mars 2019

Pourquoi Le Caravage nous fascine autant


Le Caravage "Judith coupant la tête d'Holopherne" (c.1607)

On croyait avoir achevé l’inventaire des œuvres du Caravage, y compris celles perdues du fait des accidents de l’histoire, jusqu’à ce jour de 2014 où du fond d’un grenier de Toulouse a été exhumée une toile mystérieuse dont il est vite apparu qu’il s’agissait certainement d’un tableau disparu du maître italien. La restauration vient de rendre son verdict, ce « Judith et Holopherne » est indiscutablement un original. Le sujet est violent, traité avec une brutalité à la limite du supportable comme l'affectionne, toutefois, le peintre. La datation correspond de plus à un moment de sa vie où il est sous le coup d'une condamnation à mort, comme si derrière le caractère spectaculaire de cette décapitation, c'était sa propre exécution qu'il avait voulu mettre en scène. L'horreur de la tête tranchée d'où jaillit le sang concentre cependant moins l'attention que le regard bravache et l'expression glaciale de Judith saisie en pleine action.
Certains experts ont émis des doutes sur l'authenticité du tableau, y trouvant plus de concordances avec un des suiveurs du Caravage, le peintre flamand Louis Finson. Ce fut certes une intéressante attribution mais la facture de ce dernier est rarement aussi fluide et ses contrastes y sont d'ordinaire plus stéréotypés. Un des éléments qui ont semé le doute est du à la présence de cette vieille servante, totalement hideuse. Cette femme au visage buriné extrêmement ridé, la bouche édentée, affectée d'un goître multinodale qui, en lui déformant le cou, en fait presque un personnage monstrueux par opposition au teint lisse et limpide de Judith. Caravage ayant l'habitude de travailler avec des modèles vivants, le fait de représenter des difformités physiques correspondrait plutôt à son parti de ne rien céder à la matérialité de la chair, fusse-t-elle dérangeante.

Le Louvre n'a pas encore donné suite à une éventuelle acquisition de la toile mais il ne fait aucun doute qu'il y aura du monde lors de sa mise aux enchères le 27 juin prochain à Toulouse.

Arrêtons-nous un moment sur ce peintre vraiment pas comme les autres.

Resté dans l’ombre pendant plus de trois siècles, Le Caravage, de son vrai nom Michelangelo Merisi, est, pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, un peintre lombard qui a travaillé à la charnière des 16ème et 17ème siècle. Un vrai personnage de roman, à la fois un bellâtre, un génie, un criminel, un fugitif et à la fin un héros tragique. Peintre forcené, insatiable mais bien souvent dépassé par son tempérament irascible et impétueux, il a ponctué son itinéraire complètement atypique d’œuvres novatrices, d'une fulgurante originalité. On lui doit le clair-obscur, le ténébrisme, le réalisme, la peinture de genre, en somme le caravagisme, un courant majeur de l'aventure picturale.


Il n'y a pas besoin d'être un spécialiste en la matière pour ressentir une émotion très particulière face à ses toiles tant il maîtrise la dimension dramatique en traitant ses personnages avec un réalisme sans concession au sein de scénographies très resserrées dans une atmosphère de tension propice aux scènes se déroulant la nuit. En sa qualité de peintre d’atelier, jamais autant à l'aise que dans cette ambiance crépusculaire où ce sont les chandelles qui sculptent les corps entre ombre et lumière, s’embarrassant peu de détails décoratifs tout en s'attardant avec malice (n'oublions pas qu'il excellait dans les natures mortes) sur les quelques accessoires figurant dans ses tableaux, Le Caravage avait pour préoccupation de provoquer le spectateur, de le prendre à témoin voire de l'intégrer à sa démarche. Il concevait la vie à l’image de sa peinture, charnelle, sombre, ardente.

La Conversion de Marie-Madeleine
Institute of Arts, Detroit (MI)
Un réel clin d'oeil de Caravage à la peinture vénitienne
Tableau à messages par excellence, chargé de symboles
La gravité de l'expression de Marie-Madeleine magnétise littéralement
le spectateur
Une figure singulière en effet que cet artiste, totalement impliqué dans un rejet de la superficialité du maniérisme dominant. Tout l’opposait effectivement aux peintres à la mode dans la ville éternelle, dont les compositions raffinées et complexes se répandaient sur les murs des églises et des palais, précédées de séries d’esquisses et de dessins comme autant d’étapes nécessaires à la maturation des projets. On ne connaît en revanche aucun dessin du Caravage. On le lui a reproché, à l’époque. Son pinceau lui servait de crayon. D’une habileté prodigieuse, il était capable de peindre ses personnages sur le vif, variant avec ingéniosité les mises en scène sans pourtant s’éloigner d’un schéma redondant au fil des toiles, un truc de peintre impatient. C’est surtout à Rome que sa carrière a explosé, bénéficiant du soutien de hauts dignitaires convaincus de la profonde originalité de son talent autant que de ses qualités artistiques.

Le fait de travailler pour l’aristocratie romaine et de bénéficier d’un statut fort enviable autant que d’une réelle reconnaissance ne l'empêchait pas de passer ses nuits dans l’atmosphère turbulente des tavernes où l’on se querellait à la moindre contrariété. C’est là qu’il y trouvait parfois son inspiration mais aussi ses modèles, hommes, femmes, jeunes aussi bien que vieillards. Dans son atelier, une fois qu’il avait défini la pose qu'il attendait de son modèle, il partait de sa toile apprêtée pour entamer directement au pinceau la réalisation du portrait. Cette manière de travailler directement sur le vivant lui permettait d’obtenir un rendu d’un réalisme expressif totalement saisissant. Ces personnages étaient de la sorte surpris dans l'action. L’intérêt était ensuite porté aux vêtements, soignant de la même manière les lingeries légères, les grands drapés théatraux aux plis pesants ou encore les luxueuse étoffes de la mondanité. Pour les très grands formats, les zones sombres prédominaient de manière à suggérer un environnement nocturne et surtout d’éviter de perdre un temps inutile dans des détails de paysage qui, selon lui, n’auraient fait que détourner l’attention du spectateur sur l’essentiel, c’est-à-dire le sujet en tant que tel.

La Mort de la Vierge (détail)
Musée du Louvre, Paris
Il s’agissait véritablement d’un choix car, pour Caravage, l’intérêt d’une œuvre résidait d’abord dans la capacité de l’artiste à offrir à ses personnages une personnalité propre, une pensée intérieure, une réelle psychologie destinée à interpeller le spectateur. C’est aussi la raison pour laquelle la palette des carnations était aussi riche et contrastée, en opposition avec les autres éléments de ses œuvres, où les blancs lumineux se détachent sur des tonalités sombres dominées par le rouge, le vert ou l’ocre pour les tissus, le brun et le gris pour les fonds.
Il serait en revanche mal venu de prétendre que le fait de simplifier les décors serait dû à une difficulté. Il s’agissait là d’un choix assumé. Caravage avait réalisé dans sa jeunesse de magnifiques natures mortes et s’était même intéressé au paysage au moins dans un tableau « Repos pendant la Fuite en Egypte » mais ce n’était pas ce qu’il recherchait. On pourrait aussi dire qu’il ne maîtrisait pas la perspective et que c’est la raison pour laquelle ses toiles n’ont pas de profondeur. Elles n’ont certes pas de profondeur du fait qu’il met en scène ses personnages dans des espaces clos mais ces personnages créent au contraire le relief, modelés par les contrastes d’ombre et de lumière et souvent disposés de manière à être eux-mêmes en perspective.
Un des exemples les plus frappants est bien le tableau représentant le Souper à Emmaus dont un des deux pèlerins apparaissant de profil tend les deux bras en signe de surprise formant une croix, un geste représenté dans la profondeur qui constitue un raccourci d’une totale hardiesse. Le coude du pélerin de gauche semblant crever la toile est également une manière de créer la profondeur. Un détail savoureux auquel Caravage s'est manifestement plu à donner de l'importance est bien ce poulet rôti que le Christ bénit, transformant le modeste repas de l'Evangile en un délicieux festin.

Madone des Pélerins
(Eglise Saint Augustin, Rome)
Ce qui caractérise aussi Caravage est son intérêt pour ses modèles, souvent les mêmes par ailleurs, et sa façon de les sublimer. Les vieillards qu’il met en scène ont une présence toute particulière, on pourrait même dire une noblesse monumentale. Pieds nus, la plante souillée par la terre des chemins, ils possèdent dans leur attitude une dignité toute particulière. La Madone des Pélerins qui orne une des chapelles de l’église Saint Augustin à Rome est à ce titre tout à fait révélatrice de la capacité de Caravage à la personnalisation. Les deux pèlerins agenouillés au pied de la Vierge sont d’un réalisme qui les confond avec les gens du peuple venus prier. En apparaissant au premier plan du tableau, ils constituent en quelque sorte le lien formel entre le divin et le réel, invitant dans une même communion les fidèles de passage. Mais le génie ne s’arrête pas là. Pour celui qui connaît cette grande toile d’autel, la Vierge n’est pas une icône ni la Mater Dolorosa, mais une jeune femme digne d’une statue grecque, posant avec élégance, tenant l’Enfant, un bambin en chair et en os, pesant dans les bras de sa mère dont on ressent l’effort.

Autant Caravage possédait en tant qu’artiste tous les talents qu’on puisse espérer, autant sa vie fut chaotique. Il lui manquait assurément une qualité : l’humilité. Très vite conscient de son talent, il s’est fâché avec tous ceux qui l’ont formé, jusqu’à Rome où son orgueil et son tempérament à fleur de peau l’ont conduit devant les tribunaux pour violences répétées. Adulé par les uns, honnis par les autres, il s’est fait un certain nombre d’ennemis.

Le Souper à Emmaüs
National Gallery, Londres

















Et c’est un jour de mai 1606 qu’il tue un homme d’un coup d’épée lors d’une bagarre, pas n’importe qui, Ranuccio Tomassoni, un membre de la puissante famille Farnese qui a déjà compté un pape. Il s’enfuit à Naples pour échapper à la condamnation à mort. De là, il part pour Malte où ses talents de peintre l'introduisent bientôt au sein de la noblesse locale. Bien qu'élevé au grade de Chevalier de l’Ordre de Malte, le voilà vite rattrapé par ses démons. Jeté en prison après de nouvelles bagarres, il s’évade au moyen d’une corde. Radié de l’Ordre, il s’enfuit en Sicile où il peint encore de nouveaux chefs d’œuvre. C’est là qu’il apprend que le pape envisage de lui accorder sa grâce. Il se rend alors à Naples où sa réputation est telle qu’on lui commande à nouveau des toiles. Une fois encore, il se trouve pris dans une rixe au cours de laquelle il manque de trouver la mort. En juillet 1610, il est décidé à retourner à Rome où le pape Scipion Borghese doit lui accorder son pardon. Il prend un bateau qui le conduit d’abord à Porto Ercole, sur la côte toscane. Cette escale va lui être fatale. Le 18 juillet, malade, il meurt à l’hôpital local alors que la grâce papale vient de lui être accordée. Il a 38 ans. Il est probable qu’il ait été atteint de saturnisme, victime du blanc de plomb qui était alors un composant majeur de la peinture à l’huile. Il présentait également les symptômes de la siphylis mais c'est, selon toute vraisemblance, une septicémie qui l'a emporté.

David tenant la tête de Goliath
Galerie Borghese, Rome
Hormis son parcours hors norme, Caravage fait aussi transparaître dans certains tableaux le visage d’une homme torturé, conscient de la violence de son tempérament et du châtiment qui le menace. Déjà dans le Martyre de Saint Matthieu qui orne la chapelle Contarelli dans l’église St Louis des Français (Rome), il apparaît en silhouette comme un témoin indiscret de la scène représentée dans toute sa violence. Mais c’est surtout le David et Goliath (Galerie Borgese, Rome) qui donne la pleine mesure des démons qui le hantent. Il peint le tableau alors qu’il est poursuivi pour meurtre et menacé d’être décapité. C’est ce qu’il illustre en se représentant sous les traits de Goliath, la tête tranchée, comme s’il avait voulu à travers la toile représenter le sort qui lui est réservé, se reconnaissant ainsi comme une créature du mal.

Pourquoi Le Caravage continue à fasciner autant?  Peut-être parce qu'il a su mieux que quiconque représenter la nature humaine dans sa misère et sa résilience, partagée entre l'ombre et la lumière. Peut-être fût-il aussi, au travers de ses œuvres, le premier artiste féministe?      


jeudi 21 mars 2019

Blocs Jaunes et Black Gilets


Mariage en jaune et noir
On n'a rien à perdre à casser ce qui ne nous appartient pas
Selon les sondages, un Français sur deux soutient toujours le mouvement des Gilets Jaunes. Malgré les débordements, les pillages, les dégradations et tous les appels à l'insurrection qui fleurissent sur les réseaux sociaux, un bon nombre de nos concitoyens trouve tout à fait légitime que l’on s’en prenne à aux bâtiments et aux commerces pour combattre les injustices fiscale et sociale dont ils seraient victimes depuis la dernière élection présidentielle. Ces injustices se traduisant par une perte de pouvoir d’achat et des fins de mois difficiles, quelque chose qui n'existait pas avant, c’est, selon eux, au nouveau gouvernement et à Macron en particulier d'en payer les frais.

Bien que programmée depuis le précédent quinquennat, la hausse de la taxe carbone sur le carburant a été, comme chacun sait le catalyseur de la contestation mais, maintenant que les revendications d’origine ont été pour une large part satisfaites, comment se fait-il qu’une poignée d'individus  s'entête à semer le désordre tous les samedis, sauf peut-être à renifler l'odeur du sang. Cette grand'messe hebdomadaire  rassemblant les adeptes en jaune et noir venus communier autour de la dépouille symbolique de « Macron l’imposteur » semble encore avoir l’assentiment d’une partie notoire de l’opinion.  

Le Fouquet's
Ce resto des stars qu'on déteste par principe tant il représente
ces privilégiés exonérés d'ISF
Certains se repaissent avec délectation des images d’émeutes et de saccages, les justifiant comme la réponse appropriée au refus du gouvernement d’écouter le cri de la rue. On n'hésite pas, pour cela, à s'exhiber triomphant sur des selfies devant les ruines du Fouquet’s ou une banque incendiée . « On ne s’arrêtera que quand on nous aura écouté » entend-on parmi les manifestants. « Le gouvernement ne veut pas nous entendre, il nous méprise. On continue et on ne lâchera rien » disent encore des Gilets Jaunes. "Macron  doit être destitué et traduit en justice"  lance la rage au ventre un Gilet Jaune de Lézignan.  Il y a de toute évidence une forme de schizophrénie à l’intérieur de cette mobilisation. Les Gilets Jaunes ont refusé dans un premier temps d’être reçus à Matignon ; ils ont dans un second temps réfuté l’idée même d’avoir des représentants ou des délégués ; ils ont ensuite boudé les réunions dans le cadre du Grand Débat. De deux choses l’une, soit ils n’ont rien à dire de bien cohérent une fois avoir appelé à la démission de Macron et déversé leur haine de la différence, soit ils estiment que leurs propositions ne souffrent aucun débat et qu’il leur faut les imposer coûte que coûte, quitte à tout casser.

Les Gilets Jaunes qui sont les premiers à déplorer le mépris dont, selon eux, le gouvernement ferait preuve à leur égard, auraient bien besoin de prendre un peu de recul pour faire l’analyse critique de leur mouvement. Ils ont déjà obtenu davantage qu'avant eux, les corps intermédiaires dont les syndicats pourtant habitués à des démonstrations populaires d’une autre ampleur. 

Persuadés que c’était par la violence que le pouvoir céderait, ils ont estimé détenir, de cette façon, la bonne méthode en se dédouanant à bon compte aux dépens de l’exécutif, l'accusant d'être le vrai responsable de toutes leurs exactions. Mais comment appréhender ces manifestations si on peut encore appeler manifestation ce qui n’est autre que du chambard, dans le mépris le plus total de tous ceux qui ont le malheur de se trouver sur leur chemin et qui se voient brutalement dépouillés de leur emploi, découvrant effarés leurs lieux de travail pillés ou réduits en cendres. 

Pour les Gilets Jaunes qui se revendiquent du peuple, nul ne doit entraver leur funeste parcours, et surtout pas ces salariés, même modestes qui continuent de travailler au lieu de les rejoindre, identifiés comme des traîtres à la solde du macronisme. Ce qui finit par caractériser le mouvement est sa formidable outrecuidance, un sentiment d’hyperpuissance qui l’autorise à transgresser toutes les règles de la vie en société au nom de sa colère. Il suffit de voir les deux figures de la sécession qui font le buzz sur les réseaux sociaux, les ci-devant Drouet et Nicolle.

Henri De Larochejaquelein
Jeune héros de la  France rurale mort à 21 ans lors
du génocide vendéen
Quel désastre en vérité, quelle vacuité dans l'argumentaire, ils font honte à de véritables inspirateurs de révolte, des Spartacus, Pougatchev, Sitting Bull ou Rosa Luxembourg. Ils font même honte à ces héroïnes et ces héros, insurgés contre les excès du pouvoir, dont les hauts faits jalonnent l’histoire de France à l’image d’Etienne Marcel, Jeanne Hachette, Perrinet Parpaille, Clément de Pontcallec, Louis Mandrin, Henri de Larochejaquelein, Louise Michel et tant d’autres….qui bien souvent payèrent de leur vie leur panache et leur sens de la justice. 

C’est aujourd’hui sur Facebook et YouTube, dans le confort feutré d’un studio voire du fond d’un canapé que naissent les appels à l’insurrection, formant ainsi un cocktail improbable de réel et de virtuel pour ces nouvelles stars de la TV-Réalité dont la première préoccupation consiste à cumuler les « like » après chaque épisode de Streetfighter sur les Champs Elysées.

Samedi 16 mars : trou d’air dans le service d’ordre. Craignant d’être à nouveau fustigées par la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU ou le Défenseur des Droits Monsieur Jacques Toubon après qu’ils aient tous deux condamné les violences policières, les autorités ont bridé leurs troupes de peur de voir encore circuler en boucle sur les réseaux sociaux les images de badauds présumés innocents, atrocement mutilés, éborgnés, la main arrachée, agonisant dans une mare de sang. Mal leur en a pris. Les Gilets Jaunes et leurs alliés les sinistres Black Blocs se sont senti l’âme de Hell's Angels, s’acharnant à faire des Champs-Elysées, dont Gustave Flaubert lui-même, s'était plû, en son temps, à immortaliser les embouteillages de calèches, la plus laide avenue du monde. Ils étaient à peine 10 000 à former cette prétendue marée humaine, une marée noire en fait, prompts à diffuser leurs méfaits sur Facebook, fiers d’avoir piétiné les symboles du capitalisme judaïsant tandis qu’au même moment, ils étaient 40 000 autres à s’être mobilisés sans heurts ni violences pour le climat. Entre ces deux mouvements, certains osent sans honte parler de convergence. Quelle drôle d’idée, c’est un peu comme vouloir assimiler le tri des déchets à une décharge sauvage.  

Après la démonstration de violences à laquelle se sont livrés les Gilets Jaunes et leur alliés les Nazgul, le gouvernement s’est vu obligé de reconnaître des dysfonctionnements, justifiés, selon lui, par la crainte que l'opposition ne s'empresse de diffuser des vidéos de promeneurs mutilés pour dénoncer la répression meurtrière du pouvoir et sa dérive fasciste.

L'armée à Paris
"Que plus un Gilet Jaune ne bouge!"
Etant donné qu'elle ne gouverne pas, l'opposition sait, de bonne guerre, profiter de toutes les occasions qui lui sont offertes pour aller chanter sur les antennes que cela se passerait autrement si elle était au pouvoir. Pour Eric Ciotti, ministre de l'Intérieur du Shadow Cabinet LR, il aurait fallu instaurer l'Etat d'Urgence, appeler la troupe. Eh bien, il devrait être content, les militaires de l'opération Sentinelle sont appelés en renfort. Comment? Il n'aurait finalement pas fallu? Quand on est dans l'opposition, on se doit par principe d'être contre ce qui est pour et pour ce qui est contre, c'est bien connu.

Après s'être copieusement défoulés sur la Saturday Night Fever de Christophe Castaner, exigeant même sa démission sur-le-champ pour son écart de conduite, les "pénitents noirs" de l'opposition s'insurgent à présent de voir l'armée mobilisée pour maintenir l'ordre.
On s'est empressé d'enfoncer le gouvernement pour sa fatale erreur d'appréciation après la baisse sensible de la mobilisation. On lui a reproché son laxisme face aux casseurs après avoir condamné la violence de sa réponse face à ces mêmes casseurs. Pris dans l'étau, les responsables des forces de l'ordre ont imaginé faire amende honorable en contenant leurs effectifs et limitant l'usage de l'arsenal habituel, de manière à apaiser les tensions. Mal leur en a pris. Cela n’a été en fait qu’un blanc-seing autorisant les manifestants à se livrer en toute impunité à une orgie de violences, quitte à tuer. Un grand merci à l’ONU et à Jacques Toubon pour leur recadrage, on a pu constater les dégâts.

Le plus étrange dans cette affaire, excepté la manifestation pour le climat qui a rassemblé au moins quatre fois plus de monde que celle des Gilets Jaunes, est qu’on n’a de cesse de louer les centaines de milliers d’Algériens qui ont défilé dans le calme contre le président Bouteflika. Dans le calme, en effet ! la preuve, selon les commentateurs que le peuple algérien fait preuve de sagesse et de responsabilité ce qui n’est malheureusement pas le cas en France. Tout au moins sur les Champs-Elysées parce que la France a fini par se lasser de ces irresponsables suant la haine de tous leurs pores qui ne défendent plus rien qu’un goût indécent pour leur propre mise en scène sur les réseaux sociaux.

Après l’acte XVIII, les chefs autoproclamés de la rébellion, MM Drouet et Nicolle ont annoncé un acte XIX prêchant pour un regain de violence, fort peu impressionnés par le renfort de l'armée. Mais pourquoi faire à la fin, hormis concourir pour le Guinness du Buzz Top ? Le RIC à toutes les sauces ? on frôle la plaisanterie. Comment gouverner un pays uniquement par oui ou par non ? Il est vrai qu’avec des gens radicalisés, on n’est pas vraiment dans la nuance.
Autre revendication : la séparation du CRIF (entendons la mafia juive) et de l’Etat au nom de la neutralité religieuse. Plus de fête de L’Aïd non plus ? Ah non ! ne touchez pas aux makrouts ! On comprend pourquoi Dieudonné a enfilé un gilet jaune.
Autre revendication encore : une politique identitaire, économique et sociale au service des Français. On sait d'où ça vient, de la bien-pensance ultra-droitière. Identitaire ? Quand on pense que ceux qui sont les plus ardents promoteurs de l’identité nationale regrettent le temps du maréchal et de la Kommandantur. Une politique économique ? A se tordre de rire ou de douleur une fois jetés au feu tous les smartphones fabriqués à l’étranger au nom du Made in France. Une politique sociale au service des Français, les étrangers dehors ! et en contrepartie les Français hors de l’étranger ! Pas la peine d’en rajouter, tout le monde connaît l’anecdote de l’arroseur arrosé.

En parlant d’arroseur arrosé, Monsieur Eric Drouet a vu sa maison repeinte en jaune durant la nuit. Jean-Luc Mélenchon que l’on n’a guère entendu dénoncé les violences de ses amis les Black Blocs s’est soudain réveillé pour condamner avec force l’agression dont a été victime cet "archange de la révolte" qu’il admire tant. Mais qui a bien pu faire un si mauvaise plaisanterie, parce qu'on a manifestement affaire à une blague. A moins que ce ne soit la dernière invention des Gilets Jaunes eux-mêmes, un bidonnage histoire de se refaire une virginité en redevenant les victimes après leur spectaculaire expédition du dernier week-end. On peut effectivement se poser la question.  

lundi 18 mars 2019

Pouvoir d'achat, une peau de chagrin


Genèse 3 (19) : "A la sueur de ton front tu mangeras jusqu’à ce que tu retournes à la terre".

 Ce message adressé à Adam par son Créateur a peut-être résumé pendant des siècles la trajectoire de la condition humaine mais à l’heure des Smartphones et des croisières MSC, les valeurs vitales se sont largement déplacées. La morale du laboureur a fait place à l’envie insatiable de jouir au plus vite des attraits de la société de consommation. Et la France est, de par le monde, le pays des jouets où il suffit de tendre la main pour cueillir les fruits de la bienveillante providence.

Heureusement que c'est aussi cela la France
Imaginez un peu : c’est le pays où l'on travaille le moins, disons celui où l’on a le plus de congés dans l’année; c’est celui où les avantages sociaux y sont les plus considérables, celui où le chômage y est le mieux rémunéré, celui où l’on n’a pas besoin de travailler pour percevoir des rentes de l’Etat, celui où les salariés sont les plus protégés, celui où lorsqu’on n’a pas un sou, tous les soins sont gratuits, même les plus onéreux, en bref, le pays de cocagne par excellence qu’envie le reste de la planète pour sa qualité de vie, sa bouffe, ses pinards, ses gens, euh….non, pas ses gens, ceux-là, on ne les apprécie guère, paresseux, arrogants, égoïstes, méfiants, jamais contents et peu souriants. Autant la France attire, autant les Français rebutent.

L’épisode regrettable des Gilets Jaunes, au moment où l’image de la France pouvait paraître un peu moins négative, après des années sous le regard ironique et condescendant de ses partenaires, replonge le pays dans ses errements habituels, prompt à se tresser des lauriers du simple fait d’avoir participé. 
A force d’être assisté par les services empressés d’un Etat omniprésent, même dans les gestes les plus intimes de la vie, on s’est habitué à n'être plus que des oisillons dans le nid douillet des prestations sociales, attendant la becquée.
Et si c'était vrai, cela mettrait-il pour autant du beurre
dans les épinards?

Qu’entend-on à longueur de temps? Le pouvoir d’achat ! On n’y arrive plus, on n’a rien à manger dès le 15 du mois.  Mais cela fait plus de 20 ans qu’on entend le même refrain, depuis l'avènement de Cetelem et Conforama tout puissants. Quand on veut toute la panoplie du confort avant même d’avoir réalisé un Euro d'économies, on enfile un Gilet Jaune et on crie «Macron Démission» pour se soulager.  

Les impôts sont trop gourmands ! Tout à fait d'accord. Hormis le fait qu'ils ne concernent même pas un foyer sur deux, donc peu de Gilets Jaunes

Les loyers sont excessifs ! Pas faux, enfin, pour ce qui reste après les APL, soit fort peu pour le plus grand nombre des bénéficiaires, dont beaucoup des Gilets Jaunes.

Les taxes sont injustes ! Pas faux non plus, tout le monde est assujetti au même régime,  pauvres ou moins pauvres. Mais de quoi se plaint-on en fait? La TVA à 20%, cétait déjà sous Hollande. A croire qu’on regrette à présent la suppression de la taxe d’habitation, voire la suppression intempestive de la taxe carbone ou pourquoi pas la vignette auto, peut-être les Gilets Jaunes y échappaient-ils déjà.
L’augmentation de la CSG, une injustice pour les vieux ! C’était une promesse de campagne de Macron, il l’a tenue. Il peut à présent s'en mordre les doigts en "rookie" de la politique, faute d'avoir réalisé que les promesses électorales sont juste là pour faire chauffer la salle. Pas fûté, en effet, on voit qu’il n’avait pas suffisamment d’expérience en la matière. Il aurait du demander conseil à Hollande, expert en la matière. La CSG fut créée pour résorber le déficit de la Sécurité Sociale, c’était en 1988. 30 ans plus tard, le trou de la Sécu est toujours là. On nous dit qu’on le comble mais c’est moins à cause d’une réelle gestion des dépenses de santé que de l'augmentation des contributions avec un arsenal toujours plus sophistiqué destiné à endormir le contribuable. Rien de plus normal que les Gilets Jaunes s’opposent à la CSG, ils la payent aussi, salariés, assistés, retraités, chômeurs, un impôt équitable en fait mais un impôt tout-de-même.  

Gilets Jaunes et CGT
La convergence espérée des luttes contre le capitalisme
Equitable dit-on ! Pour les pauvres en effet mais les riches dans tout ça? Ah ! le mot est enfin lâché, les riches, ces salauds de riches qui s’en mettent plein les poches en affamant le peuple. On voit débarquer les Sans-Culotte de la France Insoumise, piques levées. Les riches, il faut leur couper la tête, comme aux députés de la REM. Il faut confisquer leur fortune et la distribuer aux pauvres. Il faut nationaliser leurs entreprises au nom de la légitimité de la classe ouvrière à avoir la maîtrise des outils de production. 
Les années passent et le discours ne change pas. La France a été tellement formatée par la doctrine du Parti Communiste qu’elle ne peut tenter de s’en libérer sans en ressentir un fort sentiment de culpabilité. Le PCF ne représente plus rien dans les urnes mais son auxiliaire la CGT imprègne toujours les âmes avec au bout du chemin cette convergence des luttes destinée à abattre le capitalisme. La Chine qui nous observe en permanence au microscope, sable le champagne en voyant à quel point le pouvoir français est impuissant face à la violence soi-disant légitime du prolétariat décidé à renverser les symboles provocateurs de la bourgeoisie. C'est le début d'une Révolution culturelle à la française. A Pékin, un tel désordre fait sourire. Effectivement, ce genre de manifestation n'a plus lieu en Chine depuis l'avènement de la dictature du prolétariat. 
  
Le Président chinois
Santé, les Gilets Jaunes 
La France est la championne du monde des transferts sociaux mais, apparemment, ça ne suffit pas. On a le beurre, l’argent du beurre et la crémière mais ce n’est pas encore assez, il faut aussi la crémerie. Normal ! la crémerie est une entreprise qui doit forcément faire des bénéfices et donc se verser des dividendes. Un vrai scandale ! Il faut confisquer les dividendes au nom du bien public et par là-même enfermer le crémier qui pour en être arrivé là a dû faire « un maximum de black » sur le dos du peuple. Ce n'est que justice ! on entend bien ce que revendiquent les Gilets Jaunes, les nouveaux porte-parole de la France qui "bosse dur". Ils ne supportent plus qu'il y ait des écarts dans les rémunérations. Tout ce qui dépasse le SMIC est nécessairement suspect. C’est d’ailleurs ce qu’on entend lorsque certains voudraient que les députés passent un mois à travailler pour 1000 Euros. Un médecin par exemple, une fois élu député, ne devrait donc plus gagner que le SMIC alors qu’il en gagnait 8 fois plus bien au chaud dans son cabinet, à 95% aux frais de la Sécu sans que cela n’émeuve personne. 

Travailleuses marocaines dans les champs de fraises andaloux
A la sueur de leur front....

Les Gilets Jaunes prétendent représenter la vraie vie, pardon mais mort de rire. Pour moi qui les vois, jour après jour, dans les ronds-points, à Charlemagne Carcassonne ou au cheval Péchard de Limoux, c’est le Bridge club ou le bar du coin, la vie en rose, pardon, en jaune, un drapeau espagnol flottant au vent. Eh oui ! en Espagne, c’est mieux, tellement mieux. On y fait travailler dans les cultures des ouvriers venus du Maghreb payés 36 Euros par jour (pas de l'heure comme le prétend Marine Le Pen), en toute légalité ou presque, tandis qu’en France, les maraîchers sont asphyxiés par la toute puissante MSA, une féodalité prédatrice hors contrôle. Quel patriotisme ! Si l’Espagne les excite à ce point, qu'ils aillent cueillir les fraises en Andalousie pour un salaire auquel le RSA n'a rien à envier  !

Le RSA, citez un seul pays au monde qui offre la même chose sans rien en retour.  

mardi 12 mars 2019

Plein Feux sur l'Ethiopie


Les armoiries de l'Empire d'Ethiopie
L’Ethiopie reste encore dans les mémoires comme le pays où, en 1985, une sécheresse sans précédent, conséquence d'un phénomène climatique exceptionnel, provoqua une famine qui frappa près de 8 millions de personnes. Ce drame alarma le monde entier malgré la répulsion qu'inspirait alors la dictature militaire au pouvoir.
Prise à témoin, l'opinion fit cette année là un tube planétaire de la chanson caritative We Are the World interprétée par les chanteurs américains les plus populaires de l’époque, contribuant au déploiement d'une aide internationale de grande ampleur. 

L’Ethiopie est aussi connue pour être le berceau de l’humanité, un véritable paradis pour les paléontologues qui y ont entre autres exhumé les restes de nos tout premiers ancêtres. Qui n' a pas entendu parler de la fameuse Lucy qui vivait sur les bords de l'Awash il y a plus de 3 millions d’années.

Appelée autrefois l'Abyssinie, l'Ethiopie est surtout la lointaine héritière de l’empire aksoumite dont l’écriture rivalisait déjà sous l'Antiquité, avec le grec. Mentionnée aussi comme le royaume du mythique prêtre Jean, on l’assimile dans les textes bibliques au pays de la reine de Saba qui eut, dit-on un fils du Roi Salomon.
Alors qu’elle avait réussi à conserver son indépendance au temps de la colonisation, l’Ethiopie dut capituler en 1936 face à l'invasion brutale des troupes de Mussolini. Elle ne put résister longtemps contre une armée forte de 400 000 hommes, massacrant les populations civiles à coup de gaz moutarde.
Cela faisait un moment que l’Italie convoitait les riches terres agricoles des plateaux éthiopiens, excitée à l’idée de reconstituer l’ancien Empire Romain mais surtout frustrée d’avoir vu l’Angleterre et la France se partager égoïstement une large part de l’Afrique. Bien qu’elle n’aura duré que peu de temps, l’occupation italienne laissa le pays exsangue, laminé. 

L'Ethiopie a perdu son accès à la mer lors de l'indépendance de la province
d'Erythrée.
La capitale Addis-Abeba est reliée depuis 2016 à Djibouti (territoire français jusqu'en 1977)
par une ligne ferroviaire flambant neuf entièrement réalisée par la CCECC, le rival chinois
d'Alsthom-Siemens
Les années d'après-guerre ne permettront pas à l'Ethiopie de sortir du marasme économique et politique. L'Erythrée est pour elle une épine dans le pied pour laquelle les tentatives d'accord avec les Etats-Unis ou l'URSS n'apportent aucune solution.
En 1974, l’empereur Haïlé Sélassié qui règnait depuis 44 ans, héritier selon la tradition des Salomonides et descendant de la reine de Saba, est renversé par un coup d’état militaire. Cela faisait plusieurs années que le pouvoir était confronté à des famines répétées et à une contestation animée par l'hostilité d'une population condamnée à la précarité envers une aristocratie effrontément prospère.
Après s'être servie des protestations pour arriver au pouvoir, l’armée instaure à la surprise générale un régime autoritaire, exécutant les dignitaires du régime et réprimant le mouvement étudiant. Le nouvel homme fort du pays, le colonel Mengitsu affiche sa volonté de mettre en place une république de type socialiste en procédant à la collectivisation des terres et à la nationalisation des entreprises. 

Un pays réputé pour ses paysages à couper le souffle
Face aux réticences des syndicats, le pouvoir bascule dans la dictature.
Les opposants sont arrêtés, pour beaucoup exécutés, les purges touchent tous les secteurs de la société. Afin de sortir de la crise qu’elle a elle-même provoquée, la junte se tourne vers Moscou signant un accord d’assistance militaire. Les derniers Américains présents sur le territoire sont expulsés.
L’Ethiopie sombre alors dans la « Terreur Rouge ». Avec l’aide de l’URSS et de Cuba, le gouvernement donne libre cours à sa paranoïa, proclamant « pour un révolutionnaire abattu, mille contre-révolutionnaires exécutés ».  En conséquence, 5000 étudiants seront tués en une semaine. Tandis que ses dirigeants confisquent les rares ressources dont disposent encore le pays au profit des dépenses militaires, l’Ethiopie s’enfonce dans un désastre humanitaire sans précédent. La famine y devient endémique tandis que les populations sont arbitrairement déplacées par millions.

Dès le milieu des années 80, les mouvements séparatistes régionaux progressent avec à l'appui des rébellions de plus en plus calamiteuses pour une dictature aux abois. En 1991, l'effondrement de l’Union Soviétique signe la fin des années Mengitsu. Les divergences des organisations à l’origine du renversement du régime rendent toutefois difficile l’instauration d’un gouvernement d’union. L’Erythrée acquiert notamment son indépendance en 1993. Le multipartisme étant reconnu, les Ethiopiens se dotent en 1994 s’une assemblée chargée de rédiger la nouvelle constitution. La route sera encore longue vers la démocratie, d’autant que la région traverse à nouveau une situation chaotique avec l'arrivée de mouvements islamistes violents.

Après des années de tâtonnements malgré un bond économique significatif, 2018 s’annonce enfin sous des auspices prometteurs. Le nouveau premier ministre Abiy Ahmed réalise, en quelques semaines ce que ses prédécesseurs n'ont jamais réussi en deux décennies. Son CV a effectivement de quoi séduire : de père musulman, de mère chrétienne orthodoxe, lui-même protestant, il est lieutenant-colonel de l’Armée éthiopienne, a été formé aux Etats-Unis et en Angleterre en qualité d'expert en cybersécurité; il est aussi ancien ministre des Sciences et des Technologies.

A peine élu, Abiy Ahmed  propose une réconciliation avec l’Erythrée, le frère ennemi, qui, de guerre lasse, se laisse convaincre par la main tendue inaugurant une normalisation des relations. Il resserre aussi son équipe ministérielle, instaurant la parité hommes-femmes, une véritable révolution.
Il fait dans la foulée libérer les prisonniers politiques et propose à l’ancienne opposante emblématique, Birtukan Mideksa surnommée la "Mandela d’Ethiopie » de rentrer d’exil afin de prendre la tête de la Commission Electorale.
En juillet intervient la réconciliation entre les églises chrétiennes ; en novembre ont lieu les premières arrestations dans la lutte contre la corruption mise en place par le nouveau pouvoir ; en décembre est créée une commission de réconciliation destinée à mettre un terme aux violences inter-ethniques.

Sahle-Worrk Zewde
A 69 ans, cette universitaire et diplomate aguerrie qui a fait ses études
en France
incarne le nouveau visage de l'Ethiopie
En octobre 2018, c'est une nouvelle révolution de palais: Sahle-Work Zewde est élue présidente de l’Ethiopie, la première femme à accéder à ce poste, la seule femme à occuper cette fonction en Afrique. Francophone, diplômée de l’Université de Montpellier, elle a été ambassadrice d’Ethiopie dans plusieurs pays africains et en France de 2002 à 2006. Elle était encore récemment représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies auprès de l’Union Africaine.

Le président Emmanuel Macron se rend aujourd’hui en Ethiopie. Il était enfin temps qu'un président français s’intéresse à ce pays qui a réussi à amorcer un virage économique de grande ampleur. Les investisseurs chinois et les émirats du Golfe n’ont d’ailleurs pas attendu pour y placer leurs jalons, profitant d’une stabilité politique retrouvée et de la volonté du gouvernement éthiopien d’attirer les capitaux étrangers. 

Une usine chinoise en Ethiopie
le nouvel investisseur tient à montrer qui est le maître
Le temps des nationalisations a vécu mais il faudra cependant encore du temps pour que l’Ethiopie parvienne à une réelle libéralisation de son économie, faute notamment d’un marché boursier local et d’un lourd passé protectionniste. La croissance y atteint cependant les 10% , un chiffre record sur le continent africain à relativiser toutefois, étant donner un taux de chômage toujours important parmi les jeunes. L’Etat éthiopien veut de ce sens poursuivre à grands pas le développement de son économie dans le secteur manufacturier. 

Aujourd'hui, il n'est pratiquement plus une rose qui ne vienne pas d'Ethiopie
Profitant également de conditions climatiques favorables, l’Ethiopie, déjà reconnue pour produire le meilleur café du monde, est aussi devenue en peu de temps une serre géante dont la production horticole, détenue majoritairement par des firmes hollandaises a acquis un leadership absolu sur le marché européen, en raison également d’une main d’œuvre jusqu’à présent à très bas coût. La France se réveille certes un peu tard mais, comme dit le proverbe, mieux vaut tard que jamais. Les industriels français se comptent effectivement sur le bout des doigts alors que la Chine, dont les usines locales tournent à plein rendement, est en comparaison le plus gros employeur du pays. Bénéficiant d’une main d’œuvre docile et peu coûteuse, les Chinois ont ainsi délocalisé en Ethiopie une part de l’industrie textile et de l'habillement. 

l'église Bete Gyorgis taillée dans le roc à Lalibela
Reste le tourisme. L’Ethiopie possède non seulement des paysages mais un passé architectural exemplaire. Le président français va notamment se rendre sur le site de Lalibela qui constitue un ensemble exceptionnel d’églises rupestres du XIIIéme siècle. Il est envisagé que la France apporte son concours financier à leur restauration.

Certains se sont soudain réveillés, raillant le peu d’ambition de notre pays, pensant peut-être que l’Ethiopie (qu'ils ont du mal à placer sur la carte)  nous attendait comme le messie, tandis que d'autres, plus à gauche, y ont vu la volonté d'un président VRP d'aller placer ses amis les grandes patrons capitalistes. Nous pouvons certes être heureux que la présidente Mme Zewde soit francophone avérée mais nous ne pouvons pas, une fois de plus, nous empêcher de croire que le monde tourne autour de nous.
Cette arrogance bien française, qui nous rend,soi-disant, si indispensables, quand comprendrons-nous qu'elle nous fait passer pour une bande de "clowns tristes". Nous n'y gagnons que de l'animosité à notre égard. Mettons d’abord un premier pied et commençons à tisser un lien durable. Nous avons des atouts indéniables à faire valoir dans le domaine culturel, ce n’est déjà pas si mal, et surtout cessons de pleurnicher sous prétexte que les Chinois sont arrivés avant nous. A qui la faute ? 

Fenêtre cruciforme (XIIIème siècle) à Lalibela
Le site fut imaginé à l'époque comme une Nouvelle Jérusalem
destinée à recevoir les pélerins chrétiens empêchés de se rendre
en Terre Sainte depuis l'invasion musulmane
      

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