dimanche 23 juin 2019

USA 2020 : Trump sur orbite?

Crépuscule sur Manhattan Est

Les Français seraient aujourd’hui plus de la moitié à voir d’un bon œil un clone de Donald Trump à l’Elysée. Alors qu’il y a deux ans,  encore sous le charme des deux mandats de Barack Obama, ils n'avaient pas eu de mots assez acerbes envers le nouveau locataire de la Maison Blanche, ils se sont depuis si habitués au tempérament impétueux de son successeur qu’ils voudraient le même en France.

Un récent sondage avait montré qu’ils étaient pratiquement 50% à accepter que s’installe en France un gouvernement autoritaire. Peut-être y voyaient-il en creux l’ombre d’un Donald Trump, grande gueule décomplexée, impulsive, s’embarrassant moins de discours que d’actes spectaculaires.
Il y a plus d’un an, Emmanuel Macron avait plaidé pour que la France retrouve sa grandeur, s’inspirant du slogan de campagne de Donald Trump « Make America Great Again ». D’aucuns diront que le second a brillamment réussi tandis que le premier est encore à la peine. Peut-être était-ce plus facile de rendre à un pays comme les Etats-Unis une grandeur qu’il n’avait, en réalité, jamais perdu que de redorer le blason décidément bien terni de la France.

Le président américain vient d’annoncer qu’il est candidat à sa réélection. Qui en aurait douté ? Cela fait plus de 3 ans qu’il fait le show, il ne va pas s’arrêter en si bon chemin.

Il est fier de son bilan, clamant haut et fort que l’Amérique n’a jamais été aussi forte, aussi radieuse, aussi enviée du monde entier. Pratiquement plus de chômage et une croissance à la chinoise. La recette : une baisse drastique des impôts et une dérégulation massive. Et tout cela en deux ans ! C’est tout bonnement « inbelievable ».  Chapeau l'artiste ! 
Une pause à Central Park
A quel prix, cependant. Il a bien fallu prendre quelque part pour le donner aux Américains. En parlant de cela, s'il y a quelque chose d'agaçant dans le discours de Donald Trump, c’est bien cette propension à confondre "America" et "United States". Si l’on entend par Américain celui qui vit aux Etats-Unis, l’Amérique est aussi un vaste continent qui va du Canada au Chili. Donald Trump parle de son pays comme de l’Amérique tout en bétonnant sa frontière avec ses voisins du sud. Est-ce à dire que les Mexicains, les Nicaraguayens ou encore les Guatemaltèques ne sont pas Américains. En fait, pour lui, ils ne sont rien que des mendiants apatrides tentant de souiller l’Amérique de leurs pieds sales. Utiliser le mot Amérique lui permet d’acquérir une dimension supérieure, voire une stature universelle. Le doute ne se pose même pas. Pour sa base électorale, il incarne l’Amérique que Dieu a bénie, celle de la City on the Hill, des pionniers, de la conquête de l’Ouest.  
Après avoir avalé sans broncher leur stetson durant les huit ans d’Obama à la Maison Blanche, les afficionados du Trumpisme se sont enfin vengé de cette race qui pour eux n’est toléré que quand elle est au service du blanc. Quand on voit avec quelle brutalité Donald Trump exige du gouvernement mexicain qu’il fasse le sale boulot en lui imposant de bloquer les migrants qui voudraient faire le mur, quitte à ce que cela conduise à des drames. Il n'y a aucune gloire à écraser les plus faibles que soi. Mr Trump, vous passez pour le boss mais vous avez surtout grandi votre pays en abaissant vos voisins. Il n’y a aucune noblesse d’âme là-dedans, juste le calcul cynique d’un snake-oil salesman. La chute risquera d’être rude.
 
Du Madoff là-dedans…. Marchand d’élixir, tel est donc Donald Trump, ce président qui à l’instar de Ronald Reagan, son inspirateur, a décidé qu’une baisse drastique des impôts allait enrichir le pays. De la démesure en trompe l’œil. On se laisse en France impressionner par le miracle américain qui, en deux ans, a réussi à juguler le chômage tout en assurant à ses ressortissants une croissance miraculeuse. Mais il n’y a qu’à la fête foraine qu’on peut gagner une poupée de rêve en tirant sur le pompon. Pour n’importe quel économiste qui se respecte, baisser les impôts profite d’abord aux riches tout en amputant l’Etat de ses capacités d’investissements. Une telle stratégie ne tient que dans la perspective d’une croissance soutenue et continue. Or, dans cet univers mondialisé que l’on déteste tant, bien qu’il soit déjà là et bien en place, les Etats-Unis ne peuvent s’enrichir sans que quelqu’un paye pour eux l’addition. Ils ont déjà vampirisé l’Amérique Centrale et tentent par des mesures de rétorsion de faire de même avec la Chine, l’Iran et surtout l’Union Européenne en adoubant notamment Boris Johnson, leur flamboyant rabatteur. 

Manhattan à l'angle de la 42ème Rue 
Attention toutefois au retour de manivelle. La hausse des tarifs douaniers sur les produits provenant de Chine, ce ne sont pas les Chinois qui la payent mais les consommateurs américains. Quant aux droits de douane qu'ont imposé en réponse les Chinois sur les produits agricoles américains, ils ont d'abord pénalisé les agriculteurs américains eux-mêmes. Donald Trump leur a accordé de fortes compensations mais qui va payer la facture? Autre exemple, le pétrole. Les Etats-Unis bénéficient d’une autonomie énergétique grâce au gaz de schiste mais celui-ci n’est rentable que si le prix du pétrole reste élevé. Instaurer un embargo sur le pétrole iranien peut permettre de maintenir la production américaine à un niveau compétitif mais pour combien de temps encore. Car une perte de contrôle sur les exportations mondiales aurait pour conséquence une forte baisse du prix du pétrole préjudiciable à l’économie américaine. Donald Trump ne peut envisager une seconde un tel scénario, mettant de la sorte à contribution ses partenaires du Golfe pour ostraciser l'Iran .

Les convulsions planétaires qu’a provoquées Trump depuis son élection, ont d’abord eu pour effet d’entraîner son pays dans une forme de conflit larvé avec ses propres alliés, suivie d'un goût immodéré pour l'exotisme politique, fluctuant au gré de sa mauvaise humeur. Ses hausses et ses baisses à l'emporte-pièce des tarifs douaniers, ses rencontres hyper-médiatisées quoiqu'inefficaces avec le dictateur nord-coréen Kim-Jong Un, son soutien sans faille au Prince saoudien Mohamed Ben Salmane malgré l'implication de celui-ci dans l'assassinat horrible du journaliste Jamal Khashoggi, son besoin obsessionnel d'en découdre avec l'Iran sont autant d'exemples de la conduite des affaires extérieures selon le président américain. Pour ce faire, il a compris que le label Air Force One est un instrument de domination sur le monde et qu’un Tweet intempestif a autant d’efficacité auprès de l’opinion qu’un ordre de commandement pour un soldat, reléguant les discours habituels dans la galerie des Antiquités.

Dans les rues de New York
Il est bon de rappeler que les Etats-Unis sont une république fédérale constitué de 50 états jaloux chacun de leur propre gouvernement et de leurs lois, l’Alabama venant de nous le rappeler pour le pire. La présidence a la haute main sur la diplomatie et la défense sans pour autant détenir tous les pouvoirs car comme dans toute démocratie, le vote et la promulgation des lois appartiennent à deux chambres, celle des Représentants et le Sénat. Il n'est, à ce titre, pas inutile de rappeler que les élections à mi-mandat ont donné aux Démocrates la majorité à la Chambre des Représentants et que le Sénat est resté acquis aux Républicains du fait que les élections destinées à renouveler le tiers de ses sièges ont eu lieu en majorité dans des états habituellement acquis au GOP.

Personne en France n’aurait parié en 2016 un kopek sur la victoire de Donald Trump aux présidentielles. Tous les sondages donnaient Hilary Clinton gagnante et elle a perdu. Elle a obtenu deux millions de voix de plus que Trump mais l’Amérique étant un état fédéral, ce sont en dernier ressort les grands électeurs des 50 états qui ont fait l’élection. A l’arrivée Donald Trump l’a emporté grâce aux voix des quelques états qui tanguent une fois côté démocrate et la fois suivante côté républicain. En effet, peu importe de faire campagne en Californie quand on est Démocrate ni dans le Mississippi quand on est Républicain. Le vote y est scellé d’avance. Il y a, en revanche, des états où l’on vote selon le sens du vent, des états où finalement se joue à chaque fois le sort de tout le pays. La Pennsylvanie, l’Ohio, le Wisconsin, la Caroline du Nord, la Floride sont de ceux-là. Il y a trois ans, Donald Trump y a fait le plein, faisant perdre à Hilary ses dernières illusions. C’est justement dans ces fameux « swing states » que Donald Trump a concentré ses efforts, inondant de messages en sa faveur et d’attaques envers son adversaire démocrate les électeurs indécis, grâce à ses trolls venus de Moscou.

Tout cela, c’était en 2016. Nous sommes maintenant aux portes de 2020.
Donald Trump est parvenu à instaurer de nouvelles règles fondées sur ses émotions. Il a bénéficié pour cela d’un outil à se mesure : Twitter. Bref, télégraphique, sans langue de bois. En quelques mots, il a compris comment souffler en même temps le chaud et le froid sur le monde, s’accordant le droit de réagir à la seconde près sans laisser le moindre espace à la réflexion. On dirait que chacun sur cette terre n’agit plus qu’en fonction de ce que M. Trump en publiera sur Twitter. Et le moins que l’on puisse dire est que la méthode est d’une efficacité redoutable. Un écran, quelques touches et voilà : en quelques clics le président américain repeint le monde, vire les uns et les autres, jette l’anathème sur un dirigeant, en encense un autre, déclare la guerre avant de se raviser sur presque tout. Twitter serait donc une arme trop sérieuse pour le confier à un dirigeant politique? Avec un truc pareil, il serait, en effet, capable de déclencher une guerre atomique.

Pour les journalistes français, Donald Trump va vers sa réélection assurée. Ils en sont même presque ravis à l’avance. Quel retournement de veste. Nos commentateurs n’en finissent plus de comparer ses formidables résultats en matière économique avec la situation en France. On l’admire comme il y a 10 ans on ne finissait pas de vanter Bernard Madoff, le grand sorcier de la finance. Car il faut bien l'avouer, la politique de Donald Trump a surtout accru de manière exponentielle la dette américaine, comme quoi un miracle ne s’accomplit jamais sans un petit coup de pouce budgétaire. Par bonheur, emprunter ne coûtant presque plus rien, à quoi bon s’en priver. Mais imaginons que Pékin se rebiffe, histoire de se venger de l'affront 5G. La Chine en aurait les moyens en tant que créancier.  Et si d'aventure, il lui prenait de mandater un huissier à la Maison Blanche pour réclamer les 20 000 000 000 000 $ que lui doivent les Etats-Unis, il y aurait comme un certain embarras à Washington.  

Les Américains forcent l’envie tandis que chez nous, c’est la misère, le chômage, les Gilets Jaunes. Il est vrai qu’aux Etats-Unis, on peut cumuler plusieurs emplois, travailler 7 jours sur 7. Quelle chance ! En France on n'a pas le droit sauf à s'attirer des ennuis. Aux Etats-Unis, on peut travailler le dimanche; en France, c’est mal vu, surtout à gauche. Aux Etats-Unis, on extrait du gaz de schiste là où il y en a; en France il est même interdit d'en chercher. Aux Etats-Unis, on n’a que faire des émissions de CO2 et des rejets industriels; en France on est montré d'un doigt inquisiteur. Aux Etats-Unis, l’hôpital coûte cher et bien se soigner nécessite d'en avoir les moyens. La santé est un privilège dont les pauvres sont exclus. En France, l’hôpital va peut-être mal mais riches et pauvres ont droit aux mêmes égards. Aux USA, le dicton selon lequel il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade ne s’est jamais aussi bien porté. Un avantage toutefois pour les Etats-Unis, on est assuré d’y réussir par le travail. En France, le travail coûte plus qu’il ne rapporte et relèverait presque de la vocation. Aux Etats-Unis, on n’hésite pas à parcourir des centaines de miles pour trouver un job tandis qu’en France on n’a pas besoin de changer de trottoir pour percevoir des aides.  

Mais rien à faire, Donald Trump reste le grand favori pour les Français. Même les Gilets Jaunes le préfèrent de loin à Macron.

Le soir tombe sur East River et Manhattan Bridge
Les Démocrates se retrouvent ce week-end à Charlotte (NC) pour leur premier débat. Il leur faut affûter leurs arguments dans la perspective des fastidieuses primaires, une tradition qui a fait ses preuves outre-Atlantique mais décidément peu adaptée à notre culture fondée sur la querelle des egos. Ils sont à l’heure plus de 20 postulants à l’investiture mais, à l’arrivée, il n’y en aura qu’un pour affronter l’ogre Trump. La lutte va être rude et l’on sent déjà le parfum âcre des coups bas, violents, implacables. Face à celui qui a choisi de conserver sa grandeur retrouvée à l’Amérique, quel pourra être le slogan démocrate derrière lequel se retrouveront leurs électeurs, pourquoi pas « Our Nation, Our Pride » « Proud to be Americans »  «Fighting for the US » « Future is US » « Running Back to the USA » « Repair our Nation »……. et en attendant un slogan anti-Trump, le surnom de Mad Donald ferait assez bien l’affaire.

Les derniers sondages de la chaîne Fox News, d'ordinaire réputée pour son soutien inconditionnel au Good Ol’ Party ont pourtant donné Donald Trump perdant contre les 6 candidats démocrates les plus représentatifs. Furieux, celui-ci s’est empressé de renvoyer les sondeurs, pensant peut-être que ce ne sont pas les sondés qui font l’opinion mais ceux qui leur posent des questions. On se croirait revenu au temps lointain du despotisme où il était de bon ton de flatter les puissants de peur qu’ils ne vous jettent aux crocodiles. Nous en serions donc arrivés là avec Donald Trump. Pas étonnant. Il ne peut envisager de perdre les élections et n’hésitera pas si c’est le cas à mettre tout en œuvre pour contester le résultat, bloquant s’il le faut le pays pendant des mois. Si les Démocrates l’emportent, il leur faudra de toute façon un écart important avec Trump, de manière à ce qu’il lui soit impossible de remettre en cause la validité de l’élection.  

Est-ce à dire que la campagne assassine qui démarre peut confirmer cette tendance ? Une majorité de Français espérerait que non si l’on en croit les stats. Drôle de peuple que le nôtre, incorrigible girouette capable de se vendre à l’ennemi tout en se croyant patriote. Il est bien évident que l’on ne peut qu’apprécier le fait que Donald Trump ait répondu oui lorsqu’on lui a demandé si les Etats-Unis auraient été prêts à intervenir militairement en faveur de la France si elle s’était trouvée dans une situation comparable à celle de la Seconde Guerre Mondiale, mais il est aussi évident qu’aucun des autres candidats à l’élection présidentielle américaine aurait dit le contraire. Le seul fait d’avoir posé la question supposait peut-être qu’on ne savait pas ce que le Président américain allait dire. Faut-il en conclure qu’il aurait pu refuser d’intervenir ? On retenait son souffle. Ce n’était donc pas gagné.

La réélection de Donald Trump n’est pas une fatalité, qu’on se le dise. Et même si on est peu nombreux à croiser les doigts pour qu’il soit battu, le monde est partout en tension depuis qu’il est à la Maison Blanche. Le bras de fer avec la Chine n’en est qu’à ses balbutiements et certains y voit déjà renaître le syndrome de Thucydide, cet historien de la Grèce Antique qui avait théorisé comme inéluctable la guerre entre Athènes et Sparte, conséquence d’un rapport de force entre deux puissances rivales incarnant deux conceptions diamétralement opposées du gouvernement de la cité :  Athènes la progressiste et Sparte la nationaliste. A l’arrivée, ni l’une ni l’autre ne triompheront car surgira un troisième larron. Ce serait d’ailleurs une formidable leçon pour Donald Trump, champion du bilatéralisme que de comprendre que c’est souvent un tiers inattendu qui profite des querelles de couple.

dimanche 16 juin 2019

Paris vaut-il un référendum ?



Qui pour investir ? L'Etat est, pour sa part, en bout de piste
La cuisine politicienne s'est trouvé un nouvel os à ronger. La privatisation d’ Aéroports de Paris souhaitée par le gouvernement vient de donner à l’opposition l'occasion de reprendre les hostilités. Après des résultats calamiteux aux élections européennes, les élus Républicains et Socialistes se sont ligués pour faire capoter le projet gouvernemental en lançant la procédure du RIP, le Référendum d’Initiative Partagée. Validée par le Conseil Constitutionnel, celle-ci doit, pour aboutir, recueillir 4,7 millions de signatures. Et c’est reparti....

Voir la gauche et la droite unies contre une privatisation ne manque pas de cocasserie. Il y a, là-dedans, comme un doux air de grande manœuvre. Preuve en est que ni l’une ni l’autre ne s’en cachent, ce qui importe est moins l'avenir d'ADP qu'un nouveau référendum anti-Macron. Après leur déconfiture retentissante aux Européennes, elles s’autorisent une seconde chance, ramassant au passage le Rassemblement National et la France Insoumise. Tous unis dans une même vision de la France! Gaullienne illibérale, Thorezienne jacobine, Mitterando-Seguinienne ou Seguino-Mitterandienne, tout le monde pourra y trouver son compte.

Que la CGT soit contre la Privatisation, rien de plus normal, elle est pour une
société collectiviste. Mais que les Républicains rejoignent leurs rangs
a de quoi interroger sur la santé idéologique de ce parti

Choisir le projet de privatisation d’Aéroports de Paris pour en faire un Référendum anti-Macron est toutefois un drôle de pari. On y ressent la fébrilité de la droite autant que de la gauche face au risque, pour elles, d’être dissoutes dans la recomposition de partis qui s’opère en ce moment dans le pays. ADP, une cause nationale ? Pas si sûr. Une cause parisienne, certainement. On n’est plus à un paradoxe près dans ce pays bipolaire. Il y a 6 mois, la France des territoires, celle des campagnes méprisées par le pouvoir central se soulevait, revendiquant en gilet jaune son droit à ne pas mourir. Et voilà qu’à présent, c’est elle qu’on sollicite pour défendre une institution essentiellement parisienne. ADP, cela concerne d’abord et avant tout Paris et les Parisiens, pas les Provinciaux du fin fond de la France comme moi qui prennent l'avion à Carcassonne et préfèrent aller à Dublin parce que c’est moins cher qu’à Roissy. Alors pensez ! Aéroports de Paris, privatisés ou publics, qu’importe. Ceux qui y transitent ont même l’habitude de s’en plaindre : pas très propre, pas pratique, avec le clair sentiment d’être un groupe d'extra-terrestres dans un club d'habitués. Mais en parvenant à motiver des gens qui ne mettent pratiquement jamais les pieds dans la capitale sauf en s’y rendant par le train, pour défendre le statut d’un établissement dont ils n’ont en fait que faire est un pari qui s’il réussit pourra se prévaloir d’avoir été le Référendum pour ou contre le Président. C’est là tout l’enjeu.

Pour rappel, les Socialistes et les Républicains ont chacun, en leur temps, procédé à des privatisations d’entreprises jusque là détenues par l’Etat, avec plus ou moins de réussite. C’est d’ailleurs en prenant pour exemple la privatisation, selon eux, mal ficelée des autoroutes qu’ils s’opposent vigoureusement à celle d’ADP. Comme si Edouard Philippe et son équipe allaient, stupidement reproduire les erreurs de leurs prédécesseurs.

C’est donc toute l’opposition qui déclare, à l’unisson, ADP bien inaliénable de l’Etat, tout comme ont été sacralisés d’autres établissements publics créés par ordonnance en 1945-46. On n’en attendait pas moins de la France Insoumise, par essence farouchement hostile à l’entreprise privée mais la démarche des Républicains fait plutôt sourire tant elle va à l’encontre de leur propre philosophie. Comment ces gens qui baignent d'ordinaire dans le libéralisme et mènent la chasse aux fonctionnaires, peuvent-ils vouloir maintenir la présence de l’Etat dans des entreprises à vocation purement commerciale alors qu'ils rabâchent à longueur de temps que celui-ci devrait uniquement se concentrer sur ses tâches régaliennes. Un reniement de plus.

La privatisation rapporterait dix milliards d'Euros avec la garantie d'une
modernisation des installations que l'Etat ne pourra jamais assumer.
Mais à quoi bon gagner gros quand on préfère se contenter d'un
pourboire
On a donc compris que la privatisation d’ADP est d’abord une opération anti-Macron.
Mais alors que tout le monde ou presque semble s’y opposer, quelle mouche a piqué le gouvernement pour qu’il décide de céder Aéroports de Paris, présenté comme un de nos fameux bijoux de famille ? Cela parait effectivement d'autant plus incompréhensible que l’affaire est rentable et que l’Etat actionnaire majoritaire en tire un profit non négligeable, chose rare pour un établissement public si on le compare par exemple à la SNCF.

Or, une fois gratté le vernis, la situation d’ADP est, à moyen terme, loin d’être aussi idyllique. Ceux qui défendent avec tant d’ardeur les deux aéroports concernés, Charles De Gaulle et Orly, ne doivent certainement jamais y mettre les pieds car le moins que l’on puisse dire est que les voyageurs qui les fréquentent sont loin d’en être totalement satisfaits. La qualité des services laisse tellement à désirer que Roissy CDG occupe le 121ème rang parmi les aéroports internationaux et Orly le 126ème. Pas brillant du tout. La Restauration et les Boutiques y sont plutôt appréciées mais le manque de ponctualité endémique y apparaît comme un gros handicap. Pour info, c’est l’aéroport de Doha au Qatar qui arrive en tête suivi de Tokyo.

Ce que nous considérons comme un fleuron de nos si chers services publics ne jouit pas d’une aussi bonne réputation que cela. ADP fait du bénéfice, certes, mais comme à son habitude, l’Etat dès qu’il est actionnaire, s’avère d’une formidable gloutonnerie, prompt à avaler tous les dividendes aux dépens des investissements. C’est bien là le problème. On adore, aujourd’hui, clouer au pilori ces actionnaires sans scrupule qui se font verser des dividendes indécents tout en se gardant, par pure mauvaise foi, de reconnaître que dans le genre, l’Etat est le pire de tous.

Au moment où le Brexit, une fois entériné, risque de relativiser la place de Londres dans le cadre de échanges européens, Paris va devoir renforcer ses structures aéroportuaires dans la perspective d’un doublement du trafic, engendrant un coût dont l’Etat ne pourra jamais assumer le financement. Il n’en a plus les moyens. En revanche, ce sont les capitaux privés levés en abondance qui permettront à cet immense chantier de voir le jour.  Rien ne les empêchera pour cela de réinvestir les profits alors que pris au piège de ses déficits budgétaires, l’Etat en est totalement incapable. Un peu comme un propriétaire pressé d’encaisser ses loyers pour rembourser ses dettes mais qui laisse ses biens dans un total délabrement. Qu’on ne s’y trompe pas, le maintien d’ADP en tant qu’Etablissement Public se traduira par la dégradation croissante des aéroports de Roissy et d'Orly, nécessitant à terme une privatisation dans l’urgence plus coûteuse que rentable  

L'angoisse des correspondances ratées en raison des retards. Un mal qui sévit
depuis trop longtemps à ADP
Pour mémoire, ADP est déjà détenu en partie par des capitaux privés dont Vinci et l’Aéroport d’Amsterdam. L’Etat a procédé à deux privatisations partielles en 2006 et 2013, conservant juste un peu plus de 50% du capital. Il pourrait envisager une nouvelle privatisation partielle, se contentant en somme d'une minorité de blocage mais cette option ne présente guère d’intérêt. Pour attirer des investisseurs et surtout se projeter dans l’avenir, il est impératif de donner de la souplesse au fonctionnement et de la marge de manœuvre dans les innovations. Il est vérifié que seul un management privé dispose d’une réelle faculté d’adaptation à la multiplicité des enjeux liés à l’avenir de l’activité aéroportuaire, d’autant que la concurrence ne cesse de se renforcer en termes de qualité de prestations. Le maintien d’ADP dans le giron du service public ne pourra jamais atteindre le niveau d’efficacité exigé pour rester dans la compétition en raison des rigidités inhérentes à l’administration publique et à ses cadres dirigeants, tous hauts fonctionnaires et énarques de préférence.

Que les autoroutes aient été mal vendues, la chose est entendue. La privatisation s’est faite par tranches sans véritable mise en concurrence. Vinci étant déjà en position de force lors de privatisations partielles précédentes, se retrouvait de fait seul à soumissionner et apte à négocier, en sa faveur, les meilleures conditions d’acquisition. La leçon a servi. ADP fera, cette fois, l’objet d’une vente en bloc de manière à pouvoir confronter des offres concurrentes et surtout permettre à l’Etat lde percevoir en retour la prime de contrôle qui devrait représenter jusqu’à 30% du prix de la vente, ce qui n’avait pu être le cas pour les autoroutes.
Le cahier des charges, essentiel dans cette opération, devra être clair quant aux obligations du repreneur. Là encore, on entend se plaindre ceux qui annoncent déjà que cela va être la grande braderie à cent francs. On peut effectivement les comprendre quand on regarde avec quelle légèreté ils ont traité les dossiers de privatisations à l’époque où ils étaient au pouvoir. Maintenant qu’ils n’y sont plus, peut-être avons-nous le droit de croire que nos responsables seront désormais plus vigilants et compétents.
 
Pour rappel:  la police aux frontières n'est pas concernée par la privatisation
Quant à ceux qui, connus pour leur mauvaise foi et leur peur du migrant, ont émis les réserves les plus significatives sur le risque de voir nos frontières disparaître, qu’ils sachent que la privatisation d’ADP ne concerne que les activités commerciales des deux aéroports. Il est évident que les fonctions régaliennes liées à la sécurité des frontières ne sont pas concernées. Il y aura toujours des policiers et des gendarmes pour assurer le service d’ordre et des douaniers pour contrôler les voyageurs et leurs bagages. Et non, ce ne seront ni des milices privées ni des terroristes infiltrés qui feront la loi. Dommage, encore un argument qui ne tient pas.

La privatisation d’ADP devrait aussi permettre d’en finir avec un interminable conflit d’intérêts avec Air France, la compagnie nationale dont l’Etat détient des parts historiques. Cette situation totalement ubuesque qui fait de l’Etat à la fois le fournisseur et le client pourra enfin trouver son dénouement. En l’état actuel des choses, ADP ne peut augmenter ses taxes d’aéroport sans s’opposer à lui-même, en l’occurrence Air France dont l’intérêt est bien sûr de les maintenir au plus bas. Et pour comble, l’Etat qui devrait dans cette situation conserver une sage neutralité, choisit depuis toujours son camp, le même, Air France même s’il y est minoritaire.
Une raison de plus pour sortir de ce dilemme cornélien. Privatiser Aéroports de Paris est non seulement indispensable, mais c’est aussi une assurance pour l’avenir et la garantie de faire de Paris un carrefour d’échanges à l’échelle planétaire. Dans le cas contraire, on ne changera rien. Et le trafic continuera de transiter par Heathrow.

On voudrait saboter le pays qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Deux pas en avant, trois en arrière, c’est ainsi que la France avance (à reculons). Une dernière recommandation :  amis provinciaux, Paris vous a oublié, alors oubliez Paris et laissez les Parisiens régler entre eux leurs différends comme l'on t fait Booba et Kaaris….à Roissy Charles De Gaulle.  

jeudi 13 juin 2019

Le gouvernement sonne la retraite


Voilà une bien mauvaise nouvelle. La retraite n’aura définitivement plus lieu à 60 ans à moins que le Rassemblement National ne revienne dessus, une fois parvenu au pouvoir. L’espérance de vie ne cessant, dit-on d’augmenter, il est, désormais, hors de question de passer plus de temps à la retraite qu’on en aura passé au travail. La vieillesse dorée telle que la vivent ou l’auront vécue nos parents appartiendra bientôt au passé. 

La France s’aligne, en cela, sur ce que font déjà ses voisins, même si le gouvernement temporise en annonçant un âge pivot à 64 ans, encore loin des 65-67 ans en moyenne comme c'est le cas en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Espagne, etc… etc… Il n’a certainement pas envie de voir à nouveau les rues se remplir de manifestants hostiles au cri de «  Macron Démission !».  
 Et l’enjeu est sensible. Il eût été bien plus populaire, ou populiste, de se conformer à la proposition de Marine Le Pen ou des Insoumis d'envoyer tout le monde à la retraite à 60 ans avec, qui plus est, un revenu décent voire confortable, de quoi donner une totale satisfaction aux revendications des Gilets Jaunes et à ces pauvres retraitées qu’interviewe régulièrement François Ruffin


Au moment où l’exécutif cherche par tous les moyens l’argent nécessaire pour financer les réformes alors que le pays est déjà surendetté et ne survit que par ses continuels recours à l’emprunt, on est en droit de se demander quelle mystérieuse solution miracle cachent dans leur chapeau ceux qui rêvent de lui chiper le pouvoir. Par quel tour de magie parviendraient-ils, en effet, à diminuer le nombre des actifs, c’est-à-dire des cotisants, tout en augmentant celui des inactifs, entendons des pensionnés avec au passage une revalorisation substantielle de leurs retraites. Quel bonheur ! avec une promesse pareille, il n'est que temps que le RN soit aux commandes ! Non mais, franchement, restons sur terre, les gogos dont se moque avec tant de verve Mme Le Pen pour désigner ceux qui votent la REM, doivent, au final, s'être regroupés en masse derrière sa bannière. Avec ce genre de mensonge éhonté, on n’est plus dans le populisme mais proche du degré ultime de la démagogie. Et qu'ils ne nous fassent pas,comme à chaque fois, le coup des 100 milliards d'évasion fiscale, il n'en est pas un qui sera capable d'en récupérer le moindre Euro. 

Tout le monde s’accorde à dire que le système de retraite par répartition mis en place à la Libération est à bout de souffle, qu’il pénalise à chaque jour qui passe le budget déjà déficitaire de l’Etat et que nous courrons à la catastrophe si rien n’est fait dans les années qui viennent. Réformer le système est donc d’une urgence absolue sauf que les oppositions autant de droite que de gauche ne sont, non seulement, pas d’accord avec la méthode de retraite par points sans discrimination public-privé, comme le préconise le gouvernement, mais voudraient maintenir les avantages des régimes spéciaux qui ne sont pour ceux qui en bénéficient rien moins que des niches fiscales, et rendre le système dans son ensemble plus généreux, en taxant pour cela les dividendes des entreprises et les grandes fortunes. Toujours cette même recette éculée qui a plombé l'économie en faisant fuir ailleurs ceux qui détenaient les cordons de la bourse. Les oppositions n'envisageant la vie politique que sous la forme du RIC, merci les Gilets Jaunes, en souhaitant faire de toute proposition un référendum anti-Macron n'imaginent même plus avoir une offre alternative crédible. A quoi bon, Macron c'est non, quoiqu'il fasse, quoiqu'il dise. Et on en vient à ce que ceux-là mêmes qui ne cessent de dénoncer les injustices sociales trouvent normal qu’il y ait une différence de taille entre le régime de retraite de la fonction publique et celui du privé. 

Ils trouvent normal qu’à salaire égal et à durée de cotisations égale, un fonctionnaire perçoive, une fois retraité, 30% de pension en plus que son collègue issu du privé. Pour rappel, le calcul du montant de la retraite est basé sur la rémunération des six derniers mois pour la fonction publique et sur la moyenne des 25 meilleurs années pour un salarié du privé. 25 ans ! une génération tout entière. Ce qui constitue d’autant plus un scandale que l’on sait quelle différence de parcours il y a entre un fonctionnaire qui a poursuivi une carrière linéaire grâce à la sécurité de l’emploi et un employé du secteur privé qui a subi les aléas des crises économiques et de la vie parfois tumultueuse des entreprises. Cela ne choque absolument pas les opposants au gouvernement. 6 mois pour les uns et 25 ans pour les autres, après tout pourquoi pas. Et passons sur le montant prélevé chaque mois sur le salaire, près de deux fois plus dans le privé que le public. Pour les socialo-communistes et les Insoumis qui détestent le secteur privé, on dira qu'ils sont dans leur logique mais à quoi jouent donc les Républicains? Ils devraient, au contraire, se féliciter qu’on en finisse avec le système le plus inégalitaire qui soit, qu’on en finisse avec des régimes spéciaux qui sont autant de privilèges accordés à certaines branches comme jadis à la noblesse. Et bien non, cela ne les émeut pas. Au point même qu’ils sont prêts à sortir les banderoles et défiler au nom du maintien de ces mêmes privilèges. Républicains de pacotille! Il est vrai qu'après avoir choisi pour les Européennes un âpre défenseur du clergé, les voilà tout acquis aux valeurs de l'aristocratie avec un mépris affiché pour le Tiers Etat, la bande à Mirabeau, euh! à Philippe,le transfuge.

Edouard Philippe
"Inénervable!"
En conclusion, selon le RN, la France Insoumise, le PS et même LR, la seule réforme acceptable serait d’augmenter le montant des pensions de retraites tout en maintenant le système en l’état. Jean-Luc Mélenchon l’a d’ailleurs confirmé à Edouard Philippe, son mouvement est contre tout ce qui vient du gouvernement, ce n’est même pas la peine de discuter. Cela me rappelle ce que disait Raymond Barre, alors premier ministre à la fin des années 70, non pas en parlant des fonctionnaires qu’il considérait déjà comme des nantis ni quand il estimait que la France vivait au-dessus de ses moyens, non, c’est lorsqu’il avait dit qu’il y a les gens qui gouvernent et ceux qui se contentent de faire de la politique. Les seconds ont toujours le beau rôle, ils ne risquent qu’une chose, se retrouver un jour au pouvoir. Aïe!

jeudi 6 juin 2019

Un Brexit Sauce Américaine


"America First !", "America above All !", et maintenant "America ready to eat the UK alive !". C’est, en substance, le message subliminal que Donald Trump est venu adresser à ses amis britanniques. Profitant de l’impossibilité du Parlement de Londres de s’accorder sur les modalités du Brexit, le locataire de la Maison Blanche a, selon son habitude, été franc et direct, se prononçant  pour une sortie non négociée de l’Union Européenne tout en faisant miroiter aux Anglais un fabuleux accord de libre-échange avec les Etats-Unis. 

Les ficelles sont, certes, énormes mais c’est finalement ce qui semble marcher le mieux dans le monde d'aujourd’hui où tout ne s'exprime qu'à travers les rapports de force. M. Trump a imposé un style manichéen, ne s’embarrassant d’aucune formule de politesse pour dézinguer à tout va les gens qui s’opposent à lui et élever au pinacle ceux qui l’apprécient. Malin, il sait obtenir des autres qu'ils fassent le sale boulot pour s'en garder les lauriers. Ses ingérences irrévérencieuses dans la politique intérieure des états sont de plus en plus fréquentes mais personne n’ose y redire, tant il sait profiter de la puissance que lui offrent les Etats-Unis pour démonter la fourmilière à coups de Tony Lamas. 

Donald Trump et Theresa May
Il est temps qu'elle cède la place si les Etats-Unis veulent remplacer
l'Europe dans la tête de Britanniques

Son positionnement, sans équivoque, en faveur d’un Brexit dur, tout comme ses attaques contre le Maire de Londres qu’il considère comme un "loser" ou contre Jeremy Corbyn, le leader Travailliste, un homme négatif, selon lui, du simple fait qu’il émet des réserves quant à la bienveillance des intentions américaines à l’égard du Royaume Uni, ne manquent pas de piquant. 
Le nouveau discours américain ne fait pas dans la dentelle mais il a, au moins, le mérite d'appeler un chat un chat. Comme M. Trump le répète depuis son élection, il s'est donné pour mission de redonner sa grandeur à l'Amérique (comme si elle l'avait perdue) en en faisant une hyper-puissance planétaire, voire plus encore, animé d'une vision totalement américano-centriste du monde dont il n'hésite pas, lui-même, à se considérer comme le centre de gravité.
Il peut aisément se battre contre la Chine du fait que, malgré son milliard et demi d'habitants, cet empire qui bannit toute liberté d'expression est d'autant plus fragile qu'il fonctionne de façon purement monolithique avec un interlocuteur bien identifié, M. Xi Jinping. L'affaire Huawei démontre,en cela, que les Etats-Unis sont moins la proie que la chasseur. 
Il peut aussi laisser Vladimir Poutine brûler ses calories dans des pays de moindre importance, l’autorisant en quelque sorte à jouer les gendarmes dans des états qui ne représentent que des miettes face à la puissance des USA. Tandis que Moscou met à l'épreuve ses troupes et son matériel dans des zones périphériques comme la Syrie ou le Donbass, Washington renforce ses positions économiques dans les secteurs stratégiques, offrant aux uns ses libéralités et imposant aux autres ses sanctions, selon leur degré de docilité.

Que peut la Reine face à ce géant qui se voit déjà
chez elle comme dans son jardin
Reste l’Europe, sa seule vraie rivale, en somme. Il sait que l’Union Européenne peut être une rude compétitrice si elle fait preuve d’une réelle unité dans les décisions et les échanges. Conquérant, orgueilleux, Donald Trump supporte mal que ce continent parvienne à s’entendre, alors qu'il porte la responsabilité des deux guerres les plus meurtrières qu’a connues l’humanité. Les Etats-Unis, cela concerne uniquement l'Amérique, surtout pas l'Europe. Il redoute d’autant plus de négocier avec l’Union Européenne que celle-ci constitue à 27 états membres la zone de consommation la plus riche de la planète et jouit de ce fait d’un poids conséquent, pour ne pas dire colossal. 

Il va donc sans dire que la sortie du Royaume Uni de l’UE est du pain bénit pour Donald Trump. Cela lui permet de mettre en œuvre le style de relations commerciales qu’il rêve d’établir avec les Européens, état par état, sachant qu’il pourrait dans ce cas profiter d’un degré d'autorité digne d'un suzerain envers ses vassaux. C’est d’ailleurs ce qui se passe déjà à l’OTAN où les Etats-Unis disposent de tous les pouvoirs, considérant leurs alliés comme des figurants, du fait que bien qu'étant tous des états à part entière, ils ne disposent, pris isolément, d'aucun poids militaire réel, à l’exception peut-être de la France et l’Angleterre.

Le Brexit est de ce fait, pour Donald Trump, l'occasion idéale de concrétiser son projet de remise à plat des échanges entre l’Europe et les Etats-Unis. Il compte utiliser les accords de libre-échange qu’il souhaite engager avec le Royaume Uni comme un outil de propagande destiné à fracturer l’Union Européenne et préparer le retour de l’Europe des Nations, en résumé une mosaïque de petits pays d'opérette, jaloux de leurs gardes-frontière en épaulettes comme l'était le continent avant-guerre, auprès desquels il pourra se présenter comme le garant des libertés tout en s'assurant de leur dépendance économique. C'est là toute la stratégie des souverainistes et de leur gourou, Steve Bannon, véritable Éminence Grise du national-populisme, en deux mots du Trumpisme international. 

Boris Johnson, la voix de son Maître
Un futur Premier Ministre Britannique en héraut du Nouveau Monde
façon Donald Trump 
Donald Trump, champion des souverainistes ? Qui en aurait douté ! Il suffit de voir la manière presque indécente avec la quelle il fait les yeux doux aux sujets de Sa Majesté. Le pire pour lui serait que le Royaume Uni finalise un accord commercial avec l’Union Européenne. En bon VRP de son électorat, soudain mis à mal par son illibéralisme imprévu, il s’implique pour promouvoir le parti d’un Brexit dur et soutenir par la même occasion Boris Johnson, « Bojo » pour les intimes, sa taupe en 2016 et aujourd'hui son fidèle soutien, celui-là même qui, dans un style « grande gueule » qui a fait depuis école en Lombardie, s’est évertué à condamner sans appel tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l’UE. En bonimenteur rodé aux fake news, Boris Johnson na guère brillé dans les différents ministères dont il a eu la responsabilité mais sa position irréductible en faveur d’un hard Brexit et son inféodation affichée aux Etats-Unis en fait bien sûr un héros aux yeux de Donald Trump. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce dernier croise les doigts pour que Boris Johnson soit le prochain premier ministre, un toutou à sa botte. Ce serait autant un cuisant revers pour l’Union Européenne qu’une formidable victoire pour Trump.

Après avoir pris à l’hameçon un gros poisson comme le Royaume Uni, le président américain se verrait bien poser ses collets dans l’espace européen pour y capturer d’autres gibiers, l’Italie, la Pologne, la Hongrie, pourquoi pas, et saper ainsi les fondements de l’Union. C’est un bras de fer qui commence entre gens d’une même famille. Un combat fratricide qui comme toutes les querelles de ce genre se trompe généralement d’ennemi. Imaginons un instant que fatigués des coups de menton et de coups de boutoir de Donald Trump, Russes et Chinois décident de faire cause commune, c'est toute la carte du monde qu'il faudrait revoir. 

Comme dit le proverbe « Protégez moi de mes amis, …. » 

lundi 3 juin 2019

C'était un 26 mai !

26 mai 1993
L'OM sur le toit de l'Europe

Reprise à l’unisson par des milliers de supporters, la clameur triomphante s’élevait des tribunes. C’était au temps où les virages étaient encore bruts de béton. Du Quai aux Huiles à La Millière, de Malmousque à la Croix Rouge, tous entonnaient le même chant, hurlaient le même cri de victoire. Partout dans Marseille, on faisait la fête. Et oui, la Coupe, on l’avait gagnée ! Un but de la tête signé Basile Boli quelques secondes avant la fin de la première temps venait de propulser l’OM au zénith. Premier club français champion d’Europe et encore aujourd’hui le seul.

Que c’est loin tout ça. En cette année 1993, le Président de la République était depuis 12 ans, déjà, François Mitterrand, le Tonton des Français, vieillard malade mais d’acier trempé. Internet balbutiait, Google n’était pas né. C’était le temps du 3615, de Radiocom 2000, des premiers téléphones vraiment portables Mitsubishi ou Motorola, un temps que les moins de 20 ans n’auront jamais eu la chance de connaître. On n’imaginait pas que le conformisme puritain deviendrait un jour la norme imposée par de nouvelles machines à penser ayant pour nom Facebook, Twitter, Instagram ou Snapchat. On avait un an plus tôt voté en faveur du Traité de Maastricht persuadés que l’avenir de l’Europe était nécessairement fédéral. On n’avait pas versé une larme sur le cercueil de la défunte Union Soviétique ni même adressé un regard à la Chine toujours ensommeillée. On était confiant en des lendemains nécessairement meilleurs.
   
Un million attendu, moins de 40 000 à l'arrivée, la Bérésina en plein
printemps pour la France Insoumise
25 ans plus tard. Nous étions le 26 mai 2018, un samedi. Ce jour là, devait déferler sur les Champs Elysées la marée humaine qui allait emporter, avec elle, Macron et ses marcheurs. Depuis un an, Jean-Luc Mélenchon battait le pavé, promettant l’enfer à l’usurpateur, en l’occurrence le locataire de l’Elysée qui l’avait privé d’une juste victoire et de l’avènement de la 6ème République censée sceller à la manière de Castro, 60 ans plus tôt, « la victoria siempre ».

En ce mois de mai 2018, confiante en sa bonne étoile rouge, La France Insoumise revendique, le poing levé, une légitimité à gouverner, accusant sans vergogne Emmanuel Macron d’avoir trompé les Français en opérant, en fait, un coup d’état. Jean-Luc Mélenchon a appelé le peuple au grand soulèvement, criant haut et fort qu’il est temps de virer Macron. Les syndicats ont déjà pris les devants, profitant de la Réforme de la sacro-sainte SNCF pour planter leurs banderilles malgré un 1er mai chaotique marqué par des violences peu habituelles en cette fête des travailleurs.

Mai 2018, le drapeau de la CGT flotte sur la gare de Narbonne
A qui appartient la SNCF? Aux Français ? Non, à un syndicat !
 A l’époque,le drapeau rouge de la CGT flotte haut sur la gare de Narbonne, rappelant à ceux qui se seraient égarés dans le troupeau des moutons estampillés "En Marche" que le pouvoir appartient aux travailleurs, disons plutôt, à leurs représentants. On annonce déjà une convergence des luttes, un remake de mai 68, en un mot, la France s’apprête à virer enfin au rouge vif et à acclamer les représentants désignés d’un nouveau Comité de Salut Public, copie conforme de l’équipe qui, sous la Révolution, a instauré la Terreur comme un mal nécessaire, avec en guest star Jean-Luc Mélenchon, son nouvel archange, en clône de Maximilien. Et patatras, la cata ! Les Champs Elysées : déserts si l’on exclut les touristes. 

Le pendre en effigie ? Une pantalonnade
Il aurait fallu le faire pour de vrai, c'était ce que demandait le peuple!
En êtes-vous seulement sûrs? Qu'est-ce que vous savez du peuple, après tout !
La déferlante ? Une marée basse d’équinoxe. Les Insoumis tenteront bien une diversion, par l'intermédiaire de François Ruffin, en organisant la fête à Macron, pendaison à l'appui, mais, là encore, c’est la disette. Les biligs auront beau faire dorer les crêpes, le grand remplacement annoncé n’aura pas lieu. Au soir du 26 mai, le Président de la République n’aura pas changé, malgré les échafauds dressés ça et là pour le raccourcir.

Et nous voici, un an après, jour pour jour, à 20h00. La soirée électorale démarre sur TF1 avec les premières estimations. Coup de tonnerre ! Non pas la victoire du Rassemblement National, elle était tellement annoncée qu’on s’intéressait plutôt à ce que serait la défaite de La REM. Contrairement à son ami Matteo, Marine ne fait qu’un peu plus de 23% des voix, une victoire miteuse, en somme, la République en Marche étant à moins d’un point derrière. RN est aux portes du pouvoir, comme à chaque fois, mais il se fait refouler. Nous ne sommes pas en Italie et le peu de culture mussolinienne que certains oseraient faire valoir étant assimilé à la collaboration avec le nazisme, il parait difficile, en France, de laisser proliférer les valeurs de l’extrême-droite, sauf à renier l’essence même de l’esprit patriotique républicain et libéral qui constitue notre chaîne d’ADN.

Assurément plus facile en Italie qu'en France
N'en déplaise aux idéologues du RN
Avec un résultat aussi modique, sachant que les nationaux-populistes ne peuvent attendre d’un second tour que des alliances avec des partis marginaux, on a compris que ce n’est pas demain la veille que le Rassemblement National sera aux commandes.

Non, le coup de tonnerre est ailleurs, chez ceux qui, il y a deux ans, prétendaient avoir été volés d’une victoire qui leur tendait les bras. Les Républicains et la France Insoumise se retrouvent relégués dans le Grupetto, avec à peine le tiers des voix que leur candidat respectif avait obtenu à la Présidentielle. Exit François Fillon d'un côté, tandis qu'en face, c'est encore pire. Avec près de 20% d’électeurs en 2017, Jean-Luc Mélenchon avait été depuis le plus mordant, le plus virulent, ne cessant de dénoncer l’usurpateur, l’intrus, l’infâme Macron, annonçant même son renversement imminent après que ses partisans eussent dû se déverser par millions dans les rue de la capitale. Il voyait déjà s’installer la Constituante, comme au Vénézuéla, dans la perspective d’une 6ème République, démocratique et populaire. Bref, il se voyait déjà guérir les écrouelles, lui, qui n’avait pas hésité à déclarer, rageur, que sa personne était sacrée. Avec 6,3% des vois aux Européennes, on a eu vite fait à la France Insoumise de décommander les makrouts et les zlebyias. Le camouflet a été sans appel. Du référendum anti-Macron dont ils voulaient faire cette élection, ils ont réussi à en faire une référendum anti-Mélenchon.

Les Républicains ne s’en tirent pas mieux, c'est même pire pour un parti jadis hégémonique. Persuadés que les accents néo-conservateurs et le jansénisme revendiqué de leur tête de liste François-Xavier Bellamy allaient permettre à leur parti en berne depuis deux ans, de retrouver un second souffle, le remettant vigoureusement en selle après une trop longue période d'atermoiements, ils se voyaient même recoller le duo Le Pen-Macron et amorcer l’après République en Marche. Mais au bout du compte, les Français ont préféré donner un coup de pouce aux écologistes plutôt que de relancer les Républicains, comprenant que la jeunesse de François-Xavier Bellamy n’était que l’arbre cachant la forêt des vieux notables carriéristes, jaloux de leur pré carré et des avantages afférant à leur statut. Inutile de les nommer, on ne les connaît que trop, la droite des clubs service et des dames patronnesses, des rentiers de la politique, des banquets républicains, des canapés au foie gras et des recommandations entre amis, la "good ol'" droite des copains et des coquins. N’importe quel analyste politique dira que LR ne dispose plus de marge de manœuvre, compressé entre La République en Marche qui, depuis deux ans, conduit les réformes que cette même droite a toujours promis sans jamais les mettre en œuvre une fois au pouvoir, et l’extrême-droite, opposante féroce, mais sans projet de gouvernement sérieux, apte uniquement à capitaliser sur les colères et les frustrations. 

Ne parlons plus de la gauche socialiste, elle a abandonné toute idée nouvelle depuis le Mariage pour Tous. Face à Trump, Poutine, Xi-Jinping, elle est de toute façon sourde, aveugle et muette. Mélenchon a pensé accrocher la France au wagon bolivarien mais c’est à se demander si cet homme dispose, à l'international, de toutes ses facultés. Parler du Yémen est surtout pour les Insoumis une façon cynique de retourner les questions à leur avantage, alors qu'ils savent eux-mêmes qu'ils ne feraient rien de plus s'ils étaient au gouvernement, . 

Reste donc la dépouille des Républicains. Laurent Wauquiez vient d’annoncer qu’il se retire à La Chaise Dieu. Il a cru pouvoir faire gagner un parti sans projet européen sérieux, incapable de trouver une ligne claire entre Européistes et Souverainistes, entre conservateurs et progressistes, entre étatistes et libéraux, et tout comme les Socialistes, il s’est gentiment fait éjecter du débat.

Parka rouge et Gilet Jaune, on ne peut pas toujours dire
en même temps une chose et son contraire sans en recevoir
les éclaboussures
Chers amis Républicains, vous avez évincé Nicolas Sarkozy dès le premier tour des Primaires de la Présidentielle, viré Alain Juppé au second tour, préféré François Fillon, l’homme aux casseroles d’or, choisi Laurent Wauquiez, celui qui se contredit plus vite que son ombre, laïc un jour, catho le lendemain, pro Gilet Jaune le samedi, anti le dimanche et pour couronner le tout, François-Xavier Bellamy, un calotin bon teint qui pour rallier une voix en a fait fuir le double. Allez les Républicains, cessez de jouer le Renard et les Raisins, rejoignez la République qui marche pour de vrai. Vous ne proposez de toute façon rien de mieux. Arrêtez seulement de vous voiler la face et osez un brin d'honnêteté avec vous-mêmes. Au pire, vous pourrez toujours allez chez Mariani, l'ami de Marine.... et de Bachar !!!  
     

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