Mai 2018 - La divergence des luttes

Mai 68, un parfum de verveine et de grenade lacrymogène
et toutes les filles qui se prenaient pour Bardot

Décidément ce mai 2018 que l’on annonçait explosif n’aura été qu’une triste débandade pour tous ceux qui espéraient refaire en mieux le film de 68. Mais pouvait-il seulement en être autrement? Evidemment non, l’histoire ne se rejoue jamais deux fois de la même façon. Seuls quelques idéologues cloisonnés dans leur haine de la société capitaliste imaginaient, naïfs, que la balance allait pencher en leur faveur. Leur pensée figée, obsolète, restée rivée aux heures glorieuses de la Guerre Froide, au temps où le monde était divisé en deux blocs, d'une part les gentils socialistes et de l'autre les affreux capitalistes, leur faisait croire en un nouvel "Octobre" en mai.

Cela va bientôt faire 30 ans que l'ordre hérité de la Seconde Guerre Mondiale n’est plus et que ce qui était encore possible en 68 gît désormais au cimetière des illusions perdues. En revanche, les grèves sont toujours là avec leurs drapeaux rouge et noir, leurs syndicats qui rabâchent de longue les mêmes discours anti-patronat et les manifs merguez-kebab qui se déroulent comme au bon vieux temps à coup de slogans plus ou moins bien inspirés.

Cheminots, enseignants, étudiants, territoriaux, oisifs ou activistes, les effectifs se sont renouvelés mais l'esprit corporatiste qui a investi la rue n’a pas changé, hormis peut-être l'absence du monde ouvrier qui, las de voir son horizon devenir un désert industriel s'est progressivement détourné de la faucille et du marteau de ses aînés pour rejoindre la flamme tricolore des promesses du grand retour au monde d’avant. Et le résultat est là, les chiffres sont d’autant plus éloquents que le comptage traditionnel des manifestants faisant le grand écart entre les pour, qui les surgonflaient et les contre, qui les rabaissaient, s’est vu soudain revu et corrigé par l’apparition d’un troisième larron, neutre cette fois. Dans ce match de dupes où chacun se renvoyait la balle en toute mauvaise franchise, la société Occurrence qui effectue à présent les comptages pour les médias, a sans conteste scié les derniers espoirs des organisateurs du Grand Soir en annonçant des chiffres à la limite de l’indigence. La déferlante, le million attendu sur les Champs Elysées, le grand soulèvement populaire, l’insurrection finale et les autres appels à la révolte n'ont guère eu d'écho.

Pour une fois que notre président n'est ni pendu ni brûlé vif, le présenter en pantin
articulé façon bavaroise est presque rassurant sur les intentions de ses détracteurs

Pour preuve, la Fête à Macron, où l'on s'est copieusement défoulé sur l'effigie du président, a été, avec moins de 40 000 participants à Paris, soit la capacité d'un demi Stade de France, le rassemblement du mois qui a attiré le plus de monde. Quant à la grande marée d'équinoxe attendue le 26 mai qui, pour la première fois, depuis longtemps, réunissait d'une part les chouchous des médias, à savoir la gauche tonitruante et les syndicats anti-réformistes, et de l'autre pas moins d'une soixantaine d'associations, voilà qu'elle s'est tout bonnement transformée en Mer de la Solitude.
On a, en réponse, entendu des représentants de la France Insoumise remettre en cause les chiffres annoncés, hurler à la manipulation, à la "Fake News" mais ils n’ont pas daigné répondre à la proposition que leur a adressé la société Occurrence de recompter ensemble. Pas toujours facile de ravaler ses mensonges. Restons cependant bons joueurs, inutile en effet d’ajouter du ridicule à la désillusion.
En conclusion, la convergence des luttes tant prédite s’est soldée par une fin de non-recevoir. Il faut à présent se rendre à l’évidence que ce mouvement disparate, cette "Armée Mexicaine" n’avait aucune chance de faire recette. Entre les cheminots qui peuvent se targuer d’un emploi à vie (ils sont pratiquement les seuls aujourd'hui) tout comme leurs collègues enseignants, les étudiants qui ne bénéficient pour le moment que rarement d’un emploi, les lycéens qui n’ont pas d’emploi, les agents des EHPAD qui ont un emploi difficile, et invitée surprise la France Insoumise dont le but est d'ajouter de l’huile sur le feu pour renverser le gouvernement, s'est composé un cocktail bien peu détonant. Pendant ce temps, les Français sont pour leur immense majorité allés profiter du printemps pour se balader.

Robespierre : " La clémence qui compose avec la tyrannie est barbare!"

Mai a passé, les étudiants sont retournés, quand ils l'ont pu, à leurs études, les travailleurs (tout au moins le peu qu’il en reste s’il s’agît des ouvriers) sont retournés à leur travail et les profs à leur tableau. Seule s'est maintenue la grève de la SNCF, perdant chaque jour en crédibilité à force d'apparaître comme un combat d’arrière-garde purement idéologique. Rappelons simplement que dans la cadre de la réforme, les cheminots conserveront leur statut jusqu'à l'âge de la retraite, 57 ans en moyenne et que c’est à partir de 2020 seulement que la réforme s'appliquera aux nouveaux entrants. Ce qui semble achopper reste surtout l’ouverture à la concurrence. Que n’a-t-on, à ce sujet, entendu sur la dégradation du service public qu’engendrerait la fin du monopole, sur la hausse faramineuse du billet, sur l’abandon des petites lignes non rentables, et patin couffin. Ceux qui osent prétendre défendre le service public tel qu’on le subit aujourd’hui sont vraiment de drôles de farceurs.

La ligne de Moux
Depuis des années, le monopole de la SNCF a démantelé nos petites lignes
malgré l'avis des "usagés" au nom de la rentabilité 
En tant qu'Audois, je dois dire que la SNCF n'a pas entendu la fin du monopole pour fermer nos lignes régionales, que de gares en effet aujourd'hui désaffectées témoignent de l'abandon d'un réseau qui faisait jadis la fierté de nos territoires, la ligne de Bize, la ligne de Caunes, la ligne de Quillan, fermées les unes après les autres dans l'indifférence totale parce que pas rentables. Cela fait 40 ans que la SNCF démantèle les lignes départementales, oh! les cheminots, c'est seulement maintenant que vous vous en rendez compte. Quelle mauvaise foi!  Si la défense des petites lignes est un prétexte destiné à recueillir l'assentiment de l'opinion publique, il n'en demeure pas moins que la SNCF est devenue pour le pays un boulet; elle coûte cher, elle est vétuste, les trains sont tagués comme des poubelles, le ménage n’y est pas souvent fait, la sécurité y est défaillante, les retards sont devenus la norme, et le drapeau de la CGT flotte sur les gares comme la marque de la confiscation d’un bien national au profit d'une organisation qui se revendique plus de la lutte des classes que de la défense de "l'usagé". Que la CGT s’oppose à la concurrence, rien de plus normal, cela fait partie de l'ADN du marxisme qu'elle revendique et de son aversion viscérale pour le "Grand Capitalll!"selon feu Georges Marchais. Mais lorsque fut signée en 2016 par le gouvernement d’alors la prochaine ouverture à la concurrence, nos syndicats à présent si virulents ont brillé par leur mutisme.

"Le Drapeau Rouge Flotte sur la Marmite"
La CGT, maîtres du pays mais jusqu'à quand?
Or, je dirais selon la formule consacrée que dès lors qu'ils ne s’y sont pas opposés, ils doivent se taire à jamais. Et bien non, voilà à présent qu'ils la ramène. Mal joué; cette attitude opportuniste qui dit oui un jour et non le lendemain au gré des vents et marées de la démocratie a perdu une large part de son crédit aux yeux des Français. Rassurons-nous cependant, le syndicat des pilotes d’Air France vient à la rescousse avec un nouvel appel à la grève, une façon de se montrer solidaire de leurs frères de chiourme, les cheminots. Vous voulez mon avis, a force d’entendre le concert des plaintifs, des pleureuses et des imprécateurs, j’ai envie de crier « Privatisation ! Privatisation ! ».

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