Londres le 16 mars Près d'un million de manifestants pour la Marche anti-Brexit |
Tandis qu’ils étaient près d’un million à Londres à défiler
pour revenir sur le résultat du référendum qui a sonné, il y a 3 ans, la sortie
du Royaume Uni de l’Union Européenne, ils étaient 40 000 en France à
vouloir faire du référendum un mode de gouvernement.
David Cameron, le 1er ministre britannique qui a
déclenché le Référendum sur la sortie du Royaume Uni de l’Europe était persuadé
que les sujets de Sa Majesté diraient non au Brexit. Or ceux-ci ont dit oui. Oui au
grand saut dans l’inconnu par une sorte de haine de l’Europe ou plutôt des fonctionnaires de Bruxelles.
L’Europe, mère de tous les maux, certes, mais
desquels en particulier ? Difficile à dire, tout se joue parfois dans la
tête. L’Europe bouc émissaire facile, c’est sûr. On connaît bien ce genre d’argument
en France. L’Angleterre avait tout gagné de l’Europe. C’était grâce à l’Europe
qu’elle était sortie de la crise des années 70, après avoir connu une
dégradation sociale sans précédent, une désindustrialisation vertigineuse et une
impuissance politique critique. C’était aussi grâce à l’Europe que Margaret
Thatcher, la Dame de Fer avait pu bénéficier des aides nécessaires à la
mutation de son économie et à la reconquête de son statut de grande puissance.
Aucun des pays de l’Union Européenne n’avait jamais été autant choyé que le
Royaume Uni. Ingratitude de l’enfant gâté, cela n’a pas suffi. Même l’accord du
Touquet par lequel la France acceptait de stopper le flux migratoire à
destination de l’Angleterre s'est avéré insuffisant.
Et pour remercier l’Europe et
les Européens d’avoir autant fait pour eux, les Anglais ont dit qu’ils iraient beaucoup mieux seuls, oubliant simplement que l’Europe avait été là pour
leur éviter le chaos 40 ans plus tôt.
Les Irlandais du Nord et les Ecossais,
plus sensés, ont compris qu’une sortie de l’Europe serait une calamité mais en
Angleterre, on a voulu croire au conte de fée une fois libéré du diktat de
Bruxelles.
Theresa May, Première Ministre Conduire le Brexit à son terme est devenu Mission Impossible |
On sait que la plupart des villes voulaient rester à l’intérieur de l’Union mais
que ce sont les campagnes qui ont voté pour le Brexit. Rien de moins que le
syndrome du chien qui mord la main de celui qui le nourrit. L’agriculture et le
monde rural anglais ont souvent évité la faillite grâce à l’Europe. Le discours
des Brexiters, ceux-là même qui ont promis un avenir en rose, n’a été qu’une
machine à fake-news, une formidable escroquerie, un montage téléguidé entre autres par des intérêts
extra-nationaux dont l’objectif était de fragiliser voire d’abattre l’Union
Européenne.
On constate à présent le mutisme ou la désertion de ceux qui ont
réussi à convaincre l’opinion britannique de sortir de l’Union. Ils se taisent
ou sont tout bonnement sortis des écrans radar, une fois leur forfait accompli.
Mais qu’en est-il à présent ? Nos amis britanniques sont suspendus
au bord de la falaise, voyant à l'horizon s’éloigner les côtes françaises. Ils ont
le sentiment que leur île depuis toujours adossée à l’Europe va bientôt dériver
vers on ne sait quel improbable longitude. D’aucuns parlent d’un rapprochement
avec le fils prodigue américain. Depuis Yorktown, l’ancienne colonie qui n’a de
cesse de s’émanciper de ses Pilgrims Fathers considère avec condescendance sa vieille tutrice, s’enorgueillissant de lui donner à présent l’aumône après l’avoir
extirpé du carcan européen. Quel intérêt les Etats-Unis
auraient-ils eu à vouloir faire sortir le RU de l’UE hormis l’envie de briser
cette même union. Unie, l’Europe pouvait être une redoutable compétitrice pour les
deux hyperpuissances que sont les Etats-Unis et la Chine. Sauf qu’englués dans
leurs querelles intestines habituelles, les Européens n’ont pas vu le "Raminagrobis" pékinois s’immiscer à pas feutrés dans leurs petites affaires et planter ses
griffes. Point gagnant, à ce jeu, la dictature aura le dernier mot sur la
démocratie.
Boris Johnson au centre Champion du Hard Brexit, il se verrait bien Premier Ministre |
Le Royaume Uni vit ses derniers jours au sein de l’Union
Européenne. Ce que les Britanniques ne considéraient jusque là que comme une
émancipation voire une libération se révèle soudain être un vrai tremblement de
terre. Enfin libres certes mais seuls, le réveil est compliqué, la gueule de
bois ne fait que commencer. Certains s’obstinent à démontrer que tout ira mieux
après mais, comme dans tout divorce, le partage des biens entre les ex-époux ne
se fait jamais dans la sérénité. C’est même comme un mouvement de panique qui
secoue le gouvernement britannique, contraint de demander un délai
supplémentaire après avoir eu trois ans pour préparer sa sortie. Les Brexiters
acharnés que sont Boris Johnson ou Jacob Rees-Mogg piaffent surtout d'impatience à l'idée de faire bientôt tomber Theresa May et prendre sa suite. Les ficelles sont
cependant si grosses que le peuple britannique sort à présent de sa torpeur,
convaincu que la manœuvre en préparation risque de conduire le pays à la
catastrophe.
Brexit or not Brexit, That is now the question |
La patience des 27 ayant atteint ses limites, c’est le Royaume Uni
qui va bientôt se retrouver nu. Il est loin, en effet, le temps où Margaret
Thatcher réclamait avec fracas son chèque à Bruxelles. Cette fois ci, plus de
chèque mais assurément un coût à payer très élevé. Le retour des anciennes frontières
va bientôt dresser un mur entre le Royaume Uni et le continent européen, ramenant
en quelque sorte le pays au même niveau que la Turquie ou la Biélorussie. Les
échanges commerciaux vont retrouver leur complexité d’autrefois, douanes,
transitaires, taxes. Les Européens seront de nouveau des foreigners une fois entrés sur
le sol britannique et les Britanniques des foreigners en Europe, rien d'autre que des
ressortissants lambda venus d’autres continents. Quant à la Livre Sterling, elle risque d'être fortement dévaluée, entraînant une forte hausse des produits alimentaires.
Une insularité risquant de devenir un véritable casse-tête en cas de Brexit dur |
On entend à Londres les anti-Europe
parler du Commonwealth comme de la solution pour l’avenir du pays. Une façon de
déplacer le problème mais certainement pas une solution. Le Commonwealth
regroupe tant bien que mal les anciennes colonies britanniques et si la Reine
en est le chef symbolique, cette communauté disparate n’a plus guère qu’une
vocation culturelle. Les anciennes colonies ont eu non seulement le temps de s’éloigner
de leur ancienne dominatrice mais des pays comme l’Inde, le Canada ou l’Australie
ne verraient assurément aucun intérêt à lui servir de roue de secours. Ne
parlons même pas des pays africains.
D’où peuvent venir les solutions une fois le divorce prononcé avec l’Union Européenne?
Les Etats-Unis ? Est-ce que nos amis
britanniques souhaitent vraiment devenir le satellite à part entière de
Washington. Le fiston américain pourrait faire du Royaume Uni son 51ème
Etat, une sacrée revanche d’un côté, une jolie humiliation de l’autre.
La Chine ? L’Empire du Milieu serait très honoré d’agrafer
la Reine d’Angleterre à son tableau de chasse. Ce serait peut-être pour lui une
bonne occasion de finir de mettre en miettes l’Union Européenne et pour le
Royaume Uni celle de faire entrer le big bad wolf dans le gentil cottage.
La Russie ? Après l’affaire Skripal, ce serait un bon
coup pour Vladimir Poutine. Mais la Russie n’a rien à apporter à la Grande
Bretagne hormis de bons espions. Et pour Moscou, un rapprochement avec les 27 vaut
mieux qu’un improbable marché avec Londres.
Et si l'Ecosse faisait sécession pour rester dans l'Union |
A quelques jours du Brexit, la panique s’est emparée du peuple
britannique. Le résultat du Référendum en faveur de la sortie de l’Union est
perçu comme la conséquence inattendue d’une monstrueuse tromperie, d’une série funeste de
mensonges dont ont profité une bande d'opportunistes pour égarer l’opinion.
A n’en pas douter, un nouveau référendum sonnerait le glas du Brexit. Ils sont déjà
plus de cinq millions à avoir signé la pétition pour in fine le maintien du Royaume
dans l’Union. Ils seront peut-être cinq millions de plus dans quelques jours. Déjà
l’Ecosse menace de briser l’unité du Royaume consciente que le Brexit aura pour
conséquence la suppression des aides européennes dont elle bénéficie grassement. Il en est
de même pour l’Irlande du Nord avec un risque de tensions entre communautés
lorsque va être rematérialisée la frontière avec les cousins du sud restés eux
dans l’Europe.
S’il y avait une leçon à tirer d’un tel épisode, ce serait
de revoir la façon de donner la parole au peuple. On a tendance à percevoir le
référendum comme un choix absolu, incontournable, irrévocable. En fait, un
référendum est un peu comme un sondage ; il donne une situation de l’opinion
à un moment donné sauf que contrairement au sondage qui n’est qu’une statistique,
le référendum fige cette situation semblant ignorer que l’opinion fait
preuve de versatilité.
Peut-être faudrait-il envisager un référendum comme un match
et le jouer en deux manches avec en cas d’égalité une prolongation. Si la première
réponse est confirmée lors de la seconde consultation, le résultat serait validé.
Si en revanche elle était infirmée et qu’un oui victorieux lors du premier vote
fasse la place à un non lors du second, on procéderait alors à un troisième vote
dont le résultat serait acquis comme définitif. Ceci pourrait permettre à
chacun de faire valoir ses arguments et surtout de ne pas tomber dans le piège
des passions ou des « infox » qui semblent aujourd’hui avoir trop d’influence
sur les scrutins. Le processus serait bien sur plus long mais le temps perdu au départ éviterait par la suite des déboires interminables.
Conséquence du Brexit Un Royaume plus désuni que jamais |
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