samedi 30 mars 2019

La France continue sa descente en douceur

D'un côté la réussite insolente de quelques fleurons de l'industrie française
Le mal français serait-il donc incurable ? Les choix politiques de ces trente dernières années ont, certes, conduit le pays dans un chemin creux mais une fois le diagnostic établi, faudrait-t-il se résigner à penser que tout est perdu, irrémédiablement. Bien sûr que non s’il nous reste encore un zeste de courage pour reconnaître qu’on a fait fausse route. Le constat est dramatique sans être irrévocable.
Le fait que nous assistions depuis trop longtemps à l’effondrement les uns après les autres de pans entiers de notre industrie ne devrait-il trouver son dénouement qu’avec la fermeture de notre toute dernière usine. Nous disposons, fort heureusement de quelques fleurons nationaux tels qu’Airbus, PSA, Renault et quelques autres sans, pour autant, parvenir à masquer la déliquescence progressive de notre tissu industriel. Ce sont les aciéries, les fonderies, les constructions mécaniques, les filatures, les ateliers textiles et à présent les papeteries qui payent le prix fort des atermoiements de nos gouvernants à considérer le travail comme une matière première destinée à alimenter la formidable machine à transferts sociaux qu’ils ont instituée.
Peut-être qu’un tel système n’entrait pas dans leur conception du monde mais ils ont préféré compenser par le biais des centrales syndicales héritées des ordonnances de 1945 les revendications de la rue au nom du maintien de la paix sociale, sans d’ailleurs vraiment y parvenir. Alors que la sonnette d’alarme a été tirée depuis plus de 30 ans en voyant nos régions laisser filer ailleurs leur savoir-faire, dépecer leur outil manufacturier et se défaire d’une main d’œuvre en pleine capacité en la condamnant à grossir les rangs des demandeurs d’emploi, nul n’a osé dire stop.
Les chefs des entreprises en difficulté ont disparu, honteux à jamais d’avoir conduit leurs sociétés à la faillite. A l’époque où l’on aurait pu réfléchir et étudier les raisons des fermetures inconsidérées d’usines aux quatre coins du territoire, personne n’a bougé. Cela a commencé sous Valéry Giscard d’Estaing avec la liquidation de Lip, une pépite de l'industrie horlogère. On s’est alors moins intéressé au sauvetage des employeurs qu’à la manière d’indemniser le chômage. Bien joué ! Grâce à la pression des acteurs sociaux, on s’est mis à aider ceux qui perdaient leur emploi sans penser à préserver ce même emploi. Tout s’est dès lors accéléré.

Avec le temps, on est en droit de demander des comptes. Comment de fait-il en effet que l’Etat qui sait si bien se mêler de tout, surtout de ce qui ne le regarde pas, ait fait la sourde oreille face aux risques que représentaient la désindustrialisation accélérée de régions dont la prospérité était liée depuis des décennies, voire plus d’un siècle au secteur secondaire. Nul n’a alors prêté l’oreille au désespoir des classes laborieuses, ces fameux cols bleus, âpres à la tâche, abandonnés sans même un geste de compassion une fois l’affaire réglée au niveau des ASSEDIC. La potion était d’autant plus amère que ce n’était pas pour eux la répétition du combat perdu de la diligence contre la machine à vapeur mais simplement le transfert de leurs compétences professionnelles vers des zones lointaines où la main d’œuvre était bon marché. Et on a ajouté à l’humiliation ressentie suite à la perte de son emploi un sentiment de culpabilité dû à cette idée de coûter trop cher.

De l'autre, l'usine JOB à Toulouse fermée en 2003
Autrefois la marque incontournable du papier cigarette
Pourquoi n’y-a-t-il personne en France, du moins du côté de nos politiques, pour s’intéresser à l’extraordinaire pénalisation que représente le coût du travail. On a la plupart du temps éludé le problème en avançant que les chômeurs n’avaient pas à se plaindre d’avoir perdu leur travail vu qu’ils gagnaient presque autant à ne pas travailler. Ce genre d’argument, à la petite semaine n’a pas fait rouvrir les usines pour autant. Il semble tout de même gravement préoccupant qu’après avoir vu la France devenir un désert industriel, au même moment en Allemagne, en Autriche ou aux Pays-Bas, les entreprises, les grandes comme les petites, affichaient une parfaite santé.

Les technocrates affûtés qui gèrent notre pays ont délibérément tourné leur regard ailleurs. Malgré tous les diplômes qui ornent les murs de leurs bureaux lambrissés, ces oligarques de l’administration considèrent de haut les élus des assemblées comme de simples oiseaux de passage, eux-mêmes drapés dans la morgue que leur autorise leurs privilèges. Rien de plus normal en fait, tant ils émanent d’un milieu formé à l’école française de l’administration, coincée dans des schémas d’après-guerre, persuadée que l’économie est au service de la politique et tient ses performances d’une planification bureaucratique qui la rend plus apte que n’importe quel autre système à répondre aux aspirations du peuple. Fort de sa vision macro-économique dirigiste pour ne pas dire anticapitaliste, le pouvoir a pensé qu’il n’y avait pas de meilleur remède pour transcender la réalité que de la mépriser, préférant de la sorte idéaliser son génie intrinsèque au travers de grands projets engageant la fierté de la nation tout entière. Dans l’ensemble fort coûteux et pas nécessairement de première utilité, ceux-ci ont surtout servi à satisfaire un orgueil de classe, aux dépens de tout ce qui lui paraissait trop prosaïque, terre-à-terre. Cette volonté de voir résolument grand dans un imaginaire à mi-chemin entre la science-fiction et le monde selon Orwell a tout simplement anéanti les chances de résilience du petit univers de l’entreprise.

C’est ainsi que la France a vu s’échapper de ses mains les outils de son labeur, cédant à des inconnus l’âme même de son ingénierie. Tout cela pourquoi ? Pour quelques dollars de plus, uniquement. On a été capable d’instaurer l’Etat d’Urgence suite aux attentats terroristes, pourquoi n’a-t-on pas eu le même courage en décrétant l’Etat d’Urgence suite à la mort de notre industrie. Ce n’est pas pareil ! Des millions de vie valent donc moins que des dizaines. La triste diagonale du vide qui a fait d’une large partie de la France une terre de déclassement et de désespoir n’aurait donc que ce qu’elle mérite. Mais en quoi aurait-elle failli ? La France serait donc ce pays inégalitaire qui devrait consacrer son énergie et ses moyens au service des uns et aux dépens des autres. N’y avait-il donc rien à faire que d’assister au déménagement vers l’étranger de nos machines ? C’est certainement là que le bât blesse. Par quel opportunisme un pays qui s’était instauré pour règles économiques celles de la planification pouvait-il y renoncer par une sorte de curieuse fatalité ? La faillite vient uniquement des politiques qui ont gouverné le pays et du clientélisme qui les animent.

La planification que l’on appelle aussi l’économie administrée serait-elle donc passée à côté des difficultés de son industrie nationale, trop occupée à faire valoir la réussite de quelques grandes entreprises ultra-subventionnées. Même gouvernée par la droite, la France a depuis 1936, subi la loi des syndicats et de partis aux ordres d’intérêts supra-nationaux pour promouvoir une culture fondamentalement opposée à l’actionnariat privé, mettant dans le même panier la tête des grands financiers du CAC 40 et celle du petit patron d’une société de quelques salariés. Tous des profiteurs, tous à la lanterne. Cette litanie reprise en chœur par toutes les organisations de gauche, pour la plupart aux mains des agents de l’Etat a eu pour effet de semer l’opprobre sur tous les chefs d’entreprise quels qu’ils soient, sans pitié pour aucun. Dès lors, plus personne dans la hiérarchie au pouvoir n'a eu d'intérêt à vouloir sauver les entreprises en difficulté tant celles-ci ne devaient en fait leur mauvais sort qu’à des patrons voyous trop gourmands. Personne ne s’est donc jamais posé la question du coût du travail?  Bien sûr que si mais telle la voix qui crie dans le désert. La culture française n’a jamais eu de cesse de s’en prendre à la classe des dirigeants d’entreprise comme responsables de tous ses maux. En d’autres temps, on les aurait arrêtés et condamnés à mort pour leurs crimes, justifiant par un pacte qu’ils auraient scellé avec on ne sait quelle confrérie secrète, le fait de mettre leurs propres affaires en difficulté et d’envoyer leurs salariés au chômage.

L'usine GM&S de La Souterraine
L'aventure s'est achevée laissant bien tard à des syndicats blancs
comme neige le soin de dénoncer les patrons voyous 
Il n’y aura donc personne d’assez courageux pour engager la vraie réforme destinée à enrayer la spirale infernale. Il est impératif de réfléchir à la manière de moduler la charge qui pèse sur celui qui travaille. Celui qui a la chance de travailler doit payer à la fois pour celui qui a la malchance d’être malade, celui qui a la malchance de ne pas avoir de travail et celui qui a la malchance de ne plus pouvoir travailler. Cela fait beaucoup de monde et cela coûte une fortune. D’autant plus que moins il y a de travail, plus il faut payer de chômeurs et plus il faut faire payer ceux qui continuent d’avoir un emploi. Le système de solidarité à la Française fait preuve d’une réelle perversité en s’obstinant à faire uniquement peser sur le salarié qui, de son côté n’a souvent droit à rien, la charge de signer leur chèque à tous ceux qui attendent le revenu promis par l’Etat Providence.
On assiste, donc, bien souvent impuissants, à la liquidation, les unes après les autres de nos entreprises, non pas que leur outil de production soit totalement obsolète, non pas que leur catalogue soit archaïque, elles sont même intrinsèquement performantes, disposant de surcroît d’un personnel haut de gamme. Elles ont des coûts de production parmi les plus compétitifs, sauf qu’elles sont, selon leur activité, étranglées par le taux des cotisations obligatoires. Certains crient au scandale dès lors qu’on dénonce la part qui pèse sur les salaires mais, même si l’on nous dit que nous avons le meilleur système de santé au monde, l’addition reste salée lorsqu’on sait qu’il faut en plus y ajouter à ses propres frais une mutuelle pour obtenir en partie le remboursement des frais engagés. Malgré le poids des charges sociales dont la France détient le record du monde, il faut quand même payer pour être soigné. Un avantage cependant, certes modeste mais ne boudons pas les quelques Euros que l’on peut économiser, pour une fois, on peut choisir sa mutuelle. Dommage que ce ne soit pas le cas des organismes chargés de collecter les cotisations des entreprises. Pourquoi ne bénéficie-t-on pas de liberté choix? Pourquoi n'y a-t-il pas de concurrence et donc aucune limite aux abus au sein des organismes collecteurs ? Pourquoi faut-il que tout le monde soit logé à la même enseigne? Pourquoi ne peut-on pas bénéficier d’un système à la carte, plus adapté aux aspirations mais surtout aux réalités du tissu économique ? Pourquoi ne modulerait-on pas non plus le calcul des charges en fonction du type d’activité ? Pourquoi les agriculteurs si indispensables à la vie du pays devraient-ils payer des cotisations plus élevées que des professionnels de la haute technologie, bien moins utiles, mais qui bénéficient dans le cadre de leur activité d’une forte valeur ajoutée. Oui, pourquoi ?

Molex à Villemur
La fabrication est partie en Chine. L'Assurance Garantie des Salaires et
Pôle Emploi prennent le relais. A l'arrivée, les emplois ont disparu
L’Etat ne bouge pas là où il faudrait. Nos hauts fonctionnaires savent bien que le mal de l’industrie française réside dans la part surréaliste des cotisations obligatoires qui pèsent sur les salaires. D’un côté, nous avons les Gilets Jaunes qui se plaignent de gagner trop peu pour vivre décemment et de l’autre les employeurs qui n’en finissent pas de passer à la caisse pour nourrir des caisses de recouvrement gloutonnes dont le moindre défaut n’est pas l'empathie. Il faut payer ou disparaître. Sauf qu’à la fin, c’est à la fois payer puis disparaître.

On a dit que la France était un pays communiste qui avait réussi. A ce rythme, il va finir par échouer comme les autres, à l’exception bien évidemment de la Chine mais est-ce encore un régime communiste ? Dans ce contexte, pourquoi ne pas tous devenir des salariés de l’Etat, finissons-en avec l’entreprise privée et faisons de la France un nouveau modèle de société socialiste. Cette idée devrait convenir aux Gilets Jaunes, eux qui à chaque semaine qui passe, proclament leur haine du capital et des capitalistes. Au moins plus de jaloux ni de mécontents, plus de manifestations et tous les dimanches en famille. Nous aurons au moins la sécurité de l’emploi et il n’y aura plus de faillites. Jean-Luc Mélenchon en a rêvé, la CGT et SUD s’en sont fait les porte-parole, peut-être les Français sont-ils murs pour franchir ce pas. Et on verra ce qu’on verra.

Thomas Hollande, l'avocat du papetier Arjowiggins annonce la mise en liquidation de l'entreprise
La série continue. Encore du travail pour Pôle Emploi



     

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