mardi 5 mars 2019

La chevelure est le voile des femmes (Saint Paul)

Le voile
comble de l'élégance dans les années 50

La laïcité telle qu’on l’entend dans notre pays laisse à chacun le droit s’exercer une religion dès lors que cet exercice ne porte pas atteinte à l’ordre public. Liberté religieuse donc. Avec les années, la laïcité a perdu de son sens originel, non pas du fait de l’arrivée en France de populations étrangères pour qui ce mot ne signifiait rien mais davantage par une manière désabusée d’en laisser détourner à la fois l’esprit et la lettre. 
En définissant les règles de la laïcité, la loi de 1905 visait d’abord à promouvoir une culture fondée sur le progrès social et l'héritage des " Lumières" afin de sonner le glas de l’obscurantisme associé aux religions. L'objectif était aussi de de minimiser le rôle éducatif du catéchisme, assignant à l’instituteur plutôt qu’aux dames patronnesses ou à Monsieur le Curé le devoir de délivrer un enseignement permettant à nos chères têtes blondes de devenir des citoyens responsables. 
On pût ainsi apprendre que l’histoire de la Terre avait commencé il y a plusieurs milliards d’années, bien au-delà de ce que racontait la Genèse. On put aussi se faire à l’idée que l’homme descendait peut-être du singe et pas seulement d’Adam et Eve. La bataille fut rude avant que l’Eglise accepte d'être d'abord et uniquement une autorité morale, renonçant à sa prépondérance dans le champ politique et le système éducatif.
C’est ainsi que le XXème siècle a empreint de son sceau la laïcité comme une norme incontournable. On s’est, de la sorte, habitué à faire la distinction entre les livres de classe de la République et le manuel d'instruction religieuse. A l'école revenait l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, l'initiation à la géographie, à l’histoire et aux sciences de la nature tandis que les parents conservaient le droit d'envoyer leurs enfants à l'église pour y apprendre les prières et faire leur communion. Deux univers parallèles avaient fini par se tolérer et se compléter dans un esprit apaisé. On était loin des querelles enflammées qui avaient tant ébranlé les premiers temps de la 3ème République. Au cours des fameuses Trente Glorieuses, ces années d’après-guerre au cours desquelles la France a renoncé (malgré elle) à son empire colonial, la société française a fini d'accomplir sa mue. 
Avec les années 70, cependant, la fameuse loi de 1905 a commencé à faire l’objet d’interprétations. On a porté l’accent sur la liberté, non plus comme le droit pour chacun d’exercer son culte mais au contraire comme celui de ne subir aucune entrave dans son exercice, oubliant simplement que cet exercice risquait d'outrepasser la loi. Et c’est à partir de ce moment que la société française qui avait su faire le tri entre ce qui relevait de la religion et ce qui était du ressort de la vie civile a commencé à se crisper. 
Pour d’autres religions, et notamment l’Islam, la laïcité fut surtout reconnue comme le droit de pratiquer, partant du principe que ce qui n‘est pas interdit est autorisé. Le consensus qui s’était, au fil du temps, établi entre l’Etat et l’Eglise a dès lors perdu de son sens. La loi visant essentiellement l’Eglise catholique n’avait pas prévu qu'il serait, un jour, nécessaire de reformuler un discours capable de répondre aux arguments invoqués notamment par la religion musulmane pour détourner à son profit le terme même de laïcité. 
Combat sémantique s’il en est, liberté et laïcité sont devenues les maîtres-mots des autorités musulmanes pour imposer une autre vision du monde. La laïcité n’étant plus qu’un permis de pratiquer, là où le catholicisme qui constituait pourtant la règle culturelle pour les ¾ des Français n’osait pas interférer, l’Islam a commencé à poser ses jalons, estimant de son côté que la foi était consubstantielle de la loi. 
Dans un pays où la religion s’était faite si discrète que l’on pouvait fréquenter les bancs de l’école sans même jamais savoir si son voisin, souvent son camarade croyait en Dieu ou en l’homme, sont arrivés peu à peu des signes extérieurs témoignant d’une adhésion à des valeurs inaccoutumées jusque-là. Alors que la loi de 1905 était parvenue à effacer de l’espace public les signes attachés aux diverses religions, ne les autorisant que dans la sphère privée ou à l’intérieur des édifices dédiés au culte, les autorités chargées de la faire respecter se sont fait dépasser, autant par clientélisme que par complaisance.
Le meilleur moyen pour s'attirer la sympathie est de se faire passer pour une victime, de crier à l’injustice et demander réparation. Pour une religion par essence invasive et conquérante telle que l’est l’Islam, l’occasion était trop belle. A la fois victime du colonialisme, victime du racisme, victime de l’ostracisme, elle ne pouvait que tirer parti du sentiment de culpabilité que devait ressentir à son égard l’ancien oppresseur européen et sa progéniture. Les choses auraient cependant pu en rester là si la religion musulmane avait accepté de se fondre dans le moule de la laïcité. Il n’en a pas été ainsi et profitant justement de son statut victimaire, l’Islam s’est autorisé, dans la plus parfaite indulgence, à promouvoir sa spécificité et son caractère militant. 

Nike cache les cheveux tout en mettant
sa marque en évidence
Islam et marketing, Dieu et l'argent font toujours bon ménage
Autant la loi de 1905 avait banni les signes religieux ostentatoires (ne conservant, et encore, que les calvaires rouillés qui bornent les chemins creux au nom de la persistance de la mémoire), autant la religion musulmane s’est autorisée à les faire valoir, revendiquant le port de symboles particuliers, forte du droit au libre exercice de sa religion. Le tour était joué. 
Au fil du temps qui passe, les passions s’amenuisent mais les problèmes qui en sont à l'origine demeurent. En France, on tolère certes les bonnes sœurs parce qu’on les considère sincères et discrètes mais on n’aime guère que les gens en soutane déambulent en dehors de leur église. On n’aime pas non plus les religieux en robe de bure excepté dans un monastère, les préférant en tenue civile lorsqu’ils descendent dans la rue.  
En France, on n’aime pas que les vêtements religieux s'affichent en dehors des églises ou des synagogues. Alors pourquoi devrait-on supporter qu’une religion s’autorise ce que les autres ne font pas. En fait, on le supporte mal. Et on l’apprécie d’autant moins face à la montée en puissance d'une forme inédite d'organisation sociale, disposée à imposer aux yeux de tous un code vestimentaire censé faire l'article au profit d'une religion. Une véritable provocation pour un pays qui se reconnaît dans une loi on ne peut plus claire à ce sujet. Cette fois ci, pourtant, les défenseurs de la laïcité sont en proie à un certain désarroi, se trouvant démunis face à une problématique ne s’inscrivant dans une aucune référence culturelle à laquelle ils sont familiers. 
Depuis quelques années, les femmes musulmanes sont assignées au port du voile, pas le gentille mantille de tulle ou de mousseline que des stars ont porté au cinéma, non, plutôt un large bandeau d'étoffe épaisse censé recouvrir toute la chevelure. Il ne s’agît pas de dissimuler une calvitie conséquente d’une chimiothérapie agressive mais de cacher la chevelure féminine, qui si l’on en croit ceux qui justifient son usage, serait insupportable à Dieu car elle attiserait la libido masculine. Pourquoi Dieu n'a-t-il pas alors rendu les femmes chauves ? Tout cela n’est qu’un prétexte pour faire diversion. Le voile islamique, ce tissu sans élégance, est d’abord un instrument de prosélytisme dont la femme est, souvent à son insu, un outil de propagande. 

Dante Gabriel Rossetti (1828-1882)
L'exaltation de la chevelure féminine
Et le pire est que cela fonctionne à merveille. Dans l’espace public, là où l’on est censé pouvoir se promener en toute liberté sans pour autant faire partager ses opinions religieuses, les musulmanes sont là, bien différenciées. Les gens vont et viennent dans l’anonymat, vaquant à leurs occupations, se côtoyant, se saluant souriant, parlant même ensemble de la pluie et du beau temps jusqu’à ce qu’ils croisent la femme musulmane, celle qui ne parle à personne (parce qu’elle n’en pas le droit ou par mépris pour ceux qui ne sont pas comme elle) et à qui l'on n'ose pas nous plus s'adresser. Parler de vivre ensemble n’est qu’un vœu pieux. Le port du foulard islamique est présenté par ses partisans comme une liberté pour la femme musulmane. Un argument qui ne manque pas de culôt. La liberté de le porter devrait être assortie de celle de le retirer. Mais non, c’est un droit à sens unique, et donc un devoir, une obligation. On sait ce qu'il en coûte à une femme d'avoir la liberté d'ôter son voile dans un état musulman, 148 coups de fouet.
Il pourrait aussi s'agîr, dans un état laïc comme la France d’un simple effet de mode, une façon d'affirmer sa personnalité, de sortir du lot, dans lequel se reconnaissent celles qui, en leur temps, osèrent braver les conventions en portant des jeans ou une mini-jupe. Or, comme chacun sait, les modes passent. Les filles qui trouvent aujourd’hui le voile très tendance y préféreront peut-être demain la coupe au carré ou le catogan. Cela ne conviendra certainement pas aux gendarmes de la foi mais on est en France et la France est un pays réfractaire, peu enclin à se soumettre contrairement à ce que souhaiteraient certains doctrinaires impénitents. 
Les sages (par ailleurs, uniquement des hommes) qui glosent sur les mystères des origines ont conclu que Dieu a créé l’homme à sa gloire et la femme à la gloire de l’homme. Même les machos les plus revendiqués n’auraient pas osé. C’est l’apôtre Paul lui-même qui dans sa 1ère lettre aux Corinthiens définit la sujétion de la femme à l’homme par le biais d’un signe, devinez-quoi ? le voile.  Non plus le voile, mais davantage la cagoule, cet accessoire anodin, garçon ou fille, que l’on porte l’hiver pour se protéger la tête du froid. Il est évident que le hijab se portant aussi par temps chaud, l’accessoire revêt donc une fonction qui, loin de toute considération sportive ou de bien-être, n’est qu’un outil prosélyte porteur d’un message.

Iran 2018
Le voile, une mode imposé par les hommes dont les femmes finissent
par se lasser. Mais attention au retour des coups de bâton
Sauf que quelques lignes plus loin, Paul lui-même prend son propre contre-pied en considérant que la chevelure de la femme lui sert de voile. Une dialectique consommée à laquelle semble-t-il un autre prophète n’a eu que partiellement accès, fasciné uniquement par le voile, en l’occurrence ce qu’on appelle le hijab, un terme si intraduisible en français qu’on le conserve dans sa langue d’origine.

comparer le voile islamique à un serre-tête
juste une plaisanterie
Le voile cristallise les tensions à travers ce qu'il est cens véhiculer. A la différence d'un serre-tête que d'aucuns voudraient faire passer pour l'accessoire fétiche de la famille ultra-catholique, le foulard islamique contient une réelle signification religieuse au point de s'être affirmé comme un gendarme de bonne conduite. L'habit ne fait pas le moine, dit le proverbe  mais le foulard fait la femme musulmane, c'est devenu une évidence. Celles qui ne le portent pas sont de fait stigmatisées pour blasphème envers le prophète et de la sorte contraintes, malgré elle à se conformer à la norme sauf à connaître l’opprobre, voire pire. Elles n’ont souvent plus d’autre choix que revêtir le voile, en toute soumission. Cette notion de voile constitue un élément de tension pour la société française qu’on ne semble pas vouloir comprendre à l’étranger. Est-ce dû au fait que l’idée de laïcité est inadaptée au monde d’aujourd’hui, que le communautarisme prévaut imposant à sa manière un apartheid fondé non plus sur la couleur de la peau mais sur l’obligation plus ou moins extravagante de croire à un au-delà fantasmant la virilité de façon outrancière. 
Cette idéologie semble effectivement s’imposer dans les esprits, baffouant deux siècles de lutte pour l’émancipation des femmes, profitant des turpitudes et des renoncements de la classe politique pour inoculer sa semence méphitique. Pour vivre heureux, vivons séparés prétend le nouveau proverbe, les blancs avec les blancs, les noirs avec les noirs, les hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes. Un pas en avant, deux en arrière; la laïcité aura donc vécu ce que vivent les roses, le temps d’une étincelle sur la route obscure ramenant l’humanité vers le néant.     


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