mardi 2 avril 2019

Elections, les peuples contre le populisme


Dans ce monde où les tentations autoritaires sont plus à l’ordre du jour que jamais pour les pouvoirs en place, il nous arrive aussi de bonnes nouvelles. Tant qu’il restera une once de démocratie dans les pays où le peuple a encore voix au chapitre, demeurera aussi l’espoir que celui-ci refuse de se laisser submerger par la vague redoutée des populistes de tous bords. 
Au moment où, en France, les derniers sondages laissent présager d’une prochaine arrivée de l’extrême-droite aux plus hautes fonctions de l’Etat, d’autres pays viennent d’exprimer leur ras-le-bol de la corruption des dirigeants et leur lassitude des mensonges que diffusent les milieux nationalistes dans l’unique but d’attiser les peurs et les haines. 

Brexit, passé le temps de l'euphorie
L'atterrissage s'avère à haut risque faute d'avoir encore un pilote dans l'avion 
L’exemple britannique saute tout de suite aux yeux même si la corruption ne fait plus partie des gênes de sa classe politique depuis bien longtemps. Mais c’est surtout en raison des grossiers mensonges de ceux qui voulaient bouter le Royaume Uni hors de l’Union Européenne que nos amis d’Outre Manche sont aujourd’hui totalement désemparés, pour ne pas dire dégoûtés. Ils se sont rendu compte que le référendum sur la sortie de l’Union Européenne n’a été qu’une gigantesque manipulation à coup de fake-news dont ils ont été les dindons de la farce. Dans quel état d’esprit peut-on ensuite se retrouver après avoir été littéralement roulé dans la farine. Les Parlementaires l'ont depuis bien compris mais ne savent plus comment trouver la solution pour dire stop. Un Brexit avec accord ou sans accord, tout cela commence à faire peur. Il a suffi de voir à Londres la micro-manifestation des pro-Brexit au soir du 29 mars pour comprendre que le long de la Tamise, de la Severn, de la Tyne et même de la Tweed, on ne veut plus partir. Partir pour où, d’ailleurs ? C’est bien là le problème. Un problème d’autant plus aigü que du côté d’Edinbourg, il suffirait d’une étincelle pour que l’Ecosse décide de rester dans l’Union Européenne et que le bleu de St Andrews disparaisse de l’Union Jack. Et si l’Ulster faisait de même ? 

Les querelles politiques, une tradition britannique
Qu'ils se battent, qu'ils s'invectivent, qu'ils se chamaillent mais qu'ils se gardent
bien de larguer les amarres 
Tragedy ! chantaient les Bee Gees. Tragédie en effet, inconcevable. Le Brexit était un fantasme mais comme tous les fantasmes, il n’engendre que de la déception s’il devient réalité. Que l’Angleterre reste finalement dans l’Europe unie est en tout cas, tout ce qu’on peut lui souhaiter car si l’Europe est la pire des solutions, il n’y en a pas de meilleure. Ils sont en France et notamment dans ma région des milliers de citoyens britanniques à avoir demandé la naturalisation depuis l’annonce du Brexit. Mais pour moi qui suis Français de souche, un sous-chien comme ils disent, un amoureux invétéré comme tant de Français de cette Merry Old England, de Mr Pickwick, de Beatrix Potter, Charlotte Brontë ou Mary Shelley, de ses paysages, de son histoire, de sa littérature, de ses peintres fabuleux à l’instar d’un Edwin Landseer ou William Hogarth, et de ses gens avec lesquels nous partageons ensemble la même histoire mêlant comme dans un vieux couple le meilleur autant que le pire, l’idée de voir le Royaume Uni se replier derrière un nouveau mur d’Offa serait comme une pénitence sans absolution. Je ne retiendrai qu’une image de cette alliance qui unit les sangs anglais et français, celle du drapeau du roi Edouard III, écartelé au lion anglais et à la fleur de lys. Le Brexit aura-t-il lieu, c’est un peu la Guerre de Troie de notre temps, un sitcom, une saga, bref, une torride histoire d'amour entre les frogs et les rosbeefs.

Zuzana Caputova, avocate militante écologiste
Et si l'Europe commençait par la Slovaquie
Zuzana Caputova, vous connaissez ? Pas encore ? C’est elle qui vient d’être élue Présidente de la Slovaquie. Et alors ? Disons qu'à force de ne voir le monde qu’en gilet jaune, vous en oubliez que la Terre tourne toujours autour du soleil et qu’il s’y passe aussi des choses. Quel pays que la Slovaquie, petit certes mais quelle belle aventure, allez-y c’est un vrai paradis. Bâillonné du temps de l’Empire Austro-Hongrois, aliéné de force aux Tchèques par le Traité de Versailles, ce pays en majorité catholique né en 1992 de la chute de l’URSS est enfin parvenu à affirmer son identité, grâce à l’Union Européenne, n’en déplaise à certains. Membre du Groupe de Visegrad, que l'extrême-droite s'est empressée de récupérer comme union souverainiste, alors que ce fut pour les pays d’Europe orientale un moyen de se protéger contre les ultimes soubresauts de feue l’Union Soviétique, la Slovaquie vient d’élire à sa tête une avocate, militante écologiste anti-corruption en réponse à l’onde de choc qui a suivi dans le pays l’assassinat crapuleux du journaliste Jan Kuciak et de sa compagne alors qu’il enquêtait sur les liens entre la maffia et le pouvoir. Réussira-t-elle, c’est une autre histoire mais en ces temps incertains où les extrêmes surfent sur les faiblesses inhérentes aux démocraties quand elles ont en face des régimes qui se moquent du pluralisme, il ne serait pas dénué de raison qu’elle aille trouver un premier soutien auprès des pays qui ne renoncent pas à l’idée d’une Europe unie. Un grand bravo au peuple slovaque qui a osé dire non aux populistes soutenus entre autres par une Eglise catholique décidément plus loin que jamais du camp du bien.

Ils sont fous ces Ukrainiens!
Ils en ont surtout assez des corrompus de tout poil qui n'ont de conscience nationale
que le nombre de zéros figurant sur leur compte en banque.
Un ras-le-bol qui les pousse même vers un adolescent de la politique quitte à le regretter
plus tard 
L’élection ukrainienne, à présent. Un nouvel épisode du dégagisme qui s’est emparé des peuples, pressés dès qu’ils sont consultés de dire non à la corruption qui n’en finit plus de gangréner les milieux politiques, comme si les bons sentiments affichés n’étaient que de la poudre aux yeux ou de l’enfumage. Les urnes, dès lors qu’elles ne sont pas trafiquées, bourrées ou détruites délivrent un verdict sans appel. A Kiev, Viktor Porochenko, le président sortant ne récolte que 18% des voix au premier tour de l’élection, laissant la majorité à Volodymyr Zelenski, un comédien trentenaire surtout connu pour avoir interprété dans une série télé un jeune président arrivé à la tête de l’Ukraine par hasard. Ironie du destin, la fiction devient réalité. Ne bénéficiant d’aucune expérience politique, et risquant de ne pas sortir indemne des luttes intestines qui rongent les organes du pouvoir, il incarne le mécontentement et la volonté de mettre à bas la classe politique qui a failli avant même d’apporter un semblant de solution à la crise économique. Le constat est en effet cinglant. Malgré son énorme potentiel, l'Ukraine ne parvient toujours pas à s’extirper du syndrome qui frappe de malédiction les anciennes république de l'URSS, asphyxié par le frère siamois russe qui lui colle au corps autant qu'animée par son désir immodéré de passer à l’ouest pour de bon. Est-ce que Zelenski, s’il est élu parviendra à trouver le bon compromis, rien n’est sûr mais une chose est certaine, c’est que le soleil se lève à l’Est de l’Europe et qu’il ne faudrait pas que par lâcheté ou paresse, on fasse preuve de poltronnerie face aux « Big Blue Eyes » de la Moscova.

Le président turc s'est vu un peu vite chef du nouvel empire ottoman.
Les électeurs viennent de lui rappeler que la démocratie a la vie dure.
Serait-ce le commencement de la fin pour celui que s'est proclamé chef de l'islam
triomphant à travers le monde
En Turquie, Erdogan vient de se prendre une gifle. Quel Européen, même le plus partisan de l’intégration de la république ottomane à l’Union Européenne ne peut pas y voir là une lueur d’espoir tant on a crû patent le basculement de notre partenaire de l’OTAN vers les chemins boueux de l’obscurantisme islamiste. Les Turcs ont, comme bon nombre de citoyens européens, les oreilles farcies des discours va-t-en guerre de certains de leurs gouvernants, l’un au nom de la défense d’un continent historiquement chrétien, l’autre animé par la volonté d’instaurer la charia, cette loi inquisitoriale dont s’inspire la mafia pour régler ses différends. Les électeurs turcs ont dit assez. Le président Recip Tayyep Erdogan, islamiste revendiqué, vient de perdre la capitale Ankara ainsi que la grande ville côtière d’Antalya et il ne fait aucun doute qu’il va perdre aussi Istanbul. On comprend que pour lui, le camouflet est tel qu'il imagine une fraude massive, y voyant la main d'une force occulte qui aurait, par miracle, survécu aux épurations massives qui ont nettoyé l'administration, l'armée et la police de toute opposition, même la plus timide. Vexé par un revers électoral frappant de plein fouet son idéal totalitaire mais logique envers lui-même, Erdogan ne pourra plus se fixer comme mission que d'épurer son propre peuple, devenant en somme un nouveau Pol Pot avec Allah comme excuse. A l'école des dictateurs, il reste toujours une place à prendre dans la galerie des horreurs. Staline et Hitler y ont pensé avant lui mais à l'ère des réseaux sociaux, l'affaire est mal engagée. Peu dûpes, les Turcs sont allés jusqu’au bout de ce qu’ils pouvaient supporter dans le mensonge, l’intox et la corruption comme mode de gouvernement. Le message envoyé est certes sans ambiguïté mais le chemin est malheureusement encore long avant que la Turquie ne renoue avec la laïcité telle que l’avait édicté son grand leader Mustapha Kemal
Espérons toutefois, en attendant, que la Turquie ne soit plus seulement éclairée par un croissant de lune mais que les électeurs d’Istanbul chassent les janissaires d’Erdogan de Sainte Sophie, cette basilique que ces derniers haïssent tant elle leur rappelle à chaque jour qui passe que leur Dieu est arrivé le dernier sur la liste. Merci au peuple turc de renouer avec un bien meilleur destin que celui qui consiste à faire croire que la Terre est aussi plate qu’une pâte à brick.

Le peuple algérien dans la rue
Pour dire non à Bouteflika et à n'en pas douter oui au prochain président que lui
désignera l'oligarchie au pouvoir.
Tant qu'il y aura de la neige sur la Djurdjura, le printemps se fera attendre en Algérie
Et l’Algérie ? Pendant combien de temps encore le peuple va-t-il souffrir d'anesthésie, laissant aux commandes le terrible clan des Tlemceniens qui se partage à lui seul tous les pouvoirs depuis l’indépendance du pays en 1962. L’Algérie n’ayant jamais été une démocratie telle qu'on la conçoit en Europe, le régime qui gouverne depuis déjà trop longtemps dans l’opacité la plus totale parvient toutefois à se donner le temps d’inventer la parade fatale propre à replonger le peuple algérien dans un nouveau coma prolongé. Après le réveil brutal qu'a engendré l’espoir de conduire le président Bouteflika au cimetière de la patrie reconnaissante, la clique du FLN et ses alliés s’active en coulisse pour qu’au final rien ne change et que chacun, au palais d'El Madouria, continue de faire ses petites affaires. 
On pourra, pour le coup, savourer une bonne coupe de moutaï à Pékin après avoir vu, dans un premier temps, défiler avec inquiétude, à travers toute l’Algérie, des millions de jeunes en quête d'émancipation. Avec la disparition de Bouteflika et la nomination d’un nouveau gouvernement, copie conforme du précédent et des autres avant lui, les Chinois sont désormais rassurés et le petit monde des arrangements entre amis retrouve le sourire. L’Algérie devra encore atteindre la fin d’un nouvel hiver, après déjà tant d’hivers.

Les voilà, les vrais ennemis de la Pologne : les magiciens qui détournent
le peuple de la vraie foi aux illusions

Changeons à présent de lattitude et arrêtons-nous un moment sur les bords parsemés de pâquerettes de la Vistule. Est-ce que les Polonais vont enfin se réveiller ? Pas sûr mais c’est encore possible. Ce pays si cher au cœur des Français depuis qu’Henri III en avait été le roi éphémère, ému à l'évocation de de Marie Leczinska, Tadeusz Kosciuszko, Marie Walevska et bien sur Frédéric Chopin, a trop longtemps souffert de son grand voisin russe pour pouvoir se passer du réconfort de son intégration à l’Union Européenne. Peut-être d’ailleurs, ses dirigeants devraient-il cesser de faire la fine bouche en accordant autant d’importance à la protection que leur assure l’OTAN contre les hypothétiques menaces que feraient peser sur eux les chars de Vladimir Poutine au lieu de reconnaître les avantages conséquents que leur accorde Bruxelles en matière de développement économique et de soutien à l’agriculture.
Les Polonais agitent le spectre de l’Islam migratoire pour conforter leurs idéaux nationalistes alors même que rares sont les musulmans qui osent s’aventurer sur leur sol. Ils seraient, en revanche, bien plus inspirés d’adresser un regard critique envers l’Eglise catholique qui profite de son emprise sur la société pour y injecter un poison obscurantiste comparable à celui qu'emploient les imams chez leurs voisins d’Europe occidentale. On apprend en effet que de prêtres ont mis en scène un autodafé au cours duquel ont été brûlés des volumes d’Harry Potter et de Twilight Zone, porteurs selon eux de messages subversifs diffusant la magie du diable. On peut rire de ce genre d’initiative mais on est aussi en droit de se demander si on n’est pas, non plus, revenu en plein Moyen-Âge au temps où l’on brûlait vifs les hérétiques. On sait ce qui s’est passé dans les années 30 en Allemagne où l’on a commencé par brûler les livres issus de la pensée des Lumières avant de brûler des hommes, des femmes et des enfants. La violence des mots précède toujours la violence des actes, on en a tous les samedis la preuve avec les Gilets Jaunes, dernier avatar né du mariage des idées du NSDAP et des Camise Negre.

Le feu purificateur qui plaît à Dieu
Cathares, Vaudois, sorcières, hérétiques, simples opposants, juifs
La justice des hommes aime à se cacher derrière les sanctions divines
pour satisfaire ses attirances perverses
Que les prêtres polonais qui se permettent de condamner des œuvres littéraires dont la seule prétention est de divertir des lecteurs épris de rêve et d’aventure se demandent si en matière de magie, ce ne sont pas eux les grands manipulateurs des âmes, laissant croire qu'ils sont les seuls autorisés à accomplir un miracle, chaque fois qu’ils parviennent par enchantement à réduire le Dieu Tout Puissant maître de l’Univers à une vulgaire langue de chat, euh, pardon ! une hostie. Quelle prouesse, en effet, plus fort que de la magie, en fait rien de plus que de la divination comme les prêtres de l'Egypte Antique savaient si bien le faire, just an illusion pour fidèles crédules ! Quand l’humain et le divin se croisent, cela donne le Corps du Christ. Désolé mais le cannibalisme de l’eucharistie n'est pour moi pas différent de la consanguinité légitimée par la papauté à la cour de la très catholique Espagne, de l’inceste biblique selon Loth et ses filles, ou de la pédophilie ramenée à un désir infantile selon  la catéchèse du diocèse de Lyon, ce à quoi je réponds définitivement no ! no ! no ! no ! no ! et no!

Dans moins de deux mois, les Européens vont être amenés à élire leur Parlement. On sait qu’il ne dispose pas de tous les pouvoirs et que la chambre des députés de Strasbourg est peu de chose comparée à la puissante Chambre des Représentants Américaine. Cette élection a cependant une importance considérable tant elle va modeler ce que sera la politique de l’Union Européenne au cours des cinq années qui viennent. Les populistes de droite et de gauche veulent la démanteler, la faire disparaître, prétendant que l’avenir de chacun réside d’abord dans sa capacité à fermer ses frontières, à vivre en autarcie, à refuser en fait, la globalisation pourtant inéluctable de l'économie au profit de la renaissance d’un marché intérieur autosuffisant, sauf à signer des accords de libre-échange avec des pays comme le Brésil, la Chine (toujours elle) ou peut-être la Russie. Ils devraient prendre exemple sur le Royaume Uni qui vient de tenter l’expérience et s’en mord à présent doublement les doigts. 

L'Europe comme en rêvent les populistes
Chers concitoyens de l’Union, comprenez que le démembrement de notre continent est le vœu que formulent sans même s'en cacher les Etats-Unis de Donald Trump, la Chine de Xi-Ji-Ping et la Russie de Vladimir Poutine. Ceux qui assènent des propos nationalistes et xénophobes ne sont que les émissaires volontaires ou non de ces trois grands puissances. Ils prétendent vouloir la sauvegarde de l’Europe alors qu’ils en préparent le cercueil. Nos frontières entre états européens ne sont que des lignes, comme celles qui séparent les départements entre eux. Il est passé le temps des rideaux de fer. Mesdames et Messieurs, vous tous le peuple d’Europe, uni dans la même histoire et par essence condamné au même destin, vous triompherez  des populistes comme, à la fin, le bien triomphe toujours du mal.

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