On sait que, lorsqu’elle est à la peine, la presse politique
souffre d’un besoin pressant de se trouver une tête de turc, histoire de maintenir le rapport de forces en sa faveur. Médiapart est dans le genre un
véritable modèle, sélectionnant habilement ses cibles afin d’être sûr de faire
mouche. Le seul problème est qu’on n’est là, moins dans le souci de brocarder les manquements à l'éthique que dans celui de se faire de la publicité.
Edwy Plenel, fondateur de Mediapart Gare à celui qui se prend dans ses griffes |
Cela ressemble à
cette époque bénite de notre enfance, quand à la fête foraine, il y avait un stand de tir où l'on pouvait se prendre pour Davy Crockett, armé d'un fusil à
fléchettes en caoutchouc. Des silhouettes de personnages et d’animaux défilaient lentement laissant à chacun le choix de celle qu'il allait renverser. Le principe du jeu n'a pas changé, aujourd'hui ce sont les hommes politiques (pas trop les femmes) qui défilent en boucle. Et c’est la tête d’Antoine
de Rugy qui vient de passer devant viseur d’Edwy Plenel.
Pan !
En plein dans le ministre. La moustache plus stalinienne que jamais, Il ne lui
en fallait pas plus pour savourer sa nouvelle victime du combat qu’il livre
contre ces élus de l’élite qu’il abhorre. Médiapart, c’est un peu Le Canard
Enchainé avec l’humour en moins et le trotskisme en plus. C’est aussi, pour survivre dans cet univers impitoyable qu'est l'information, la nécessité de maintenir son fonds de roulement en fournissant toujours plus de grain à moudre à ses abonnés, au point de tomber dans la barbouzerie en allant faire à la lampe de poche les poubelles de la République. La fin justifie les moyens, selon une
formule attribuée à Machiavel et dont Robespierre s’était fait une doctrine. C’est
aussi un maître-mot pour Edwy Plenel. Nul n’est, selon lui, à l’abri de la
présomption de culpabilité ni de l’accusation publique, et peu importe que des
têtes innocentes tombent, l’important est de savoir que le péché originel de la
démocratie est d’accorder trop de place au bénéfice du doute.
Pour Médiapart,
les élus politiques sont par essence corruptibles et corrompus, car c'est par tricherie et tromperie qu’ils accèdent aux responsabilités. Dans cette logique redondante du "tous pourris", on ne serait élu qu’en trichant plus que les autres. Cette radicalité jette toutefois une ombre sur la sincérité de ce site d’investigation dont on apprécie plutôt la qualité des enquêtes sur des sujets sensibles à l’international autant qu’en France.
Financement libyen de la campagne de Sarkozy Nuire à l'adversaire à partir d'un "fake" est malheureusement un sport auquel souscrit aussi Médiapart |
Rappelons-nous
simplement la révélation, entre les deux tours de l’élection présidentielle 2012, de
ce document échappé comme par miracle des archives de l'ancien gouvernement libyen mentionnant une
contribution de 50 millions d’Euros en soutien à la candidature de Nicolas Sarkozy.
C’était de toute évidence un montage grossier en forme de lettre anonyme mais
Médiapart s’est jeté dessus comme la pauvreté sur le monde. Difficile de savoir
si c’est suite à l’article de Médiapart que Sarkozy a été battu mais il a été
battu. 7 ans après, on en est toujours au même point sur cette affaire de
millions libyens même s’il ne fait plus aucun doute qu’il s’agissait d’une simple
vengeance. Ils étaient nombreux alors en Libye dans l’entourage de Mouammar Kadhafi
à vouloir la peau de "Sarko", ce blanc-bec qui s’était permis d'inviter le dictateur en
grandes pompes à Paris à un moment où il voulait s’imposer comme le président
des états de la Méditerranée avant de lui envoyer ses commandos pour l’éliminer
dans les circonstances qu’on connaît. Dans le clan Kadhafi, comme dans d’autres
d’ailleurs, la figure du traître est tout ce qu’il y a de plus méprisable, elle
doit être éliminée physiquement ou par défaut en effigie. Devenu persona non
grata, Nicolas Sarkozy a été de la sorte explulsé de l’Elysée, cédant la place à
un François Hollande, étonné lui-même d’y être arrivé, presque sans combattre.
Médiapart dénonce, Médiapart jette aux fauves
mais inversement, Médiapart ne supporte pas de n’avoir pas toujours raison. Et
lorsque c’est le cas, la vengeance finit par frapper par surprise, froide et impitoyable. Vexé sans son immense amour propre, Edwy Plenel attendait
son heure depuis les révélations sur son ami Tariq Ramadan. Ce conférencier apologiste d'une application littérale de la charia, réputé
pour son intransigeance en matière de moralité, s’était fait épingler et jeter en prison, accusé
de n'être en réalité qu'un prédateur sexuel, un tartuffe instrumentalisant le Coran pour mieux assouvir ses pulsions. Suite à cette affaire, la parole de Médiapart en avait
d’autant plus accusé le coup qu’Edwy Plenel s’était personnellement mouillé
dans une relation ambigüe avec ce représentant de l’islamisme le plus rigoriste.
C’était au temps où Médiapart voyait en M. Ramadan un modèle de déontologie, un nouveau
Spinoza capable de formater la société idéale du XXIème siècle. Le site a dû se
résoudre à faire profil bas une fois que son icône estampillée « Frère
Musulman » aie mis au jour le visage hideux de la duplicité. On reconnaîtra toutefois à
Médiapart sa fidélité sans faille à des amis dans la tourmente car il aura
fallu bien des témoignages accablants contre M. Ramadan pour que son directeur
de la publication admette avoir été trompé sur la marchandise.
Depuis ce
faux-pas, on savait que Monsieur Plenel n’en resterait pas là. Il lui fallait
trouver un coupable susceptible de payer pour l’affront subi. Ils ont eu la
peau de son ami Tariq, ils ne l’emporteront pas au paradis. Sauf que les choses
ne se passent jamais comme on l’imagine.
Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, c’est
récemment Bernard Tapie qui s’est vu relaxer par la Justice malgré un
acharnement tous azimuts de la part de Médiapart. Lui qui aurait du finir au
pilori, lui qui a floué les banques (ce pour quoi il mériterait une médaille
tant c’est d’ordinaire mission impossible), lui qui a arrosé les juges lors d’une
procédure d’arbitrage arrangée de toutes pièces, lui qui aurait dû finir
clochard et qui renaît tel le phénix, lui qu’il fallait une bonne fois pour
toute couper en morceaux et disperser comme autrefois aux quatre coins du pays,
le voilà exonéré de toutes charges retenues contre lui. Innocenté !
Ah! non, pas ça! pour la machine à laver Médiapart, le déshonneur est si grand
que l’on crie de rage « Vite, une tête, il faut couper une tête ».
François de Rugy et son épouse Etre élu de la République est une responsabilité et non un privilège de droit monarchique. |
C’est tombé sur François de Rugy. De tous les ministres,
députés, hommes ou femmes politiques placés sous observation par les cellules d’investigation
de Médiapart, il avait tous les airs de la proie idéale, isolée, sans appareil politique prêt à monter au créneau, agneau plus que loup, en moins d'une semaine, il passerait à la trappe. Qu'on se le dise, on est à mille lieux des millions
de Raymond Barre et Jérome Cahuzac, ni
même des emplois fictifs de la France Insoumise ou du Rassemblement National, encore
moins des villas de Patrick Balkany, aucun euro d’argent public détourné, aucun enrichissement personnel, même pas un jet privé ou des costards de luxe, juste une carte bleue qui a un peu trop fumé.
En
fait rien, une banale histoire de "Petite Bouffe" entre gens de bonne famille comme on en connaît depuis toujours dans les arrondissements bourgeois de la capitale. Sauf que dans un pays qui a imposé à tous le menu au pâté de foie Lidl (made in Bulgarie) et le Star kebab (+ frites, oignons et sauce blanche à la mode on ne sait pas d'où ça vient mais c'est fichtrement bon), le contenu de l'assiette ne manquerait pas faire des envieux. Pire, il y avait du
Bordeaux, un vin normalement réservé aux oligarques russes
et aux dignitaires chinois. On aurait pu choisir un Bourgueil ou un
Juliénas, mais un Bordeaux, mon dieu! quel erreur de casting ! Concernant les menus prétendument fastueux, ce n'était tout de même pas la Rome Antique ni la table du Grand Condé, des personnalités invitées ont parlé d'un buffet
avec petits-fours salés, canapés « cochonou » beurre d’Isigny
cornichons "Marc", bof et triple bof ! ah ! oui, en cherchant bien, ils
se sont souvenus qu'il y avait des homards. D’un si beau rouge vif que c’était à
croire qu’ils étaient faux. Des homards bretons ? Pas possible, on ne produit plus rien en France
hormis des fonctionnaires, des chômeurs et des Gilets Jaunes. Ces homards
devaient être canadiens, encore un des effets secondaires de cet accord du CETA
qui condamne à mort l’agriculture française. Tout cet étalage pour quoi, en somme?
Le homard de François de Rugy. Comme à Versailles, le prince invite, le peuple trinque Mauvaise pioche |
Après tout, on peut inviter qui l'on veut chez soi, surtout quand c'est pour la bonne cause. Reste à savoir à qui revient le privilège de payer l'addition. Maintenant, affirmer comme le fait Médiapart qu'à l'Hôtel de Lassay, on se tape grassement la cloche aux frais de la princesse reste encore à prouver. Il est bien sûr tentant de se prendre pour un monarque quand on loge sous les ors de la République mais on n'est plus au temps du Président Lebrun ni même de Valéry Giscard d'Estaing, aujourd'hui, les triplés Facebook, Instagram et Twitter ont l'oeil sur tout. Le couperet vient donc de tomber, la brochette de homard s'est coincée en travers la gorge. François de Rugy passe, certes, pour une personne éminemment sympathique mais il aurait confondu élu et parvenu. Sachant que Médiapart est un spécialiste du teasing, une façon de maintenir en haleine le lecteur en distillant jour après jour une nouvelle révélation plus croustillante que la précédente, les homards n'ont servi qu'à mettre le chaland en appétît, dans l'attente de la piqûre mortelle, celle qui met KO. A ce jeu, le renard Mediapart a fini par se faire de
Rugy l'oiseau naïf, tombé, non pas pour la France, mais pour avoir cru un peu vite que c'était arrivé. Et s'il s'est livré à de petits tripatouillages selon lui de peu d'importance, François de Rugy vient d'apprendre à ses dépens que l'on n'est plus aujourd'hui dans la République des copains et des coquins. Les copains ont vite fait de détourner le regard quand les coquins se sont pris les pieds dans le pot de confiture bio.
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