mardi 23 juillet 2019

Boris Johnson, Européen malgré lui


La mine réjouie, la tignasse en bataille, le verbe fort et l'attitude déterminée, Boris Johnson devient le nouveau Premier Ministre Britannique. Il est en route pour le tant convoité 10, Downing Street. Il l’a bien cherché, il y est parvenu. Mais c’est maintenant que les « emmerdes » risquent de commencer.

Boris Johnson
L'art de remporter le Référendum le plus controversé du siècle à partir
d'une Fake News
Car, que va-t-il se passer ? Le Royaume Uni ne sortira de l’Union Européenne qu'avec un accord, c'est signé.  La Chambre des Communes vient de le rappeler : pas de sortie sans accord !! Bravache, Boris Johnson annonce qu’il respectera le calendrier du Brexit et sortira de l’UE le 31 octobre, coûte que coûte, sauf que le Royaume Uni reste un des rares pays où le Parlement conserve le dernier mot et que faute d’accord, il devra inventer autre chose. 

Malins, les Européens ont déjà tendu la perche en proposant de reporter le Brexit de plusieurs mois, mettant les partisans anglais du tout sauf Bruxelles dans la difficulté. Alors, que va faire le nouveau Premier Ministre s’il veut avoir une chance de ne pas mettre le feu aux poudres à travers le pays?  Il y a de fortes chances qu'il se retrouve pris au piège entre le Parlement de Londres qui préfère la raison à la passion et son allégeance précipitée à Donald Trump qui avait déjà fait de lui son chambellan. 
Avec le succès d'un Brexit dur, Mr Donald pourra flatter son fidèle
toutou Boris

Cela fait quelques mois que Donald Trump attire « Bojo » (le surnom donné à Boris Johnson) dans ses filets, lui faisant miroiter un accord fabuleux dont il est d'ailleurs le seul à connaître le contenu. Mais même s'il s'y voit déjà, Donald Trump n’est pas encore le nouveau Roi d’Angleterre même s’il lui plaît de jouer d'égal à égal avec la Reine. Il est, certes, le champion toutes catégories du chaud et du froid, un jour en guerre, le lendemain dans l’apaisement, un jour à signer l’accord du siècle, le lendemain à le dénoncer. Ce n'est même plus un scoop, la planète semble s'être réglée sur l'horloge twitter de Donald Trump, ne vivant plus qu'au rythme de ses humeurs intempestives.

Boris Johnson est aujourd’hui comme Hercule à la croisée des chemins. Suspendu au bord des White Cliffs of Dover (les blanches falaises de Douvres), il lui faut faire un choix existentiel : ou bien son pays reste arrimé au train de l’Europe où il largue les amarres pour les sirènes de l’Amérique. Un dilemme d’autant plus prégnant qu’il a sur son aile ouest l’Irlande, l'ancienne Hibernia, une île dont certes les Anglais se sont fait leur territoire de chasse depuis Elizabeth 1ère  mais qui, après une indépendance chèrement acquise s’ingénie à affirmer sa singularité face à son envahissante voisine. Un Brexit au forceps risquerait aussi de rallumer la mèche de la discorde en Ulster, ce dont on ne veut plus sur le continent. C'est pourquoi l'Union Européenne a pris les devants, déclarant qu'en l'absence d'accord sur la sortie du Royaume Uni, elle n’hésitera pas à débloquer des milliards d’Euros pour soutenir l’Irlande et la protéger d'inévitables effets indésirables. Car, même si les Anglais sont disposés à rallier en meute l'Amérique, les Irlandais ne l'entendent pas de cet oreille. Pour eux, ces temps là sont derrière. 

Boris Johnson n'a jamais caché son aversion pour les Ecossais.
Mais s'ils le lui rendaient bien en votant pour l'indépendance?
Autre épine dans le pied de Boris Johnson, l’Ecosse. Cette vaste province indisciplinée, la seule terre de Grande Bretagne qui ait  tenu en respect les légions romaines, unie à l’Angleterre pour des raisons purement dynastiques en 1712, ne rend jamais les armes que quand elle sent ses intérêts protégés. Or, Boris Johnson ne porte pas les Ecossais dans son cœur et ne manque pas une occasion de rappeler le peu de considération qu'il a pour ces tourbiers en kilt, qu'il juge paresseux et prompts à bénéficier des aides sociales. Il sait que ses propos risquent de lui coûter cher si le bras de fer s’engage au sujet de la sortie de l’Union Européenne sachant que les Ecossais.es ont voté en majorité contre le Brexit. N'en déplaise à Boris Johnson, en Ecosse, on na rien contre l'Amérique mais on préfère l'Europe. Et qu'ils viennent des Lowlands, de Fife, d'Angus, d'Inverness ou des Iles, tous se plaisent à rappeler qu’une sortie de l'UE sans accord serait la prémisse à un référendum sur l’indépendance de la terre des Pictes. Boris Johnson n'a, là,d'autre choix que de temporiser car selon les sondages, en cas de référendum, ce sont les indépendantistes écossais qui l’emporteraient, précipitant le démantèlement du United Kingdom. Ce serait pour lui un échec retentissant si, par son obstination à vouloir quitter par tous les moyens, l’Union Européenne, il précipitait l’effondrement du Royaume Uni.

Ursula Von der Leyen et Emmanuel Macron
L'Europe reste encore la bouée de secours pour un Royaume plus désuni
que jamais
Boris Johnson, un grand bluffeur ! Il a montré lors de ses précédentes responsabilités qu'il était capable de tout et de son contraire, il a aussi réussi le tour de force de rallier à lui une majorité d’Anglais en usant de mensonges éhontés concernant la contribution du Royaume Uni à Bruxelles. Peut-être saura-t-il tout autant convaincre ses concitoyens, si l'horizon s'obscurcit qu’un Brexit dur serait finalement hasardeux, voire même qu’un Brexit tout court serait une erreur. Ce ne serait d'ailleurs pas trop compliqué pour lui, dans la mesure ou avant de devenir un farouche partisan du Brexit, il était un partisan tout aussi farouche du no Brexit.

Au final, même si elle a tous les défauts de la terre, l’Union Européenne resterait encore la moins pire des solutions, moins pire en tout cas qu’un dépoussiérage du Commonwealth de l'ère post-coloniale et surtout moins pire que le merveilleux accord commercial avec les Etats-Unis annoncé par Donald Trump dont chacun sait qu’il ferait de nos amis Britanniques les vassaux de l'Amérique. Les Anglais devront peut-être sortir enfin de leur nostalgie de l'ère victorienne pour entrer dans le nouveau siècle et admettre que pour réussir aujourd’hui, il est nécessaire de faire jeu égal avec la bande de 3, Chine-USA-Russie. Et ce n’est que par l’Europe unie qu’elle y parviendra.
Alors, Boris ! Bruxelles ou Washington ? Réponse le 31 octobre.

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