Admettons que par lassitude, le gouvernement français
accepte d'organiser un référendum, en quelque sorte un RIC d’Etat sur l’indépendance de la
Corse. A force d'être molesté par les Nationalistes insulaires qui s'ingénient à mordre la main qui nourrit leurs deux départements, l’exécutif décide d’en
finir d’être la vache à lait et propose aux Corses de quitter, s'ils le souhaitent, la République
après 250 ans d'une vie commune parfois chaotique.
La Corse selon l'imagerie traditionnelle Une vocation essentiellement agricole |
Nos amis
Corses, si tant est qu’ils apprécient la qualificatif, n’ont jamais évolué,
depuis l’Antiquité, qu’au gré des dominations des divers empires. Soumise à
l’influence étrusque puis à celle des Massaliotes, leur île passe de là aux mains des
Romains qui ne font pas dans la dentelle pour y asseoir leur autorité. Devenue
chrétienne avant d’être envahie par les Vandales descendus de Germanie puis les
Sarrazins, elle se retrouve au XIème siècle sous l’autorité du pape
Grégoire VII qui jugeant le cadeau encombrant la cède à l’évêque de Pise.
Devenue de la sorte l’enjeu des deux puissances régionales que sont les Républiques de Gênes
et de Pise, le pape choisit de mettre fin aux rivalités en partageant l’île en deux. Une décision
désastreuse qui fait bientôt de la Corse l’objet de telles querelles que le
pape, toujours lui, décide en 1284 de calmer tout le monde en cédant la Corse au roi d’Aragon.
Erreur bien évidemment fatale. S’estimant floués, Pisans et Gênois déclarent la guerre aux Aragonais.
En conclusion de ces hostilités aussi épuisantes que dérisoires,
les Gênois finissent par obtenir officiellement en 1347 la pleine propriété de l’île.
En apparence, seulement, car les Espagnols ne lâchent pas facilement le
morceau. Après des siècles d’instabilité chronique marquée par les dominations
successives de la République de Gênes, du Duché de Milan, puis du Royaume de
France, la Corse repasse en 1559 sous la coupe des Génois qui lui font payer cher ses velléités d’émancipation.
Un patrimoine médiéval fortement marqué par les influences-génoises |
L’île tombe pendant près de deux siècles sous le
joug de la République ligure qui y établit une véritable tyrannie, réprimant
avec férocité la moindre contestation. A l’aube du XVIIIème siècle, la France qui
brille alors de mille feux sous les rayons du Roi Soleil tourne de nouveau ses regards vers la Corse, y voyant en Méditerranée la prochaine étape de son aventure expansionniste.
Baillônnés du temps de la République de Gênes, les Corses se réveillent soudain
en voyant les intérêts français menacer de prendre position sur leur île. Ce sont alors des
escarmouches, des batailles rangées et des martyrs dont les Gaffori et un héros
en herbe Pascal Paoli, impuissant malgré tout face aux Français qui en 1768 deviennent les
nouveaux maîtres des lieux. Héros, Pascal Paoli en fût un, en effet, adulé par
la Convention jusqu’à ce qu’il fût acquis qu’il avait voulu céder la Corse aux
Anglais reconnaissant George III comme roi de l’île.
L’accession de Napoléon au
titre d’Empereur changera d’un coup l’image rebelle de la Corse au profit d’une
symbolique de l'Etat à double tranchant. A la fois génétrice du personnage le
plus emblématique de l’Histoire de France et enfant terrible d’une nouvelle
nation en construction, la Corse ne manque ni d’arguments ni de prétentions.
Petite île de culture latine à l’instar de sa voisine la Sardaigne et au-delà
la Sicile, elle revendique de façon presque insolente son insularité face à la
puissance continentale dont elle constitue le 20ème département, un
peu à la manière de la grenouille de la fable.
Les falaises de Bonifacio Heureusement que la France est là pour préserver le paysage. Une indépendance sonnerait la fin de la sanctuarisation du littoral |
Les Nationalistes et autres
Indépendantistes qui dominent à présent l’Assemblée territoriale souhaiteraient bien
sûr sceller leur traité de divorce avec cette France qu’ils détestent et qui ne
leur apporte selon eux que misère et déclassement. La Sardaigne, si proche, jouit effectivement d’une réelle autonomie mais c’est pour cette dernière sur le terrain de l’économie que se situe la
priorité, de manière à rendre son territoire reconnu pour ingrat plus attractif pour les investisseurs et y développer les entreprises.
On a le sentiment que ce n’est pas le même son
de cloche en Corse où l'économie s'efface derrière ce qui semble la priorité absolue, en l’occurrence le rôle identitaire et de la langue, disons plutôt un dialecte issu du moule italo-roman à l'instar de la multiplicité des parlers régionaux qui font à la fois l'unité culturelle de la péninsule et sa diversité.
La Corse, une carte postale qui sans les contributions financières de la métropole serait classée entre l'Albanie et le Montenegro |
Les élus nationalistes ont décidé de boycotter le débat prévu sur leurs terres par le président de la République, lui reprochant son trop plein d'arrogance, l’invitant, en revanche, à s'expliquer au siège de leur assemblée. Outrecuidance ou maladresse? A chacun selon ses convictions et la mauvaise foi qui les sous tend. En serions-nous tombés si bas dans ce pays que son président doive à présent rendre des comptes devant une autorité locale tel un justiciable lambda ! On s'est déjà habitué à ce qu'il n'ait plus de prénom comme avant lui le ci-devant Capet mais alors qu'il a déjà fait acte de contrition à propos de la colonisation, faudrait-il à présent qu'il soit flagellé pour n'avoir pas érigé un monument à la gloire d'Yvan Colonna, le divrezhonek emsaver de Cargese. Peut-être devrait-il aussi être traduit devant un tribunal de
gens masqués ? Pour le coup, l'arrogance a changé de camp ! Nul ne souhaite certainement raviver les conflits larvés des années 80 et 90 et revivre les tristes nuits bleues, les
fusillades et autres règlements de compte mais pourquoi ne pas aller vers une solution radicale et en finir avec les discours ambigüs ou les non-dits. Un référendum, pourquoi pas,après tout.
On sait qu’en ces temps de révolte où l'on s'en prend à l'indigence des retraites et à l'effondrement du pouvoir d’achat, les Corses feraient bien de quitter la France si pour eux l’avenir sera plus radieux dans l’entre-soi.
S’il s’agit, une bonne fois pour toutes, de clore cette interminable liste de griefs envers les colons du continent, qu’on organise enfin ce référendum sur l’avenir de la Corse et posons pour de bon la question franche et directe : Etes-vous oui ou non pour l’indépendance de la Corse ?
Il n’est pas nécessaire d’être devin pour anticiper
le résultat du vote : en France 68% en faveur de l’indépendance de l’île,
en Corse 46% seulement pour l’indépendance.
Un vrai dilemme cornélien ? Pas tant que
cela, juste la preuve que les Français estiment en majorité que la Corse est un
caillou dans leur chaussure et qu'il vaut mieux s'en débarrasser tandis que les habitants de l’île considèrent que les
indépendantistes sont si obsédés par leurs revendications identitaires xénophobes qu’ils en ont perdu la notion des réalités, omettant mal à propos toutes les aides, subventions, allocations et avantages fiscaux accordés par la
France.
La Corse indépendante ? Chiche, comme dirait notre président. L’Ile
de Beauté pourrait ainsi devenir le nouveau repère des milliardaires russes,
chinois ou saoudiens aussi bien qu’un paradis fiscal en Méditerranée, peu
regardant en matière de moralité, histoire de faire affluer les capitaux qui
lui manquent tant pour dynamiser son économie. L’Anglais ou le Globish y
deviendraient ainsi les langues les plus courantes au détriment du Corsu tandis que pour attirer les
dollars, il faudrait nécessairement s’affranchir des engagements de la COP 21
en matière de protection de l’environnement et laisser le béton des oligarques
chasser les paillottes.
On n’en est pas encore là, fort heureusement et gageons
que le statu-quo actuel dont profitent largement les autonomistes et les indépendantistes
a encore de beaux jours devant lui.
Et pour nous consoler de tous ces malheurs,
pourquoi ne pas partager ensemble un bon lonzu et se griller des figatelli
accompagnées d’un revigorant casteddu de Sartène, c’est toujours ça que les Chinois
n’auront pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire