mercredi 13 février 2019

Ainsi cassent, cassent, cassent, les petites marionnettes!



Si l’on excepte les soulèvements qui ont affecté les cités des banlieues à l’automne 2005, les manifestations des Gilets Jaunes s’accompagnent d’une violence inaccoutumée, telle qu’on n’en avait plus vu en France depuis au moins 50 ans. Certains se souviennent de mai 68 et des barricades érigées au Quartier Latin mais la comparaison ne va pas bien loin. Mai 68 fut en effet autant marqué par les heurts entre étudiants et CRS que par la Grève Générale qui a bloqué pendant près d’un mois toute l’activité économique du pays. 
Ce furent aussi dans les rues plusieurs centaines de milliers de manifestants, salariés, ouvriers, fonctionnaires, gens des syndicats, gens de universités avec à l’appui des slogans réclamant de l’air à une société empêtrée dans ses codes d’avant-guerre. Rien à voir avec les quelques dizaines de milliers de Gilets Jaunes qui se rassemblent chaque samedi, bien loin de la mobilisation générale que revendiquent leurs leaders au travers de leurs vidéos. 
Mai 68
A l'époque on ne pillait pas les magasins. Il  y avait, pourtant, beaucoup
de monde dans la rue

Né dans les campus étudiants parisiens à la faveur de manifestations contre la guerre au Viet-Nam, le mouvement du printemps 68 se propagea comme une traînée de poudre. La jeunesse brûlait d’impatience de se libérer du carcan que lui imposait la vieille génération, en ce temps où la majorité était encore à 21 ans. C’était l’ère de ce que les parents appelaient la musique de sauvages, des Stones mais aussi du Flower Power, des mini-jupes, du printemps de Prague et du col mao.  Nul n’a, depuis, oublié les noms des figures emblématiques de la contestation dont Daniel Cohn-Bendit, Dany le Rouge, bête noire du pouvoir d’alors.

50 ans plus tard, les jeunes soixante-huitards ont, dans l’ensemble, pris leur retraite. Le rock a fait place à The Voice, les mini-jupes ont été rallongées de 30 cm et Mao bel et bien enterré. La génération du baby-boum a pris le pouvoir, en effet, mais le rêve s’est dissipé car le monde n’a pas suivi la marche attendue. Les deux blocs qui séparaient le monde par un rideau de fer ont été absorbés par la mondialisation sans pour autant répandre sur le monde la paix et le bonheur. D'autres idéologies ont, en revanche, surgi, encore plus radicales, plus terrifiantes. De nouvelles technologies sont apparues, bouleversant le quotidien de chacun d’entre nous, nous autorisant à communiquer dans la seconde avec la planète entière tout en faisant de nous les esclaves d'un écran tactile, incontournable miroir aux illusions. Le XXIème siècle dont on espérait naïvement qu’il ferait oublier toutes les horreurs commises lors du siècle précédent allait pourtant d’emblée imposer son empreinte un certain 11 septembre, annonçant à la manière d’un film catastrophe que le pire restait à venir.

A gauche la vraie manif des Gilets Jaunes
A droite ce qu'on vend sur Facebook comme la manif, sauf qu'il s'agissait
d'un rassemblement des supporters clermontois en mai 2017
Ce siècle n'a encore que 19 ans mais il révèle déjà combien l’aventure humaine reste un cheminement incertain entre chimère et chaos. La philosophie des Lumières, celle des Rousseau, Locke ou Lessing, marque le pas devant la poussée de l’obscurantisme et du négationnisme. Et comme si cela ne suffisait pas, les théories complotistes et conspirationnistes les plus alambiquées viennent à présent systématiquement se coller à l’évènementiel, manipulant à qui mieux mieux les esprits fragiles dans le but de promouvoir une vision du monde fondée sur la hiérarchie discriminante des races et des croyances. On ne veut plus entendre que le propos qui va dans notre sens de lecture. Dans le registre, les réseaux sociaux jouent le rôle d’un amplificateur universel On est passé de la rumeur locale et des querelles entre voisins à l’intox en 3D. Dès lors, tout est prétexte à une remise en cause de la réalité, voire de l’évidence si celles-ci viennent desservir votre doctrine. Tout est passé par le filtre de la fabrique à fake news. Ce qui est blanc n’est en fait pas blanc ; on nous fait croire que c'est blanc mais on nous ment ; celui qui ose prétendre que c'est effectivement blanc n’est que le valet de ceux qui veulent nous détourner de la vérité, en l'occurence le fantasmatique groupe Bilderberg ; le blanc qu’on nous vend cache forcément une autre couleur, le blanc a-t-il même seulement existé  ! C’est Facebook qui l’a dit et tout ce qui se dit sur Facebook est parole d’Evangile. «Ce que tu vois, le ciel, la nature, l'horizon, tout cela n'est que pure illusion, la vérité est dans tout ce que tu ne vois pas  ».

S’il y a complot, c’est pourtant simple, regardez comment s’est opérée la mutation des Gilets Jaunes. Fini le mouvement spontané, l’expression du ras-le-bol des taxes, le soulèvement de la province en souffrance. Qu’il est loin le 17 novembre où toute la France, la laborieuse autant que l’assistée, s’était retrouvé dans les ronds-points pour dire d’une seule voix « Assez de payer, au diable la taxe carbone, ici on n'a pas le métro, c'est l'auto ou la mort. Alors, assez de nous faire crever au nom de la sauvegarde de votre planète (si tant est que la planète aie jamais eu besoin des hommes pour être sauvée ; elle a eu raison des dinosaures, pourquoi devrait-elle craindre les hommes, elle était là avant eux). Le mouvement a capitalisé sur le consensus de popularité dont il a bénéficié au départ pour s’autoriser un grand n’importe quoi. Le gouvernement a plié devant les revendications, mettant pour cela dans le rouge total les finances du pays, ce dont les Gilets Jaunes se moquent en vérité vu qu'ils ne payent pas ou peu d’impôts (un truc réservé uniquement aux riches, si tant est que ceux-ci soient encore fiscalisés en France, rien n’étant moins sûr, cf Carlos Gohn). La courbette de l'exécutif à l'adresse des Gilets Jaunes a eu pour effet de leur faire croire que désormais « le Samedi, tout est permis ». Permis de manifester où on veut, comme on veut, permis de casser, d'invectiver, de mettre le feu, de menacer, de s’en prendre à la classe privilégiée des élus, à leurs biens, voire à leur famille. Permis de s’en prendre aux journalistes accusés d'être à la solde du pouvoir, des collabos comme au temps regretté de la Milice. Permis de s’en prendre aux flics, responsables de toutes les violences, accusés d’agresser de façon délibérée les promeneurs inoffensifs venus là pour emmener les enfants au manège, et de les avoir sauvagement mutilés. En conclusion, images à l’appui, la France basculerait dans le totalitarisme (dixit Jean-Luc Mélenchon), devenue un état policier, fascisant, sans considération pour la voix du peuple (quel peuple ? celui des 60000 excités qui foutent le bordel ou les soixante six millions restant!), un pays où il fait mal vivre, comme dit Maxime Nicolle, qui faute d'avoir été suivi lorsque'il a appelé à prendre les armes ne cache plus son envie de fuir vers de meilleurs cieux, le Donbass ou le Minas Gerais probablement.

Russia Today
plebiscitée par les GJ pour son objectivité
Et pendant ce temps, pendant que la haine se déverse en toute anonymat sur Internet, les chaines d’information aussi bien radio que télé sont là, relativisant, justifiant les exactions, cherchant à minimiser, trouvant même de bons prétextes à la violence. Leur discours tragiquement complaisant envers les fauteurs de trouble, par crainte probable de représailles en dit long sur l'incapacité d'une démocratie comme la France à juguler un mouvement qui, parce qu'il jouit d'une certaine popularité dans l'opinion, se permet allégrement de franchir la ligne rouge. Comble de mauvaise foi, c'est encore aux médias que l'on reproche de tronquer l'information en fabriquant des reportages manifestement pas assez élogieux envers les Gilets Jaunes. Il faudrait donc que l'information ne soit plus que de la propagande. Si l'on écoute les Gilets Jaunes, ils ne jurent plus que par Facebook où ils se passent tous la brosse à reluire, ne supportant plus aucune info qui n'aille pas dans leur sens. On croit rêver ! Il est donc devenu impossible dans ce pays d’appeler un chat un chat sans se faire un tombereau d'ennemis, tous des trolls sans nom mais excités à l'idée de voir une tête tomber en place publique .
Frottez-vous un tantinet aux Gilets Jaunes en les retrouvant dans les baraquements où vous êtes invités à parler avec eux des revendications citoyennes. Le RIC, la panacée, le pouvoir de dire non à tout érigé en mode de gouvernement. Pas de projet mais le couperet ! Si vous souhaitez discuter avec les Gilets Jaunes sans leur faire allégeance, allez-y bien masqués car si jamais vous êtes soupçonné d’un quelconque soutien au Président, vous vous retrouvez viré manu militari du débat au cri de « Connard, traitre, collabo, suppôt des Juden, tu vas voir…., fais attention à toi, on sait comment tu t’appelles…t’es mort ...» Dans les repères des Gilets Jaunes, on vote Le Pen et personne d’autre. Le gaucho Mélenchon a beau faire la danse du ventre pour en récupérer une partie, c’est Marine qu’il leur faut. Anti-Europe, anti-immigration, anti-élite, anti-musulman, anti-juif, anti-progrès, anti-démocratie, anti-parlementaire, le programme du RN dans toute sa splendeur. Que du bonheur ! Avec ça, la France peut y croire ! Forza Rossia !

Pendant ce temps, les manifestations s’enchaînent avec de moins en moins de participants mais un bon goût de sang comme autrefois parmi les Croix de Feu. La satisfaction des revendications ne suffit plus, une étape a été franchie. Le mouvement compte à présent profiter des faiblesses inhérentes à toutes les démocraties en proie à la violence, pour créer une situation insurrectionnelle permanente et renverser le pouvoir en place à, l'avantage  de l’unique parti susceptible de remettre de l’ordre. Inutile de faire un dessin. « Maréchal, nous voila !!! » Marion, Steve ! Der Sieg des Glaubens ! Le Juif Süss ! Leni Riefenstahl ! le Dutzendeich ! A bas l’Europe des banques, Rotschild, Fugger, Morgan Stanley !

Berlin années 30
Faudra-t-i revoir ça un jour?
C’est étrange, mais cette situation, on en a connu les prémices dans l’Allemagne des années 20. A cette époque, un certain Adolf Hitler, intellectuel au rabais, peintre sans succès, avait fait de ses frustrations une idéologie vengeresse, imaginant pour s’en convaincre la supériorité d’une race dite aryenne dont la mission eut été de dénoncer le complot juif visant à se servir de l’humanité pour réclamer sa livre de chair. Son parti s’est signalé par un enchaînement effréné de violences antisémites, avec pour cible, la finance internationale, n’hésitant pas à « faire le coup de poing », s’en prenant aux personnes et aux biens jusqu’à tuer, profitant surtout de la faiblesse de l’Etat pour jouir d’une véritable impunité. Stratégie gagnante au bout du compte car le NSDAP, l'archétype du bon vieux parti d'extrême-droite en quête de respectabilité, est arrivé au pouvoir par l’intimidation et le complotisme. Malgré la défaite finale du national-socialisme, le contexte n’est pas si différent aujourd’hui. La France a, en effet, été confrontée depuis 30 ans au plus grand désastre industriel jamais imaginé. Un drame pourtant presque passé inaperçu du fait des amortisseurs sociaux sans lesquels les effets de la crise auraient été cent fois plus dévastateurs qu’en 1929.  Merci à l’Euro d’avoir maintenu, malgré les écarts Nord-Sud une stabilité économique entre états, faute de quoi c’eût été la fin dite « des haricots ».

Phénomène cependant endémique à la France : le chômage. Enfin si l’on veut, parce qu’on connaît la recette miracle, gage de paix sociale : un taux d’indemnisation conséquent et durable. Le choix est coûteux et payant à la fois même s’il plombe les finances de l’Etat. Mais que ne ferait-on pas pour quelques voix de plus. A l’arrivée, on n’est pas loin du mur mais ça tient encore. La part contributive de l’Etat ralentit l’économie faute de servir de levier à une dynamisation de l’emploi. De toute façon, le travail intéresse peu et paye mal. Alors à quoi bon ! Il vaut mieux que les gens restent chez eux plutôt que de descendre dans la rue.

Reste la baisse ressentie du pouvoir d’achat ! Un problème de faux riches ou de vrais pauvres ? Mais un problème, en somme, qui profite bien aux opportunistes, à ces bras raccourcis de la politique qui n’espèrent qu’un chose, l’échec de la France. Ils en ont fait leur fonds de commerce mais prennent garde à ne pas accéder au pouvoir, tant ils savent que leurs recettes ne sont que de la poudre de Perlin Pinpin.

Les bras raccourcis de la politique ? Inutile d’aller les chercher très loin. Il suffit de regarder, selon le vieil adage, à qui profite le crime. Malgré toutes les gesticulations et les débats qui s’organisent ça et là, le gouvernement ne parvient pas à juguler l’incroyable complaisance médiatique dont bénéficient les Gilets Jaunes. Paradoxe ! Plus les Gilets Jaunes détruisent, plus ils brûlent, plus ils sapent les bases de la République, menacent ses élus de mort, s’il le faut, plus les médias les excusent, prétextant que toutes les exactions ne sont pas le fait des Gilets Jaunes, tous des saints, mais de minorités non identifiées. J’ai envie de dire : allez-y les Gilets Jaunes, foutez le feu partout, les médias sont derrière vous !  

Merci les GJ
Continuez comme ça.
Surtout ne dites rien de mal sur les Gilets Jaunes, ce n’est pas leur faute s’il y a des violences; ce n’est pas leur faute si les flics leur tirent des grenades en pleine figure; ce n’est pas leur faute si on tague des propos haineux ; ce n’est par leur faute si tous les samedis on casse et on fait l’apologie de l’antisémitisme, salut de Dieudonné à l’appui. La France est devenue un pays raciste et homophobe mais surtout, ne dites pas que les Gilets Jaunes sont mêlés à ça. Il y a des gays et des juifs parmi les Gilets Jaunes ! Alors, qu’ils tiennent bon parce que dans les ronds-points (ou ce qu’il en reste) c’est Marine puissance 10. La moindre allusion à Macron enclenche un tollé de cris injurieux tandis que le seul nom de Marine génère l'adhésion et l’admiration.

Le Rassemblement National compte les points. Ses sergents recruteurs sont là, bien en place pour faire passer leurs idées auprès des indécis, les persuadant que seul un changement de régime peut répondre à leurs problèmes. Encore mieux que les imams dans les prisons, les émissaires du Rassemblement National savent user du bon discours pour séduire les âmes en peine, leur garantissant des lendemains qui chantent, une retraite heureuse et un compte en banque garni, grâce à la fin des allocs et de l’AME aux clandestins.

L’immigration, parlons-en. Que celui dont les ancêtres n’ont jamais immigrés jette la première pierre. Nous sommes tous des immigrés, Gaulois, Francs, Burgondes, Wisigoths, Normands et autres, tous refondus dans la creuset de l’intégration. Pourquoi en serait-il aujourd’hui autrement?
Cela me rappelle au passage, qu’en 2001, Steven Spielberg a imaginé dans Intelligence Artificielle, un film étrange et visionnaire, la ville de New York déserte, à moitié recouverte par les glaces. Et si, un jour, les Européens devaient migrer vers l’Afrique pour échapper à un terrible refroidissement climatique? Le début d’une nouvelle colonisation ou l’avènement d’un monde plus solidaire ? Plus surement une guerre exterminatrice, « On n’aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire…. On aurait pu vivre plus d’un millions d’années.» Tel est le destin tragique des humains.......

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