mercredi 21 novembre 2018

Gilets Jaunes, Paris hasardeux

Eviter les barrages des Gilets Jaunes
Une façon de parcourir l'arrière-pays

Le mouvement amorcé ce dernier samedi était au départ joyeux, bon enfant. On y croisait un peu tout le monde, des jeunes femmes, des retraités, des chasseurs, des fonctionnaires, une pléiade de bons vieux Gaulois, certes plutôt monochromes, du genre blanc bon teint, mais sagement encadrés par des gendarmes complaisants, surveillant d’un œil distrait nos amis en jaune, tartinant de beurre des sandwiches au jambon tout en répandant, çà et là sur la chaussée, des palettes fatiguées et des plots rouge et blanc, histoire d’ennuyer un peu les automobilistes qui avaient décidé coûte que coûte d’aller à Leclerc ou à Carrefour, tandis qu'au même moment dans les cités, les trafics pouvaient filer bon train, profitant de l’occasion qui leur était offerte de voir les services d’ordre leur lâcher la bride.

Sur la route, et plus spécialement à l’entrée des villes, se regroupaient quelques files de  manifestants, une dizaine voire moins comme à l’entrée de Limoux venant de Pieusse, jusqu’à une cinquantaine,  comme à l’entrée de Quillan.
Et c'est là que l'histoire commence. A la sortie de Limoux , un barrage, ils sont jeunes et visiblement disposés à défendre leur point de vue auprès des rares automobilistes qui ont osé s’aventurer vers la Haute Vallée. Ils viennent vers moi, souriants. « Vous savez pourquoi on manifeste ? » me dit l’un deux. « Bien évidemment » je lui réponds « depuis 15 jours, on n'entend parler que de vous ». Persuadé que j’ai pris la voiture uniquement pour aller aux cigarettes, il me demande, goguenard  « Vous avez fait combien de kilomètres depuis ce matin ? » « Au compteur, je suis à 115 km ». Il n’en revient pas. Je lui explique alors que je ne me promène pas même si ce n’est pas l’envie qui me manque. Je suis au travail et lui fais part de mon planning, histoire qu’il comprenne, « Je vais à Quillan » lui dis-je «  pour une intervention. Mais de là je suis attendu à Villeneuve-Minervois, puis à Villemoustaussou et je finis à Trèbes où j’ai deux interventions en attente. Il est presque midi, si tout se passe bien, je serai rentré à la maison pour 21h30, et sans une minute de pause ». Il reste espanté, ne sait plus quoi dire. Il m’informe toutefois qu’il y a un blocage à l’Intermarché d’Esperaza et un second à Carrefour Market à l’entrée de Quillan. A Esperaza, je passe par le village, évitant ainsi le barrage mais arrivé à Quillan, l’affaire se corse. Les gilets jaunes sont nombreux et la file de voitures bloquées s’étire sur plusieurs centaines de mètres. Dégouté, car j’ai déjà une heure et demie de retard sur l’horaire annoncé, je prends mon mal en patience lorsque je vois un des automobilistes bloqués sortir de sa voiture et aller vers deux gendarmes postés à proximité du rond-point, les bois croisés. Il discute un moment avec eux puis fait demi-tour et passant à côté de moi, me dit « Ils n’ont pas de consigne, ils ne bougeront pas ». La moutarde commence à me monter au nez. Je sors alors de ma voiture et vais voir deux jeunes femmes en gilet jaune près du rond-point. J’évite au passage quelques individus vêtus eux aussi d’un gilet jaune mais qui ne me plaisent pas, ça parle fort et je ne suis pas d’humeur à me prendre la tête. Je m’adresse eux deux jeunes femmes « Est-ce qu’il est possible parler à un coordinateur ? » Réponse « Il n’y a pas de coordinateurs, c’est nous tous ». Je leur explique alors le but de ma venue à Quillan. J’ai la chance d’avoir un métier hors norme, et une fois leur avoir expliqué pourquoi je suis là, je passe en priorité absolue au milieu d’une haie d’honneur, au grand dam de tous les autres automobilistes bloqués là depuis je ne sais pas combien de temps. Au retour, lassé d’argumenter, je redescends par les Hautes Corbières et le Haut Razès, c’est long mais le paysage en vaut la peine. Ce samedi, le mot d’ordre : bloquer les centres commerciaux. Opération plutôt réussie puisque de retour à Narbonne après une journée de travail épuisante à force d’enchaîner les barrages, Carrefour était fermé dès avant 20h00 au lieu des 21h00 habituelles. En conclusion, pas de courses, soirée sardines en boîte et purée Mousseline.

blocage à Quillan
Les mains dans les poches, les Gilets Jaunes battent l'asphalte. Une belle journée d'automne. A Paris, ce ne sera pas la même chose
Dimanche, ciel bleu, merci les gilets jaunes. Encore une journée de travail mais arrivé au péage de Sète, quelle bonne surprise de profiter de la barrière de péage levée. Un manque à gagner pour Vinci mais quelques Euros d’économisés pour les vaches à lait d’automobilistes que nous sommes, c’est toujours ça de pris. De Montpellier, retour à Narbonne et là encore, pas de péage. Un bon coup de klaxon et des mots d’encouragements. Continuez comme ça, on est derrière vous. Des visages sympathiques, des drapeaux bleu blanc rouge. Moi aussi, désormais j’arbore un gilet jaune sur le tableau de bord.

Lundi. Vinci met les oh-la. Finie la gratuité. Les esprits s’échauffent. On bloque l’autoroute. A Narbonne on ne passe plus, ni à l’Est, ni à l’Ouest. La rocade, compliquée au rond point de Coursan, à Cuxac on ne passe plus. A Montredon, c’est blocage total et demi-tour. Là je m’engraine,je dirais plutôt je m’engatse contre une gilet jaune. Elle fait entrave à mon droit au travail. Je suis en retard, j’ai des engagements, je suis obligé d’annuler des interventions, cette fois la coupe est pleine. « Vous voulez un régime autoritaire » lui dis-je « vous admirez Trump, mais méfiez-vous, ce gars-là vous enverra l’armée s’il le faut ». Elle me répond qu’elle défend la démocratie ce à quoi je lui envoie « Au contraire, continuez comme ça et vous allez tuer la démocratie ».  Je franchis le terre-plein central et reviens sur mes pas. Je prends les petites routes. Il m’en coûte deux heures au lieu d’une demie-heure pour arriver à destination. J’ai eu le temps de voir que les gilets jaunes de dimanche ont cédé la place à des gens plus organisés mais avec qui on ne peut plus discuter. Les slogans affichés, on est loin du carburant « Macron, Démission » « Macron Dégage » « Macron, dehors ! » et un « Vive l’Europe des nations, à bas l’Europe du fric ». Lundi, une journée infernale. Les gilets jaunes, ça suffit.

Narbonne, on bloque tout
Macron, t'es foutu, les Gilets Jaunes sont à la rue

Mardi, on continue, le parcours d’obstacles. Oh ! mais ces gens là ne travaillent pas. Toutes ces palettes dispersées çà et là me semblent n’être que le signe du mépris que ces bloqueurs affichent à l’encontre des gens comme moi qui font 80 000 km par an pour tenter de gagner leur vie. Ah ça oui ! à 65 ans passés, qu’est-ce que j’aimerais profiter de mon jardin et aller passer mes week-end à la plage voisine. Mais pas de chance, patron de boîte, j’ai des salariés qui comptent sur moi pour toucher leur salaire. En tant que chef d’entreprise, je n’ai droit à aucune erreur ni à aucune faiblesse et les gilets jaunes commencent à me taper sur les nerfs. Macron ne vous convient pas, et alors, il fallait élire Marine Le Pen. La France est mon pays et malheureusement celui de mes ancêtres paternels et maternels depuis au moins les Senones et les Meldii, je n’ai donc pas la chance de pouvoir trouver refuge, au cas où les choses iraient mal en Ecosse, à Guernesey ou à l’Ile d’Elbe.

Il s'voyait déjà!!....
Même pas honte
Les Gilets Jaunes veulent marcher sur Paris, mais que va-t-il rester dimanche de ce mouvement citoyen ? une vaste récupération politique, des Front National, des Debout la France, des Les Républicains, des La France Insoumise, en fait tout ce que la France compte d’opposition de droite ou de gauche.
Allez ! imaginons que tous ces gens, plusieurs millions, marchent sur l’Elysée et en délogent le nouveau Capet alias Manu. Après on fait quoi, on le guillotine, bon débarras, mais on nomme qui pour lui succéder, Mélenchon ? Le Pen ? Wauquiez ? Dupont-Aignan ? Celui qui parle anglais ! Ah ? aucun d'entre eux, on s'attendait tout de même à mieux. Cela me rappelle soudain une Fable de La Fontaine, « la Poule aux Œufs d’Or », vous vous souvenez. Comme quoi l’histoire n’est qu’un éternel recommencement pour le meilleur parfois, mais plus souvent pour le pire.

Au moins, avec Poutine, ça ne se passerait pas comme ça.

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