Elle est passée où la taxe sur le carburant |
Ce qui devait arriver arriva. Monter à Paris était un pari à
haut risque. Conscient des débordements qu’engendrerait inévitablement la
mobilisation désordonnée des Gilets Jaunes, le Ministère de l’Intérieur leur
avait proposé de se regrouper sur le Champ de Mars, un vaste espace sécurisé où
tout aurait pu se passer dans une atmosphère de kermesse. Craignant d’être
parqués comme des animaux, les Gilets Jaunes ont décliné l’offre, désirant s’en
prendre aux édifices institutionnels et principalement l’Elysée pour
en déloger le Président. Comme on a pu le lire sur des pancartes, le but étant de le conduire
au pilori. Au cri de Macron démission ou Macron Casse-toi et Macron en prison, les
plus radicaux ont investi les Champs Elysées malgré les vives recommandations
de la Préfecture de Police. Comme prévu, ils ont été noyautés par les
groupuscules extrêmistes, experts en guerilla urbaine et destructions en tout
genre. Tout s’est achevé dans le chaos qu’espéraient visiblement certains
ténors politiques, prompts à récupérer le mouvement sans se salir les mains,
pour asséner leurs coups sur le dos du gouvernement et souffler un peu plus sur
les braises d’un pays qui se consume depuis 30 ans.
En conclusion, ceux qui, ce dernier samedi, sont restés en
Province, toujours très nombreux comme les 3000 manifestants qui ont défilé
pacifiquement dans la seule ville de Narbonne n’ont malheureusement pas réussi
à masquer les 8000 porteurs de gilets jaunes qui se sont répandus dans la
confusion à Paris, contraints, en raison leur signe distinctif, de cautionner
les casseurs camouflés sous leurs couleurs, quitte à se voir discrédités.
Pourquoi ces malheureux provinciaux ont-ils été aussi mal informés du danger. Ils
croyaient peut-être échapper, grâce au soutien populaire dont ils bénéficiaient
depuis une semaine, à la venue intempestive de ces éléments violents qui avaient déjà pourri
par leurs exactions la plupart des manifestations parisiennes de cette année. C’est
raté.
Un message écologiste radical. Tutoiement de rigueur Moustache à la gauloise ou à la Staline? |
Le mouvement des Gilets Jaunes est en passe de perdre de son
crédit, faute de se structurer et de se donner une vraie représentation avec
des propositions cohérentes. Voulant à tout prix rester dans la spontanéité et
l’imprévisible, ils se sont laissé infiltrer par des gens beaucoup plus
radicaux dans leurs choix politiques, formés à un discours sans équivoque sur
leurs buts. Leurs slogans : démission de Macron et de son gouvernement,
dissolution de l’Assemblée Nationale, référendum sur la sortie de l’Union
Européenne, accessoirement suppression des taxes sur le carburant et
rétablissement de la taxe d’habitation.
Emmanuel Macron n’a pas à démissionner. Le pouvoir des urnes
a une légitimité que n’a pas le pouvoir de la rue. La démocratie exige d’attendre
les élections. Donc, patience. On a le sentiment que ceux qui se revendiquent
du peuple n’attendent plus de leurs gouvernants que du pain et des jeux, comme
du temps des empereurs romains. Est-ce bien raisonnable ?
Bien sûr qu’on entend, çà et là, pas mal de Gilets Jaunes se
revendiquer de Marine ou mieux, de Marion,
assurant qu’avec l’une ou l’autre , ça irait d’un coup beaucoup mieux. On est
sur, au moins, qu’il n’y aurait plus de manifestations. Mais on n’en est pas
encore là. En ce qui concerne le gouvernement actuel, il ne peut être question
d’abandonner un chantier en cours. C’est ce qui a été reproché à François
Hollande avec l’écotaxe, une reculade pour ne pas dire une couardise qui lui a
coûté sa réélection.
Reste à savoir pourquoi un tel mouvement et maintenant. La
surfiscalité n’est pas un fait nouveau, elle est endémique, structurelle, liée
au choix de société de la France elle-même, celle de la prise en charge par
l’Etat de toute la charge sociale. Cette charge n’étant pas une variable, cet
aux citoyens de l’assumer, c’est-à-dire de participer à son financement à
hauteur de 60% de leurs revenus, en moyenne, que ce soit en cotisations, impôts
et taxes de tous ordres. Les taxes sur les carburants ont été, entend-on, la
goutte d’eau qui a fait déborder le vase, certes, mais ce n’est qu’une goutte
d’eau. Prélever cette goutte d’eau du vase ne changera en fait pas grand-chose.
Tout comme la démission du gouvernement si elle devait avoir lieu. Changer les
femmes et les hommes qui gouvernent simplement pour voir à leur place revenir des
têtes anciennes ne servira à rien si l’on n’achève pas les réformes nécessaires
pour enrayer le puits sans fond que constitue la dette. Souvenons-nous qu’il y
a un an et demi, Emmanuel Macron a été élu sur un projet qui englobait la fin progressive de la taxe d’habitation, la hausse de la CSG sur les retraites, la baisse des
charges sur les salaires, la réforme du Droit du Travail et la mise en place de
la taxe carbone dans le cadre de la transition écologique. Peut-être eut-il dû renoncer
à son programme, à l’instar de ses prédécesseurs une fois élu. Mais on l’a
justement choisi parce qu’on lui faisait confiance pour tenir ses promesses de
campagne, tant on avait reproché à ceux avant lui d’avoir méprisé leurs
électeurs en oubliant purement et simplement leurs beaux discours de campagne.
Faut-il y voir une forme de schizophrénie à la française.
Que Macron s'en aille. Le reste, on s'en fout |
Attention aussi à la démagogie. Dans la situation financière
sous perfusion à laquelle s’est habituée la France depuis bien longtemps, la
suppression des taxes + la hausse du pouvoir d’achat + la revalorisation du
SMIC + l’augmentation massive des retraites vont mettre le pays dans le rouge
vif et lui faire perdre toute crédibilité auprès des organismes prêteurs.
Beaucoup d’analystes estiment qu’il suffirait de peu de choses pour que la France
plonge comme l’a fait la Grèce il y a 10 ans. Une telle perspective serait cataclysmique.
Faudrait-il alors restaurer l’ISF ? C’est aux riches de payer, c'est aux qui ont l'argent !
L’idée revient dès que se profile une crise. Les riches ayant les moyens d’être
malins, n’ont pas attendu pour se soustraire à l’impôt sur la fortune de déplacer
cette fortune ailleurs, là où ils peuvent la faire prospérer en toute tranquillité.
On entend aussi les politiques parler des milliards de l’évasion fiscale. Là
encore, ceux qui ont les moyens de dissimuler leur fortune à l’étranger sont
assez malins pour réaliser les montages qui leur permettront d’échapper aux
poursuites. On ferait mieux de se demander pourquoi les gens fortunés veulent
échapper au fisc. Tout simplement parce que comme tout un chacun, ils préfèrent
le paradis à l’enfer. Et la France est en matière fiscale plus qu’un enfer, c’est effectivement l’Enfer. Mais cela fait bien longtemps que c'est comme ça.
Petit papa Noël, apporte nous des joujoux par milliers Et à la fin, c'est la Chine qui gagne |
La solution serait de produire plus de richesses. Plus
facile à dire qu’à faire. On a, peu à peu, démentelé l'outil de production, fermé la petite industrie, déménagé
à l’étranger la grande industrie et détricoté, par facilité, le tissu artisanal local et piétiné son précieux savoir-faire pour ne conserver que les services, le commerce et le chômage
indemnisé. Sans oublier une fonction publique pléthorique et peu productive. On
importe tout le temps plus qu’on exporte et le pouvoir d’achat se dissout dans une masse de biens venus de l’étranger. On le dit en souriant mais une bonne
partie de nos salaires part dans des achats fabriqués en Chine. C’est au final dans
les poches d’un patron chinois multimilliardaire qu’atterrit l’argent des
Français. La période de Noël qui arrive en sera une fois encore la plus
parfaite illustration.
En conclusion, chers Gilets Jaunes, la confrontation à ses
limites. La raison veut que l’on se mettre autour d’une table et que l’on discute.
C’est toujours mieux que de se taper dessus et de tomber en disgrâce. La balle
est dans le camp du gouvernement, c’est le bon moment.
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