Les Gilets Jaunes, tout au moins ce qu’il en reste, n’ont pas apprécié les annonces du Président. Ce n’est pas un scoop, on le savait déjà même avant qu’Emmanuel Macron ne prenne la parole. La seule chose qui importait pour eux était qu’il accepte d'instaurer le RIC. Sachant que ce référendum n’a d’autre but affiché que la question de sa révocation, il était évident que le Président de la République n’allait pas céder à un diktat de la rue risquant de remettre en cause des fondements même de nos institutions.
LFI ou l'art et la manière de rattraper le train en marche |
Or, contrairement à ce que prétendent les Gilets Jaunes, il les a toutefois bien entendus et étudié leur revendication. Il y a même répondu en proposant d’assouplir les règles du RIP, ce référendum d’initiative partagé figurant dans la Constitution mais extrêmement difficile à mettre en place en raison du nombre bien trop élevé de signataires permettant d’enclencher sa procédure. Emmanuel Macron a proposé de ramener leur nombre jusqu’ici fixé à 4,5 millions à seulement 1 million. Ce chiffre tout à fait raisonnable va, on ne peut plus, dans le sens de la demande des Gilets Jaunes, même si vu leur si petit nombre, il leur faudra autrement argumenter pour attirer à eux des centaines de milliers de « référendosceptiques ». Le problème est que pour valider la mise en place du RIP, il est nécessaire d’obtenir en amont l’approbation d’au moins 185 députés ou sénateurs, ni plus ni moins que des élus de la République, une engeance qui donne des boutons de fièvre aux Gilets Jaunes. Ils n’en veulent pas parce que leur logiciel exige la mise en place d’une démocratie directe, c’est-à-dire sans élus, une "populocratie", en somme. Au cas où on l’aurait oublié, ils sont opposés à la démocratie dite représentative, c’est-à-dire qu’ils dénient à des élus même légitimes le droit de voter les lois à leur place.
Dans l’esprit des Gilets Jaunes, il y a un exécutif, issu de l'oligarchie, qui propose et l’assemblée du peuple qui dispose par oui ou par non. On n'est pas vraiment dans la nuance. Nous sommes là dans un processus totalement nouveau, une liquidation pure et simple de la république telle que nous la vivons au profit d’un système qui, s’il est instauré, conduira de façon inéluctable à la désagrégation du pays et à la guerre civile. Les Français ont, pour une part, un a priori favorable envers les Gilets Jaunes en qui ils ont vu les porte-parole de leur propre détresse existentielle et financière mais sont-ils allés jusqu’à adhérer à leur projet de société ? Rien n’est moins sûr.
La France en Marche. Ce n'est surtout pas le moment de s'arrêter, malgré le les pièges et la dure loi de l'infox |
Le mouvement s’étiole inexorablement. Il faut être décidément dur d’oreille pour ne pas vouloir entendre les réponses que le gouvernement a déjà apportées ou sur lesquelles il continue de travailler. Peut-être n’est-il pas, non plus, inutile de rappeler à tous ceux qui lui ont reproché ce qu’ils ont perçu comme de l’arrogance et du mépris qu’Emmanuel Macron s’est livré, lors de sa conférence de presse, à un large mea culpa, souhaitant par-là retisser le lien rompu avec beaucoup de ses concitoyens. Faut-il y répondre par le mépris ? Ah ! le mépris ! cette spécificité française avec laquelle on traite tout ce qui semble contrarier un orgueil de classe bâtis dans les luttes, que l’on soit syndiqué ou de tradition bourgeoise. D’aucuns pourront dire qu’il a surtout convaincu les convaincus. Mais heureusement ! imaginons un instant qu’il ait déçu ses propres troupes. Est-il parvenu, pour autant, à ratisser plus large ? A entendre les oppositions, non. Le contraire eût été étonnant. Il existe cependant une frange d’indécis, ceux que l’on pourrait appeler les « swing voters », ceux-là mêmes qui font pencher la balance à droite ou à gauche. C’est de ce côté-là que l’horizon peut s’éclaircir pour le chef de l’Etat. La balle est dans son camp. Il apparaît déjà que le président peut désormais compter sur son socle de partisans, un pourcentage de 22 à 24% d’électeurs qui semble résister contre vents et marées.
Ce socle manque toutefois de visibilité. Il est composite, sans assise, sans passé. Il s’est agrégé autour d’une vision rajeunie de la France, jouissant dans sa spontanéité d’une popularité explosive. La victoire d’En Marche s’est faite sur un espoir à la limite de l’irrationnel mais ses effets se sont rapidement dissipés faute de posséder l’appareil susceptible de la relayer et de l’entretenir. Comment comparer la toute jeune et inexpérimentée équipe de la République en Marche avec les cellules militantes communistes, socialistes ou gaullistes, parfaitement rodées depuis parfois cinq générations dans l’art de porter la parole des chefs auprès de la population, sans sourciller ni même arrière-pensée critique, autant au pouvoir que dans l’opposition. C’est surtout dans la difficulté et lorsque surgissent les problèmes qu’on apprécie d’ordinaire la faculté des adhérents d'un parti à manier les éléments de langage propres à faire avaler les pilules.
En cas d'élection, il n'y a pas à faire la fine bouche. Le marché est toujours l'endroit où il faut se montrer |
La conquête du pouvoir par Emmanuel Macron a bénéficié d’un tel alignement des planètes qu’on a cru qu’après les six jours symboliques qui lui avaient permis de bâtir sa victoire, le septième lui aurait accordé un repos bien mérité. La grasse matinée n’a, cependant, guère duré et le répit espéré n’a pas eu lieu. C’est à ce moment que notre président, si brillamment élu, s’est retrouvé seul, faute d’avoir à sa disposition un appareil politique digne de ce nom avec ses instances nationales, départementales jusqu’à ses petites mains de terrain. N'oublions pas la presse, aucun journal qui ne soit prêt à défendre la politique du nouveau président. Aux USA, les Démocrates peuvent compter sur le soutien indéfectible du New-York Times et du Washington Post, les Républicains sur celui de Fox News. En France, même si les oppositions ont eu tôt fait de montrer du doigt la complicité des médias envers Emmanuel Macron, il suffit de parcourir la presse au quotidien pour se rendre compte qu'il ne dispose en fait d'aucun soutien inconditionnel de quelque journal que ce soit.
Malgré cela, la REM a rallié beaucoup de monde, mais des gens mobilisés sur Internet sans se connaître les uns les autres. Apprendre à se connaître, à se reconnaître au sein de mêmes valeurs, à se mobiliser ensemble pour défendre un projet politique, ne pas hésiter à entrer dans la controverse et s’en nourrir, maîtriser l’argumentaire nécessaire face à des opposants organisés, distribuer des tracts en assénant les mots qu’il faut pour répondre aux reproches, tel est le rôle du militant de base.
Malgré cela, la REM a rallié beaucoup de monde, mais des gens mobilisés sur Internet sans se connaître les uns les autres. Apprendre à se connaître, à se reconnaître au sein de mêmes valeurs, à se mobiliser ensemble pour défendre un projet politique, ne pas hésiter à entrer dans la controverse et s’en nourrir, maîtriser l’argumentaire nécessaire face à des opposants organisés, distribuer des tracts en assénant les mots qu’il faut pour répondre aux reproches, tel est le rôle du militant de base.
Force est cependant d’admettre qu’après le triomphe de 2017, la situation s’est compliquée en 2 ans et que notre gouvernement n’est pas exempt d’erreurs de parcours. La faute à qui ? Uniquement par manque de maturité politique, par une sorte de fatuité ou du sentiment de toute puissance qu’offre le pouvoir, même en démocratie. Tous à la République en Marche viennent du Centre, de la droite ou de la gauche, ont même pour certains été encartés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des « rookies » en politique mais ils ont été incapables de trouver les mots justes pour répondre à la crise qui sourdait à l’automne dernier. Pour la bonne raison, et c’est peut-être le problème fondamental de la Macronie, que la culture politique de adhérents de la REM est multiple, parfois même contradictoire. Comment, en fait, trouver une harmonie positive entre un ancien militant du RPR et un ex du PS, unis certes sous la bannière d’Emmanuel Macron mais issus de cultures jusque-là totalement antagonistes. C’est un challenge mais il ne s’agît que d’une étape. Lors de sa campagne, Emmanuel Macron estimait, avec peut-être trop de confiance que la France était un bloc. Un raccourci trop facile. La France est divisée, fracturée, faute d’avoir profité de la décentralisation pour instaurer un Etat de type fédéral. Non, la France, cher Emmanuel n’est pas un bloc mais une mosaïque de blocs qui se côtoient, s’ignorent ou se méprisent les uns les autres.
Gouverner c’est prévoir, certes, mais la température du terrain est un indicateur indispensable à la mise en place de telle ou telle décision. Inutile de revenir sur la hausse de la Taxe Carbone alors que tout le monde, surtout dans nos campagnes, savait que les 80km/h étaient vécus comme une punition infligée par un pouvoir métropolitain qui profite des larges subventions accordées aux transports en commun, à une bande de péquenots aux semelles boueuses qui en sont encore à rouler dans de vieux diesels polluants. Lorsqu’Elisabeth Borne a annoncé devant Jean-Jacques Bourdin, avec toute la froide assurance d’une technocrate matricée par le discours monolithique du service public, moins au service du vrai public que de lui-même, que l’augmentation de la Taxe Carbone correspondait à une trajectoire qui en annonçait d’autres, il était patent qu’on courait à la catastrophe. 3 semaines plus tard, les Gilets Jaunes entamaient leur interminable périple. Ou est passée la République en Marche alors que la crise se profilait à grand pas ? Aux abonnés absents. Dans un contexte aussi tendu, les partis classiques auraient envoyé leurs militants expliquer le pourquoi du comment. Or, comme la plupart des Français, le petit monde de la Macronie a assisté, tétanisé, à l’éclosion spontanée de ce mouvement totalement improbable et protéiforme des Gilets Jaunes, pour la plupart des abstentionnistes invétérés soudain séduits par les charmes de la vie de la démocratie, qui s’est répandu comme une traînée de poudre à travers le pays.
Chers amis de la République en Marche, le pire péché en politique est de douter de ses engagements, de ressentir un sentiment d’échec dès qu’il faut se frotter à des oppositions dont le discours est d’autant plus facilité qu’elles n’exercent aucun pouvoir. Cessons pour une fois de confondre la com. et la vraie vie. Il est vital que soit établie une porosité constante entre les lieux de décision et les oreilles au contact du terrain.
La République en Marche a pour double rôle d’être d’un côté l’oreille du président à l’écoute de tout ce que peuvent dire les Français au sujet de la manière dont sont conduites les affaires du pays mais aussi son porte-voix pour expliquer et valoriser ses décisions.
Une chose est sûre, la Russie de Vladimir Poutine fait partie du nouvel ADN du RN |
La campagne des Européennes vient de commencer et une fois encore, ce sont des problèmes purement internes à la France qui risquent de se retrouver dans les urnes. Oublions Jean-Luc Mélenchon qui voulait faire de l’élection un référendum anti-Macron avant de se crasher lui-même mais on entend toutes les oppositions classiques ne pas dire autre chose. On veut se payer la tête de Macron envers et contre tout. Dans le registre des dépeceurs de la REM, le Rassemblement National gagne indiscutablement des points, apparaissant comme le parti qui profiterait, en fait, de toutes les mesures exigées par les Gilets Jaunes écartées par le Président, que ce soit le RIC ou la proportionnelle intégrale. Que d’égard envers Marine Le Pen, celle-là même qui s’est affiché avec Vladimir Poutine pour montrer à quel point sa vision de l’Europe dépend de ce qu’en a décidé le Kremlin. Elle a, à son crédit de n’avoir aucune responsabilité gouvernementale, de vivre en somme dans le confort de l’opposition dans un pays où celle-ci n’est pas muselée, contrairement à la Russie, un pays qui lui sert pourtant de modèle et d’appui. Elle n'est en France pas la seule à avoir les yeux rivés sur la Volga. La France Insoumise n'a jamais caché sa volonté de renégocier les Traités Européens pour faciliter un rapprochement avec la patrie du Bolchévisme.
Les élections européennes se jouent à la proportionnelle pure, c’est-à-dire qu’à partir de 5% de voix, tous les partis auront des élus. Nous avons d’un côté les Européistes, qui pensent que les pays qui composent ce continent peuvent avoir un projet commun. Mais, nul n’ignore à moins de s’être téléporté vers les très inhospitalières Iles Mac Donald qu’il y a un moment où il faut entrer de plain pied dans le XXIème siècle. Si l’on en croit les défenseurs de l’Europe des frontières, tout irait pour le mieux, chacun derrière ses volets, s’observant de loin à travers ses persiennes, soupçonneux, pire, suspicieux. Une façon en somme de tirer un trait définitif sur le projet d'un continent enfin uni malgré sa formidable multiplicité linguistique et enfin capable de jouer d'égal à égal avec les 3 empires planétaires.
Et dans tout cela, la République en Marche ? Européenne à « fond », surement mais qu’est-ce que la République en Marche pour l’Europe ? Aux grands maux, les grands remèdes comme à chaque fois. Face aux Nationalistes dont le seul but est de démanteler l’Union Européenne pour mieux l’inféoder aux velléités expansionnistes de Moscou auxquels tous les plus grands promoteurs de l’Europe des Nations n’ont pas caché leur allégeance, les Européistes convaincus vont devoir batailler ferme au Parlement Européen. Le Rassemblement National est persuadé que les électeurs français lui donneront suffisamment de légitimité pour abattre l’Union Européenne. Malgré leurs divisions, les Français accepteront-ils de se laisser manipuler par ceux qui, au nom du « populisme », instrumentalisent en fait le peuple au profit de leurs propres intérêts, bien éloignés des vraies causes nationales. C’est tout ce qu’il faut espérer même si nous sommes toujours au milieu du gué.
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