Je me souviens qu’il y a deux ans, durant la
campagne présidentielle, le bâtiment du Front National qui jouxte à Trèbes le
pont enjambant l’Aude arborait fièrement un immense drapeau de la Fédération de
Russie. C’était l’époque où Marine Le Pen venait d’être gentiment éconduite par Donald Trump et s’était rabattue sur Moscou où Vladimir Poutine
l’avait poliment reçu dans ses bureaux du Kremlin. Un service qui en vaudrait un autre.
Le drapeau de la milice du Dopnbass flotte sue les Champs-Elysées Une vision plus convenable de l'Europe selon le RN |
Quel paradoxe pour la candidate frontiste qui n'avait de cesse de ressasser tout le mal qu’elle pensait de l’Union Européenne et du
pouvoir quasi-dictatorial de sa commission, que ce soudain besoin d’inviter la Russie à une élection totalement française. C'était pour elle l'époque du Frexit, celle aussi de la sortie de l'Euro. Deux ans plus tard, on ne parle plus de quitter l'Europe, ni même l'Euro. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, direz-vous, mais tout de même. Ce virage à 180° laisse penser que ce n'est pas un simple effet du hasard mais plutôt le fruit de petits arrangements entre amis. La poignée de main de M.Poutine vaut bien une entorse à la règle.
Et puis, l'amitié franco-russe est une longue histoire, alors! Renouer avec la Russie raviverait même des souvenirs attendris. On disait jadis du Parti Communiste qu’il était l’œil de Moscou. Ce n’est un secret pour personne qu’une large majorité de communistes s’est depuis tournée vers le Rassemblement National parce qu'il est, selon eux, le seul parti leur permettant de cultiver la nostalgie du bon vieux temps où tout partait de la Place Rouge.
Et puis, l'amitié franco-russe est une longue histoire, alors! Renouer avec la Russie raviverait même des souvenirs attendris. On disait jadis du Parti Communiste qu’il était l’œil de Moscou. Ce n’est un secret pour personne qu’une large majorité de communistes s’est depuis tournée vers le Rassemblement National parce qu'il est, selon eux, le seul parti leur permettant de cultiver la nostalgie du bon vieux temps où tout partait de la Place Rouge.
On a soupçonné des officines russes d’avoir trollé et
influencé les Présidentielles américaines, dans le but de favoriser l’élection de
Donald Trump. On a par la suite découvert que de mystérieux comptes Facebook et Twitter
venus de Russie s’étaient immiscées dans la campagne française dans le but de
discréditer Emmanuel Macron en propageant des fake-news. On ne pouvait
s’attendre à moins après que Vladimir Poutine eût déclaré, même du bout des
lèvres, son soutien à Marine Le Pen. Rien de plus normal, en fait, tant la
volonté affichée de la présidente du FN de sortir de l’Union Européenne, était de
nature à satisfaire au premier degré les intérêts russes.
Peu en verve dès qu’elle a affaire à meilleur qu’elle, Mme Le Pen a essuyé un cuisant revers lors la première manche. Elle aurait logiquement du s'effacer mais dans un système dynastique telle qu'énoncé par le patriarche, la légitimité seigneuriale a régénéré l'héritière à la veille des Européennes. Elle compte bien ne pas décevoir son ami
Vladimir en devenant pour lui le ver dans le fruit d’une Union qu'elle ne veut plus quitter pour mieux la faire imploser. Une bonne nouvelle, enfin, pour le Kremlin
condamné jusque là soutenir des régimes sans réelle légitimité, voire aucune.
Cette proximité avec le leader russe n’est, en revanche, pas vraiment du
goût des populistes des anciens pays d’Europe de l’Est qui ont
trop souffert de la botte soviétique pour être tentés de renouer avec Moscou. Tous farouches partisans de l’OTAN, ils se méfient ce cette
Française dont ils se demandent si elle est la marionnette de Poutine ou sa
créature.
Marine Le Pen adore se montrer à la tribune autant pour y défendre ses
positions anti-migratoires que pour s'y faire photographier avec ses amis nationalistes. Qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit d'abord pour elle d'entretenir son fonds de commerce, cette France du « c’était mieux
avant De Gaulle» à qui elle fait avaler toutes les couleuvres qu’elle
veut, parvenant même à lui faire croire qu’elle possède une réelle stature européenne.
Les ultra-droites ne se bousculent pourtant pas en Europe pour la soutenir, primo parce que les dérives verbales de
son père laissent toujours un arrière-goût de vomis et, secundo parce qu’elle est
sous le coup d’une mise en examen pour avoir rémunéré des emplois fictifs à l'aide des fonds alloués par l'Europe. Fictive, telle est bien la présence du Rassemblement
National à Bruxelles. L’abstention ou le refus sont les seules signatures de
son inaction. Jamais une proposition mais, en revanche, une opposition systématique à tout, même aux projets de loi proches de son programme. Si les
nombreux députés européens du Front National avaient été payés en fonction
de leur travail au Parlement, ils auraient tous fini aux ronds-points de la cité
strasbourgeoise à faire la manche.
Les élus du Rassemblement National ne
s’intéressent qu’à la gamelle que leur remplit généreusement l’Europe. Ils
escroquent effrontément les électeurs français mais, étonnamment peu regardants dès qu’il s’agît de
Mme Le Pen, ceux-ci en redemandent. Ses amis, pris la main dans le sac en train de
négocier en cachette avec le devenu incontournable Steve Bannon, des financements venus d’on ne sait où, elle annonce avec
pertes et fracas qu’elle va porter plainte pour diffamation. Et le tour est
joué, de plainte il n’y en aura jamais, aussitôt révélée, l’affaire a été
enterrée.
Mieux encore, elle apparaît en compagnie d’un leader de l’extrême-droite
estonienne en train de faire le signe de ralliement des suprémacistes blancs,
un message fort explicite qu’elle réfute lorsqu’on l’interroge, prétendant qu’elle
ne sait pas ce que le geste signifie; ignare avec ça. Et on la croit. Son équipe et elle
balancent à tour de bras de la fake news à toutes les sauces tandis qu’elle met en doute les faits
avérés mettant en cause ses relations sous prétexte qu’elle n’a pas entendu la même chose ou qu’elle n’a pas
vérifié. Et bien sûr, on ne dit rien. On a l’étrange sentiment d'une formidable complaisance à son égard. Elle fait ce
qu’elle veut, dit ce qu’elle veut et tout le monde se tait face à
elle par peur de futures représailles. On en est déjà là.
La course-en-tête des nationaux-populistes fait surtout un
jaloux du côté des bolivariens. Jean-Luc Mélenchon force à présent les portes
de l’arène, brocardant, comme à l’habitude, l’ultra-libéralisme des USA, sa bête noire qu'il appelle dédaigneusement l'Empire de peur de s'écorcher la bouche, et surtout son bras armé l’OTAN. Le
voilà qui veut montrer que c’est lui le véritable ami du Tsar Vladimir, se
faisant même l’ambassadeur autoproclamé du Kremlin en condamnant ouvertement la
Georgie qui devrait prochainement intégrer l’OTAN et renier irrévérencieusement son statut obligé
de satellite de la Russie. Il s’est, fort heureusement, fait sèchement remettre
à sa place par la présidente georgienne pour ingérence déplacée dans les
affaires intérieures d’un pays souverain.
Contrairement à Le Pen, il n’a rien à
perdre en Europe où il représente vraiment peu mais c’est à son électorat
qu’il s’adresse, cherchant le coup d’éclat qui lui permette de recoller au trio
de tête. Il a perdu la moitié de ses soutiens en deux ans, il y a plus que jamais le feu dans
la maison.
Mélenchon et Le Pen veulent une Europe à leur image, ne l’imaginant
pas autrement que comme une grande France ou rien du tout.
Ils n’ont, pour cela, pas de mots assez durs pour l’Allemagne, lui reprochant
sa réussite, le rendant même responsable du déclin industriel de la France. Les
deux la désignent aussi comme coupable de tout faire pour préserver ses
exportations de voitures à travers le monde, au point d’y sacrifier l’Union
Européenne. Il est vrai que la construction automobile outre-Rhin a été
faiblement délocalisée et qu’elle constitue pour l’Allemagne un domaine
fortement mobilisateur en main d’œuvre. Le problème est autrement différent
pour Renault et PSA qui ont supprimé énormément d’emplois en France pour
développer des unités de fabrications dans des pays dont les coûts de
production n’ont rien à voir avec ce qu’ils sont ici, notamment. En
faut-il pour autant blâmer l’Allemagne en raison de son patriotisme économique alors
que c’est uniquement le coût exorbitant de la politique sociale que la France impose à ses entreprises qui a conduit les fabricants du secteur’automobile,
mais pas qu’eux, à chercher ailleurs les solutions pour continuer d’exister. Le
naufrage de notre industrie textile a, en cela, servi de leçon.
Et alors? Les banques françaises ne prêtent pas. Il faut bien aller chercher l'argent ailleurs |
Marine Le Pen, agente du KGB ? Cela peut faire sourire mais il ne fait aucun doute
que ce qualificatif est de nature à lui convenir même si le service de renseignements soviétique qui a fait les chaudes heures de la Guerre Froide
s’appelle aujourd’hui le FSB.
La détestation de Marine Le Pen pour l’Union Européenne ne s’arrête cependant pas là. Doutant peut-être de l’infaillibilité du soutien de Moscou, elle s’est liée d’amitié, même si elle le conteste aujourd'hui, avec Steve Bannon, ex-directeur de campagne de Donald Trump, poussé à la démission suite à son soutien controversé en faveur de l’extrême-droite américaine. Catholique revendiqué, obsédé par le risque de submersion migratoire et la théorie du Grand Remplacement, conservateur illibéral, Bannon a quitté les Etats-Unis pour faire de l’Europe son nouveau territoire de chasse. Populiste convaincu, il a fait du nationalisme intégral sa doctrine. Marine Le Pen le considérait,il y encore peu, comme un ami, espérant peut-être compenser à travers cette relation le camouflet que Donald Trump lui avait infligé en l’ignorant délibérément lorsqu’elle avait fait spécialement le voyage à New-York dans l’espoir d’y être adoubée par ses soins.
Jean-Luc Mélenchon voit rouge (une vieille habitude) quand
on lui parle de Steve Bannon mais il sait aussi très bien que la volonté de
l’ancien conseiller de Donald Trump d’anéantir l’Union Européenne est de nature
à servir les intérêts de Vladimir Poutine auquel il a fait allégeance.
Pour preuve, la défection d’Andrea Kotarac, un élu
symbolique de la France Insoumise parti rejoindre le Rassemblement National. Le coup a été bien monté, prouvant s’il en est les passerelles qui peuvent relier ces deux mouvements tant ils
sont dominés par leurs calculs politiciens. C'est avec une bonne dose d'opportunisme autant que de cynisme qu'ils ont, tous deux, voulu faire d’une élection à l’échelle d’un continent un Référendum franco-franchouillard
pour ou contre le Président de la République, allant même jusqu’à avoir
l’outrecuidance de se poser comme les vrais maîtres du pays en exigeant son départ s’il
n’arrive pas en tête. Ce que Marine veut, Dieu le veut. Si l’on suit ce raisonnement, les deux boutefeu auraient dû l'un et l'autre quitter la scène après leur défaite respective. Or, ils sont
toujours là, bien en place. La défaite rendrait, en somme, plus légitime
que la victoire.
Jusqu'où peut-on marcher sur les plates-bandes de l'autre? |
Tandis que le RN et LFI sont à qui fera le plus de
courbettes à M. Poutine, détournant les enjeux de l’élection au Parlement
Européen au profit d’un Référendum anti-Macron, un troisième larron compte les
points du haut de la Cité Interdite. La Chine avance patiemment ses pions
espérant que la désunion européenne lui permette de tirer profit des faiblesses
de chaque état. Xi-Jinping a bien compris que le trio Juncker-Merkel- Macron
qui l’a accueilli lors de son récent séjour en Europe a la dent bien plus dure
que les Italiens et les Grecs qui, pris à part, ne peuvent réprimer une
faiblesse pour le parfum du thé au jasmin et la saveur aigre-douce du canard
laqué. L’Europe des Nations que défend le Rassemblement National est, en fait,
tout ce que demande Pékin pour mieux faire de ce continent sa cour de jeux.
Dans le bras de fer qui oppose en ce moment Washington à l’Empire du Milieu au sujet d' Huawei, le nouveau leader mondial de la téléphonie numérique, l’Europe
fragmentée apparaît comme le ventre mou. Avec plus de 500 millions de citoyens,
tous des consommateurs aisés, l’Europe est la proie toute désignée pour
satisfaire les appétits de l’ogre du Yang Tsé. Mais il faut surtout pour cela qu'elle négocie en ordre dispersé, une mission de choix pour les populistes.
L’Union Européenne est aujourd’hui la plus grande démocratie
au monde même si ses détracteurs y voient une dictature de technocrates. Or, elle dispose d’un
parlement élu au suffrage universel et qui plus est, à la proportionnelle intégrale, ce qui n’est tout-de-même pas rien. Une Europe des Nations n'aurait pour seul résultat que de détruire cette démocratie et de priver les peuples de leur droit de vote. C'est là toute la contradiction du Rassemblement National qui prétendant redonner le pouvoir au peuple veut, en fait, le confisquer à son unique profit. Quand, d'expérience, on connaît l'extrême-droite, on se demande qui aura les moyens de s'y opposer une fois qu'elle sera parvenue au pouvoir . Est-ce que nous accepterons de nous laisser déposséder de ce droit que nous a accordé l'Union Européenne en nous permettant d'élire nos représentants. Non! L'Europe fait aujourd'hui partie de nos gênes. Cela fait 60 ans que nous avons commencé à bâtir notre maison commune. Il n'est pas une seconde question de la dynamiter. Gilets Jaunes, Insoumis ou Lepenistes, l'Europe est un havre de paix dans un monde sous haute tension, que cela vous plaise ou non. Il suffit de voir ce qui se passe hors des frontières européennes pour comprendre tout ce qu'apporte l'union. De plus, tous
les états qui la composent peuvent se féliciter de la hausse continue du niveau
de vie de leurs citoyens et contrairement à ce que prétendent les nationaux-populistes, ce n’est pas la commission de Bruxelles qui gouverne; elle propose, certes, mais ce sont les états membres qui disposent. L’opprobre devrait en fait retomber sur les pays dont
les dirigeants ont eu trop tendance à accuser l’Europe de turpitudes dont ils
sont les seuls responsables. La France n’est pas exempte de reproches. C’est
bien elle qui, depuis des années, accuse à tort Bruxelles de lui imposer des
normes et des réglementations auxquelles la commission est étrangère. Les
dégâts sont bel et bien là mais dites-moi que rien n'est perdu.
C’est connu, on n’est jamais mieux trahi que par les siens.C'est bien là le problème. Maintenant, s'il y a des gogos qui croient que la France tirera sa force d'une Europe faible, ils mentent. Le mensonge fait partie de l'ADN de l'extrême-droite, c'est son mode de gouvernement. Et comme disait le Führer, "Plus le mensonge est gros, plus il prend", il avait raison. On s'en est juste rendu compte un peu trop tard.
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