Gilets Jaunes, un art consommé de l'image |
Les Gilets Jaunes rêvent, en fait, de démanteler la démocratie représentative
telle qu’elle est inscrite dans nos gènes républicains depuis des lustres, au
profit d'une gouvernance du peuple par lui-même. Parce qu’ils se sont autoproclamés le peuple ! Ce qui reviendrait à dire que le port ou non d’un
gilet jaune distingue celui qui appartient au peuple de celui qui en est
exclus. Quelle présomption de la part de personnes qui pour une large part ne
payent même pas d’impôts ! En quoi l'appartenance ou non au peuple dépendrait-elle d'une tunique fluo? On navigue en plein délire et le pire, c'est
que ça marche ! Ils sont tous à genoux devant les Gilets Jaunes, tous ! le
pouvoir, les politiques, les journaux, les télés, les radios, tous à leur
dérouler le tapis rouge, à soi-disant les comprendre, sans aucune considération
pour la France qui continue de bosser, malgré tout. Alors que le pays est sous
la férule d'un groupe de cent mille agités, à peine l’écume d’une vague, que
font tous les autres, les plus de 66 millions restant qui n’arpentent pas les
rues pour frapper du flic. Eh bien, ils ont les foies, ils se caguent, ils se
terrent chez eux ou, au pire, se risquent encore à se rendre au travail, rasant
les ronds-points et baissant la tête pour ne pas être pris à partie. Surtout,
ne dites jamais que vous n’êtes pas Gilet Jaune, au contraire, faites leur un signe entendu, un petit coup
de klaxon complice, sans quoi ils pourraient vous prendre pour un collabo du
pouvoir, gestes explicites à l'appui.
La cité de Carcassonne revêtue de jaune par l'artiste italien Felice Varini Image d'un autre temps |
Et
puis, il y a la formule magique qui s’écrit en trois lettres : RIC. Trois
lettres pour donner au mouvement un souffle épique. Le voilà le fameux
Référendum d’Initiative Citoyenne, un enfumage dont le but premier, voire
unique serait d’enclencher la procédure révocatoire visant à évincer Macron de
la Présidence. Et si cela n’est pas suffisant, on en entend déjà appeler aux armes, allant même jusqu’à vouloir ériger l’échafaud pour
satisfaire leur appétit de vengeance contre tout ce que représente la
démocratie. Le RIC, parlons-en. Hormis la destitution de Macron, quels
pourraient être les sujets sur lesquels les Français seraient amenés à se
prononcer par oui ou par non ? Il ressort d’une consultation réalisée par
le Conseil Economique et Social que la première demande concernerait
l’annulation du mariage pour tous. Rien que ça ! On est loin des prix de l’essence.
Mais, tant qu’on y est allons-y pour les grandes question sociétales, celles
qui coûtent peu à l’Etat mais enflamment les discussions : le retour de la
peine de mort, l’interdiction de l'IVG, le retour de l’ISF, la
nationalisation des autoroutes, l 'enterrement de la PMA.... Un retour en
arrière de 40 ans. Bravo le RIC, un véritable marchepied pour l’instauration d’un
état totalitaire, unanimiste, dont on ne sait même pas si on le préfèrerait d’extrême-droite, xénophobe,
raciste et homophobe ou d’extrême-gauche, égalitariste, prolétariste,
collectiviste. On évoque la possibilité de modifier les institutions en provoquant un référendum sur la réduction du nombre de députés et de sénateurs. Mais n'était-ce pas déjà le projet d'Emmanuel Macron passé à la trappe l'été dernier, pour cause d'affaire Benalla. Et souvenons-nous que cette affaire fut du pain béni pour une opposition parlementaire qui voyait alors d'un très mauvais œil une réforme qui risquait d'amputer encore un peu plus ses effectifs déjà bien amaigris. Il est vrai qu'à l'époque, les Gilets Jaunes se fichaient royalement, euh!, citoyennement de la politique.
Revêtir un gilet jaune constitue à présent le passeport diplomatique incontournable pour être l'invité des plateaux télé et régler leur compte aux journalistes qui refusent de jouer les carpettes. Il n’est, en fait, que temps
que les Gilets Jaunes se transforment en vrai mouvement politique et qu’on voit
ce qu'ils valent vraiment, tant ils donnent aujourd'hui le sentiment de n'être tout au plus une nébuleuse
d’abstentionnistes à la rage facile mais sans projet crédible. Le RIC nourrit les colères mais ne met rien dans l'assiette.
Le Grand Débat selon les Gilets Jaunes |
Le Grand Débat National souhaité par le Président de la
République aura peut-être la chance de noyer le poisson en marginalisant ceux
qui rêvent de provoquer le chaos et faire tomber la démocratie. Mais encore
faudra-t-il que les Français puissent s’exprimer en liberté et cessent d’être abreuvés
par des réseaux sociaux toxiques et complotistes dont les images trafiqués et
hors contexte valent plus que la réalité. « Plus le mensonge est gros,
plus il prend », disait Hitler. Il avait fichtrement raison, on ne croit
que ce qu’on a envie de croire même si c’est de la pire infox. On parlait jadis
de majorité silencieuse, ce que l’on considérait comme la voix du peuple réel
(pas celui des sondés) qui s’exprimait dans les urnes et rabattait leurs
caquets à tous les excités du micro qui s'étaient vu un peu vite en haut de
l’affiche alors qu’ils ne représentaient qu’eux-mêmes.
La majorité silencieuse a
depuis cédé la place à la minorité des forts en gueule et des pseudos des réseaux sociaux qui imposent en force leur point de
vue n'hésitant pas à menacer de la pire façon le moindre contradicteur. Le Débat,
les Gilets Jaunes n’en veulent pas car on ne débat pas chez les Gilets Jaunes,
« we follow the mob ».
Ceux qui portent ostentatoirement un gilet jaune ne
représentent, reconnaissons-le, qu’une infime minorité de gens mais ils ont réussi un coup de
génie en focalisant sur eux l’attention des médias, une attention
quasi-permanente et pour le moins très complaisante. Cela fait bientôt deux
mois qu'ils donnent le "la". On n’entend qu’eux, on ne parle
que d’eux. Bref, on leur accorde une importance telle qu’on amplifie leur
mouvement au point d’en oublier tout le reste, c’est-à-dire le plus important.
Or, le fait d’être, quoiqu’ils disent ou quoiqu’ils fassent sous le feu constant
des projecteurs leur donne un tel sentiment de puissance qu’ils se croient
autorisés à faire n’importe quoi dans la plus parfaite impunité.
Le
gouvernement fait preuve à leur égard d’une faiblesse troublante, confronté pour
la première fois au syndrome de Sivens, ce drame qui avait vu la mort d’un
manifestant écologiste suite à un tir de grenade venant des forces de l’ordre.
Accident plus que bavure, cet évènement a bouleversé l’opinion publique et son
souvenir hante depuis toutes les manifestations. La police vit dans la hantise qu’un drame similaire se reproduise et provoque une onde de choc susceptible de mettre le feu aux poudres.
On comprend par ailleurs
pourquoi certaines mouvances politiques, souvent rangées du côté des extrêmes, s’empressent
de filmer le moindre débordement et
dénoncer ainsi les violences policières (omettant bien sûr de mettre en ligne
les violences et les provocations issues de leurs rangs) , témoignant de crânes
défoncés, de joues arrachées, de bouches tuméfiées, d’yeux crevés, des images rappelant
les pires horreurs médiévales, du siège de Béziers aux Aveuglés de Bram, dont
les responsables seraient des flics déchaînés qui du fait de leur allégeance à
Macron se sentiraient investis du permis de massacrer les innocents.
Pour en revenir au Grand Débat, il risque de ne déboucher
sur rien d’autre qu’un dialogue de sourds. Nicolas Dupont Aignan l’a d’ailleurs
bien fait comprendre en assénant devant Jean-Jacques Bourdin qu’Emmanuel Macron
ne disposait plus d’aucune légitimité en raison des mauvais sondages. Parce que
lui en aurait une meilleure avec ses 6% ? Les sondages faisant désormais loi,
Marine Le Pen et ses alliés surfent sur le mouvement des Gilets Jaunes comme Brice de Nice, gilet jaune avant l’heure surfait dans les eaux calmes de la Baie des
Anges. Fait étrange, les ex-Frontistes engrangent des points sans même bouger le petit doigt. Les Gilets Jaunes sont plus que de bons petits soldats de vrais sergents recruteurs. A vaincre sans péril, triompherait-on à présent dans la
gloire ? On peut le croire. Le Rassemblement National compte les points, constatant la mine réjouie que les sondages montent et montent en sa faveur. Que du bonheur! Un Grand Débat, le Rassemblement s'en moque. Ses caciques contemplent les bras croisés le Président chercher par tous les moyens à apaiser les
braseros de la colère qui fument aux ronds-points. Peine perdue, il suffit de
se frapper la route au quotidien d’un bout à l’autre de mon cher pays cathare (en résumé de Fleury à Quillan et de
Sigean à Castel.) pour comprendre, slogans à l’appui, pour qui on vote chez les
Gilets Jaunes. On est plus Bolsonaro que Maduro, il n'y a pas photo.
D'ailleurs, pas de drapeaux rouges dans les cortèges, uniquement des drapeaux tricolores comme dans tous les rassemblements du Rassemblement National. Il semble, en effet, que tous ces adeptes de la chaîne pro-Poutine Russia Today, la seule chaîne d'information objective selon les GJ, ressentent, par delà leur mouvement, une fascination pour certains régimes autoritaires étrangers dont Mme Le Pen se sent tout à fait proche.
Les Gilets Jaunes profitent visiblement du fait que le pouvoir est déboussolé et que ses services d’ordre ne sont plus là que pour se protéger contre des violences qu’ils ne parviennent pas à endiguer.
Les Gilets Jaunes profitent visiblement du fait que le pouvoir est déboussolé et que ses services d’ordre ne sont plus là que pour se protéger contre des violences qu’ils ne parviennent pas à endiguer.
On n’en est
arrivé à un point où tuer un policier passerait pour une « mitzvah »
tandis qu’un jet de grenade lacrymogène serait devenu un crime contre
l’humanité. D’ailleurs, le mot « gazé » utilisé à- tout-va par ceux qui se frottent aux policiers est un de ces éléments de langage dont raffolent les chantres de
l’insurrection. Mais comment oser comparer l’usage d’une grenade
lacrymogène, un équipement basique des services d’ordre depuis des décennies à ce
qui s’est passé dans les camps nazis ! Quelle indécence, quel irrespect. On est décidément à deux pas du négationnisme.
Le Grand Débat, les Gilets Jaunes ont annoncé qu’ils n’y
participeraient pas, le considérant comme une diversion organisée par le
gouvernement pour dissoudre leur mouvement. A ce rythme-là, on n’a pas fini de
tourner en rond autour des ronds-points. Pendant ce temps, on rigole bien en
Cisalpine, Matteo subito ! ?
Demain la France ? |
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