samedi 12 janvier 2019

Gilets Jaunes : le Grand Débat, c'est non !

Gilets Jaunes, un art consommé de l'image
Il est devenu évident que ces gens-là sont dans la surenchère qu’a rendue possible l'incroyable starisation médiatique dont ils ont fait l’objet. Après s'être entêté dans sa trajectoire et avoir pris de haut les lanceurs d'alerte de la France des déclassés, l'exécutif a souhaité se faire pardonner en cédant aux revendications financières. Tout en se livrant à un simulacre de fermeté, il a imaginé pouvoir solder la crise en distribuant comme par enchantement plus de 10 milliards d’Euros puisés dans des caisses déjà vides. Apprenti sorcier plus que magicien, le gouvernement a pensé calmer le jeu en donnant de l’argent, reniant par là sa propre parole. La prévention ne faisant pas, hélas! partie de la culture française, il a de plus fallu que les violences s'installent pour que soit prise la mesure de la crise. Mais, en l'occurence, ce retard à l'allumage n’a pas fini de se payer très cher. Car le résultat est là, comme il fallait s’y attendre, les Gilets Jaunes ne sont pas rassasiés. Ils en veulent encore plus. « Fallait pas commencer » dit bien la chanson, on a rouvert la Boîte de Pandore.

Les Gilets Jaunes rêvent, en fait, de démanteler la démocratie représentative telle qu’elle est inscrite dans nos gènes républicains depuis des lustres, au profit d'une gouvernance du peuple par lui-même. Parce qu’ils se sont autoproclamés le peuple ! Ce qui reviendrait à dire que le port ou non d’un gilet jaune distingue celui qui appartient au peuple de celui qui en est exclus. Quelle présomption de la part de personnes qui pour une large part ne payent même pas d’impôts ! En quoi l'appartenance ou non au peuple dépendrait-elle d'une tunique fluo? On navigue en plein délire et le pire, c'est que ça marche ! Ils sont tous à genoux devant les Gilets Jaunes, tous ! le pouvoir, les politiques, les journaux, les télés, les radios, tous à leur dérouler le tapis rouge, à soi-disant les comprendre, sans aucune considération pour la France qui continue de bosser, malgré tout. Alors que le pays est sous la férule d'un groupe de cent mille agités, à peine l’écume d’une vague, que font tous les autres, les plus de 66 millions restant qui n’arpentent pas les rues pour frapper du flic. Eh bien, ils ont les foies, ils se caguent, ils se terrent chez eux ou, au pire, se risquent encore à se rendre au travail, rasant les ronds-points et baissant la tête pour ne pas être pris à partie. Surtout, ne dites jamais que vous n’êtes pas Gilet Jaune, au contraire, faites leur un signe entendu, un petit coup de klaxon complice, sans quoi ils pourraient vous prendre pour un collabo du pouvoir, gestes explicites à l'appui. 

La cité de Carcassonne revêtue de jaune par l'artiste italien Felice Varini
Image d'un autre temps
Mais enfin, ouvrons les yeux et cessons dans ce pays d’être intimidés par un peu moins de 100 000 individus bardés de jaune qui battent tous les samedis le pavé en hurlant «Macron Démission".

Et puis, il y a la formule magique qui s’écrit en trois lettres : RIC. Trois lettres pour donner au mouvement un souffle épique. Le voilà le fameux Référendum d’Initiative Citoyenne, un enfumage dont le but premier, voire unique serait d’enclencher la procédure révocatoire visant à évincer Macron de la Présidence. Et si cela n’est pas suffisant, on en entend déjà appeler aux armes, allant même jusqu’à vouloir ériger l’échafaud pour satisfaire leur appétit de vengeance contre tout ce que représente la démocratie. Le RIC, parlons-en. Hormis la destitution de Macron, quels pourraient être les sujets sur lesquels les Français seraient amenés à se prononcer par oui ou par non ? Il ressort d’une consultation réalisée par le Conseil Economique et Social que la première demande concernerait l’annulation du mariage pour tous. Rien que ça ! On est loin des prix de l’essence. Mais, tant qu’on y est allons-y pour les grandes question sociétales, celles qui coûtent peu à l’Etat mais enflamment les discussions : le retour de la peine de mort, l’interdiction de l'IVG, le retour de l’ISF, la nationalisation des autoroutes, l 'enterrement de la PMA.... Un retour en arrière de 40 ans. Bravo le RIC, un véritable marchepied pour l’instauration d’un état totalitaire, unanimiste, dont on ne sait même pas si on le préfèrerait d’extrême-droite, xénophobe, raciste et homophobe ou d’extrême-gauche, égalitariste, prolétariste, collectiviste. On évoque la possibilité de modifier les institutions en provoquant un référendum sur la réduction du nombre de députés et de sénateurs. Mais n'était-ce pas déjà le projet d'Emmanuel Macron passé à la trappe l'été dernier, pour cause d'affaire Benalla. Et souvenons-nous que cette affaire fut du pain béni pour une opposition parlementaire qui voyait alors d'un très mauvais œil une réforme qui risquait d'amputer encore un peu plus ses effectifs déjà bien amaigris. Il est vrai qu'à l'époque, les Gilets Jaunes se fichaient royalement, euh!, citoyennement de la politique.

Revêtir un gilet jaune constitue à présent le passeport diplomatique incontournable pour être l'invité des plateaux télé et régler leur compte aux journalistes qui refusent de jouer les carpettes. Il n’est, en fait, que temps que les Gilets Jaunes se transforment en vrai mouvement politique et qu’on voit ce qu'ils valent vraiment, tant ils donnent aujourd'hui le sentiment de n'être tout au plus une nébuleuse d’abstentionnistes à la rage facile mais sans projet crédible. Le RIC nourrit les colères mais ne met rien dans l'assiette.
  
Le Grand Débat selon les Gilets Jaunes
Le Grand Débat National souhaité par le Président de la République aura peut-être la chance de noyer le poisson en marginalisant ceux qui rêvent de provoquer le chaos et faire tomber la démocratie. Mais encore faudra-t-il que les Français puissent s’exprimer en liberté et cessent d’être abreuvés par des réseaux sociaux toxiques et complotistes dont les images trafiqués et hors contexte valent plus que la réalité. « Plus le mensonge est gros, plus il prend », disait Hitler. Il avait fichtrement raison, on ne croit que ce qu’on a envie de croire même si c’est de la pire infox. On parlait jadis de majorité silencieuse, ce que l’on considérait comme la voix du peuple réel (pas celui des sondés) qui s’exprimait dans les urnes et rabattait leurs caquets à tous les excités du micro qui s'étaient vu un peu vite en haut de l’affiche alors qu’ils ne représentaient qu’eux-mêmes. 
La majorité silencieuse a depuis cédé la place à la minorité des forts en gueule et des pseudos des réseaux sociaux qui imposent en force leur point de vue n'hésitant pas à menacer de la pire façon le moindre contradicteur. Le Débat, les Gilets Jaunes n’en veulent pas car on ne débat pas chez les Gilets Jaunes, « we follow the mob ».

Ceux qui portent ostentatoirement un gilet jaune ne représentent, reconnaissons-le, qu’une infime minorité de gens mais ils ont réussi un coup de génie en focalisant sur eux l’attention des médias, une attention quasi-permanente et pour le moins très complaisante. Cela fait bientôt deux mois qu'ils donnent le "la". On n’entend qu’eux, on ne parle que d’eux. Bref, on leur accorde une importance telle qu’on amplifie leur mouvement au point d’en oublier tout le reste, c’est-à-dire le plus important. Or, le fait d’être, quoiqu’ils disent ou quoiqu’ils fassent sous le feu constant des projecteurs leur donne un tel sentiment de puissance qu’ils se croient autorisés à faire n’importe quoi dans la plus parfaite impunité. 
Le gouvernement fait preuve à leur égard d’une faiblesse troublante, confronté pour la première fois au syndrome de Sivens, ce drame qui avait vu la mort d’un manifestant écologiste suite à un tir de grenade venant des forces de l’ordre. Accident plus que bavure, cet évènement a bouleversé l’opinion publique et son souvenir hante depuis toutes les manifestations. La police vit dans la hantise qu’un drame similaire se reproduise et provoque une onde de choc susceptible de mettre le feu aux poudres. 
On comprend par ailleurs pourquoi certaines mouvances politiques, souvent rangées du côté des extrêmes, s’empressent de filmer le moindre débordement et dénoncer ainsi les violences policières (omettant bien sûr de mettre en ligne les violences et les provocations issues de leurs rangs) , témoignant de crânes défoncés, de joues arrachées, de bouches tuméfiées, d’yeux crevés, des images rappelant les pires horreurs médiévales, du siège de Béziers aux Aveuglés de Bram, dont les responsables seraient des flics déchaînés qui du fait de leur allégeance à Macron se sentiraient investis du permis de massacrer les innocents.

Pour en revenir au Grand Débat, il risque de ne déboucher sur rien d’autre qu’un dialogue de sourds. Nicolas Dupont Aignan l’a d’ailleurs bien fait comprendre en assénant devant Jean-Jacques Bourdin qu’Emmanuel Macron ne disposait plus d’aucune légitimité en raison des mauvais sondages. Parce que lui en aurait une meilleure avec ses 6% ? Les sondages faisant désormais loi, Marine Le Pen et ses alliés surfent sur le mouvement des Gilets Jaunes comme Brice de Nice, gilet jaune avant l’heure surfait dans les eaux calmes de la Baie des Anges. Fait étrange, les ex-Frontistes engrangent des points sans même bouger le petit doigt. Les Gilets Jaunes sont plus que de bons petits soldats de vrais sergents recruteurs. A vaincre sans péril, triompherait-on à présent dans la gloire ? On peut le croire.  Le Rassemblement National compte les points, constatant la mine réjouie que les sondages montent et montent en sa faveur. Que du bonheur! Un Grand Débat, le Rassemblement s'en moque. Ses caciques contemplent les bras croisés le Président chercher par tous les moyens à apaiser les braseros de la colère qui fument aux ronds-points. Peine perdue, il suffit de se frapper la route au quotidien d’un bout à l’autre de mon cher pays cathare (en résumé de Fleury à Quillan et de Sigean à Castel.) pour comprendre, slogans à l’appui, pour qui on vote chez les Gilets Jaunes. On est plus Bolsonaro que Maduro, il n'y a pas photo.
D'ailleurs, pas de drapeaux rouges dans les cortèges, uniquement des drapeaux tricolores comme dans tous les rassemblements du Rassemblement National. Il semble, en effet, que tous ces adeptes de la chaîne pro-Poutine Russia Today, la seule chaîne d'information objective selon les GJ, ressentent, par delà leur mouvement, une fascination pour certains régimes autoritaires étrangers dont Mme Le Pen se sent tout à fait proche.
Les Gilets Jaunes  profitent visiblement du fait que le pouvoir est déboussolé et que ses services d’ordre ne sont plus là que pour se protéger contre des violences qu’ils ne parviennent pas à endiguer. 
On n’en est arrivé à un point où tuer un policier passerait pour une « mitzvah » tandis qu’un jet de grenade lacrymogène serait devenu un crime contre l’humanité. D’ailleurs, le mot « gazé » utilisé à- tout-va par ceux qui se frottent aux policiers est un de ces éléments de langage dont raffolent les chantres de l’insurrection. Mais comment oser comparer l’usage d’une grenade lacrymogène, un équipement basique des services d’ordre depuis des décennies à ce qui s’est passé dans les camps nazis ! Quelle indécence, quel irrespect. On est décidément à deux pas du négationnisme.

Le Grand Débat, les Gilets Jaunes ont annoncé qu’ils n’y participeraient pas, le considérant comme une diversion organisée par le gouvernement pour dissoudre leur mouvement. A ce rythme-là, on n’a pas fini de tourner en rond autour des ronds-points. Pendant ce temps, on rigole bien en Cisalpine, Matteo subito ! ?

Demain la France ?


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