Qui pour investir ? L'Etat est, pour sa part, en bout de piste |
Voir la gauche et la droite unies contre une privatisation ne manque pas de cocasserie. Il y a, là-dedans, comme un doux air de grande manœuvre. Preuve en est que ni
l’une ni l’autre ne s’en cachent, ce qui importe est moins l'avenir d'ADP qu'un nouveau référendum anti-Macron. Après leur déconfiture
retentissante aux Européennes, elles s’autorisent une seconde chance, ramassant au
passage le Rassemblement National et la France Insoumise. Tous
unis dans une même vision de la France! Gaullienne illibérale, Thorezienne
jacobine, Mitterando-Seguinienne ou Seguino-Mitterandienne, tout le monde pourra y trouver son compte.
Choisir le projet de privatisation d’Aéroports de Paris pour
en faire un Référendum anti-Macron est toutefois un drôle de pari. On y ressent
la fébrilité de la droite autant que de la gauche face au risque, pour elles,
d’être dissoutes dans la recomposition de partis qui s’opère en ce moment dans
le pays. ADP, une cause nationale ? Pas si sûr. Une cause parisienne,
certainement. On n’est plus à un paradoxe près dans ce pays bipolaire. Il y a 6
mois, la France des territoires, celle des campagnes méprisées par le pouvoir
central se soulevait, revendiquant en gilet jaune son droit à ne pas mourir. Et
voilà qu’à présent, c’est elle qu’on sollicite pour défendre une institution
essentiellement parisienne. ADP, cela concerne d’abord et avant tout Paris
et les Parisiens, pas les Provinciaux du fin fond de la France comme moi qui
prennent l'avion à Carcassonne et préfèrent aller à Dublin parce que c’est
moins cher qu’à Roissy. Alors pensez ! Aéroports de Paris, privatisés
ou publics, qu’importe. Ceux qui y transitent ont même l’habitude de s’en
plaindre : pas très propre, pas pratique, avec le clair sentiment d’être
un groupe d'extra-terrestres dans un club d'habitués. Mais en parvenant à
motiver des gens qui ne mettent pratiquement jamais les pieds dans la capitale
sauf en s’y rendant par le train, pour défendre le statut d’un établissement dont
ils n’ont en fait que faire est un pari qui s’il réussit pourra se prévaloir
d’avoir été le Référendum pour ou contre le Président. C’est là tout l’enjeu.
Pour rappel, les Socialistes et les Républicains ont chacun,
en leur temps, procédé à des privatisations d’entreprises jusque là détenues
par l’Etat, avec plus ou moins de réussite. C’est d’ailleurs en prenant pour
exemple la privatisation, selon eux, mal ficelée des autoroutes qu’ils s’opposent
vigoureusement à celle d’ADP. Comme si Edouard Philippe et son équipe
allaient, stupidement reproduire les erreurs de leurs prédécesseurs.
C’est donc toute l’opposition qui déclare, à l’unisson, ADP bien
inaliénable de l’Etat, tout comme ont été sacralisés d’autres établissements
publics créés par ordonnance en 1945-46. On n’en attendait pas moins de
la France Insoumise, par essence farouchement hostile à l’entreprise privée mais
la démarche des Républicains fait plutôt sourire tant elle va à
l’encontre de leur propre philosophie. Comment ces gens qui baignent
d'ordinaire dans le libéralisme et mènent la chasse aux fonctionnaires,
peuvent-ils vouloir maintenir la présence de l’Etat dans des entreprises à
vocation purement commerciale alors qu'ils rabâchent à longueur de temps que
celui-ci devrait uniquement se concentrer sur ses tâches régaliennes. Un
reniement de plus.
On a donc compris que la privatisation d’ADP est
d’abord une opération anti-Macron.
Mais alors que tout le monde ou presque semble s’y opposer,
quelle mouche a piqué le gouvernement pour qu’il décide de céder Aéroports
de Paris, présenté comme un de nos fameux bijoux de famille ? Cela parait effectivement d'autant plus incompréhensible que l’affaire est rentable et que l’Etat actionnaire majoritaire en tire un
profit non négligeable, chose rare pour un établissement public si on le
compare par exemple à la SNCF.
Or, une fois gratté le vernis, la situation d’ADP est,
à moyen terme, loin d’être aussi idyllique. Ceux qui défendent avec tant
d’ardeur les deux aéroports concernés, Charles De Gaulle et Orly, ne doivent
certainement jamais y mettre les pieds car le moins que l’on puisse dire est
que les voyageurs qui les fréquentent sont loin d’en être totalement
satisfaits. La qualité des services laisse tellement à désirer que Roissy CDG
occupe le 121ème rang parmi les aéroports internationaux et Orly le 126ème.
Pas brillant du tout. La Restauration et les Boutiques y sont plutôt appréciées
mais le manque de ponctualité endémique y apparaît comme un gros handicap. Pour
info, c’est l’aéroport de Doha au Qatar qui arrive en tête suivi de Tokyo.
Ce que nous considérons comme un fleuron de nos si chers
services publics ne jouit pas d’une aussi bonne réputation que cela. ADP fait
du bénéfice, certes, mais comme à son habitude, l’Etat dès qu’il est
actionnaire, s’avère d’une formidable gloutonnerie, prompt à avaler tous les
dividendes aux dépens des investissements. C’est bien là le problème. On adore,
aujourd’hui, clouer au pilori ces actionnaires sans scrupule qui se font verser des dividendes
indécents tout en se gardant, par pure mauvaise foi, de reconnaître que
dans le genre, l’Etat est le pire de tous.
Au moment où le Brexit, une fois entériné, risque de
relativiser la place de Londres dans le cadre de échanges européens, Paris va
devoir renforcer ses structures aéroportuaires dans la perspective d’un
doublement du trafic, engendrant un coût dont l’Etat ne pourra jamais assumer
le financement. Il n’en a plus les moyens. En revanche, ce sont les capitaux
privés levés en abondance qui permettront à cet immense chantier de voir le
jour. Rien ne les empêchera pour cela de réinvestir les profits
alors que pris au piège de ses déficits budgétaires, l’Etat en est totalement
incapable. Un peu comme un propriétaire pressé d’encaisser ses loyers pour
rembourser ses dettes mais qui laisse ses biens dans un total délabrement.
Qu’on ne s’y trompe pas, le maintien d’ADP en tant qu’Etablissement Public
se traduira par la dégradation croissante des aéroports de Roissy et d'Orly,
nécessitant à terme une privatisation dans l’urgence plus coûteuse que
rentable
L'angoisse des correspondances ratées en raison des retards. Un mal qui sévit depuis trop longtemps à ADP |
Pour mémoire, ADP est déjà détenu en partie
par des capitaux privés dont Vinci et l’Aéroport d’Amsterdam. L’Etat
a procédé à deux privatisations partielles en 2006 et 2013, conservant juste un
peu plus de 50% du capital. Il pourrait envisager une nouvelle privatisation
partielle, se contentant en somme d'une minorité de blocage mais cette option
ne présente guère d’intérêt. Pour attirer des investisseurs et surtout se
projeter dans l’avenir, il est impératif de donner de la souplesse au
fonctionnement et de la marge de manœuvre dans les innovations. Il est vérifié
que seul un management privé dispose d’une réelle faculté d’adaptation à la
multiplicité des enjeux liés à l’avenir de l’activité aéroportuaire, d’autant
que la concurrence ne cesse de se renforcer en termes de qualité de prestations.
Le maintien d’ADP dans le giron du service public ne pourra jamais
atteindre le niveau d’efficacité exigé pour rester dans la compétition en
raison des rigidités inhérentes à l’administration publique et à ses cadres
dirigeants, tous hauts fonctionnaires et énarques de préférence.
Que les autoroutes aient été mal vendues, la chose est
entendue. La privatisation s’est faite par tranches sans véritable mise en
concurrence. Vinci étant déjà en position de force lors de
privatisations partielles précédentes, se retrouvait de fait seul à
soumissionner et apte à négocier, en sa faveur, les meilleures conditions
d’acquisition. La leçon a servi. ADP fera, cette fois, l’objet d’une
vente en bloc de manière à pouvoir confronter des offres concurrentes et surtout
permettre à l’Etat lde percevoir en retour la prime de contrôle qui devrait représenter jusqu’à 30% du prix de la vente, ce qui n’avait pu être le cas pour
les autoroutes.
Le cahier des charges, essentiel dans cette opération, devra
être clair quant aux obligations du repreneur. Là encore, on entend se plaindre
ceux qui annoncent déjà que cela va être la grande braderie à cent francs. On
peut effectivement les comprendre quand on regarde avec quelle légèreté ils ont
traité les dossiers de privatisations à l’époque où ils étaient au pouvoir.
Maintenant qu’ils n’y sont plus, peut-être avons-nous le droit de croire que
nos responsables seront désormais plus vigilants et compétents.
Quant à ceux qui, connus pour leur mauvaise foi et leur peur
du migrant, ont émis les réserves les plus significatives sur le risque de voir
nos frontières disparaître, qu’ils sachent que la privatisation d’ADP ne
concerne que les activités commerciales des deux aéroports. Il est évident que
les fonctions régaliennes liées à la sécurité des frontières ne sont pas
concernées. Il y aura toujours des policiers et des gendarmes pour assurer le
service d’ordre et des douaniers pour contrôler les voyageurs et leurs bagages.
Et non, ce ne seront ni des milices privées ni des terroristes infiltrés qui
feront la loi. Dommage, encore un argument qui ne tient pas.
La privatisation d’ADP devrait aussi permettre d’en
finir avec un interminable conflit d’intérêts avec Air France, la
compagnie nationale dont l’Etat détient des parts historiques. Cette situation
totalement ubuesque qui fait de l’Etat à la fois le fournisseur et le client
pourra enfin trouver son dénouement. En l’état actuel des choses, ADP ne
peut augmenter ses taxes d’aéroport sans s’opposer à lui-même, en
l’occurrence Air France dont l’intérêt est bien sûr de les maintenir
au plus bas. Et pour comble, l’Etat qui devrait dans cette situation conserver
une sage neutralité, choisit depuis toujours son camp, le même, Air France même
s’il y est minoritaire.
Une raison de plus pour sortir de ce dilemme cornélien. Privatiser Aéroports de Paris est non seulement indispensable, mais c’est aussi une assurance pour l’avenir et la garantie de faire de Paris un carrefour d’échanges à l’échelle planétaire. Dans le cas contraire, on ne changera rien. Et le trafic continuera de transiter par Heathrow.
Une raison de plus pour sortir de ce dilemme cornélien. Privatiser Aéroports de Paris est non seulement indispensable, mais c’est aussi une assurance pour l’avenir et la garantie de faire de Paris un carrefour d’échanges à l’échelle planétaire. Dans le cas contraire, on ne changera rien. Et le trafic continuera de transiter par Heathrow.
On voudrait saboter le pays qu’on ne s’y prendrait pas
autrement. Deux pas en avant, trois en arrière, c’est ainsi que la France
avance (à reculons). Une dernière recommandation : amis provinciaux,
Paris vous a oublié, alors oubliez Paris et laissez les Parisiens régler entre
eux leurs différends comme l'on t fait Booba et Kaaris….à Roissy Charles De Gaulle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire